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Chronique

Un lab pour innover, et après ?

2/5. Les sciences de gestion se penchent sur les phénomènes liés aux espaces collaboratifs de travail, en envisageant la transformation des modèles organisationnels existants. Un « lab », c’est bien, mais sous conditions.

Les labs, ou espaces d’innovation, sont partout, souvent avec des noms évocateurs empruntant à la mythologie de la Silicon Valley.
Les labs, ou espaces d’innovation, sont partout, souvent avec des noms évocateurs empruntant à la mythologie de la Silicon Valley. (Shutterstock)
Publié le 29 déc. 2016 à 07:04
Les labs, ou espaces d’innovation, sont partout, souvent avec des noms évocateurs empruntant à la mythologie de la Silicon Valley.

Les labs, ou espaces d’innovation, sont partout, souvent avec des noms évocateurs empruntant à la mythologie de la Silicon Valley.Shutterstock

Quelle entreprise n’a pas son « lab » ? Aucune semble-t-il. Les labs, ou espaces d’innovation, sont partout, souvent avec des noms évocateurs empruntant à la mythologie de la Silicon Valley. Un « lab » c’est un espace autonome organisé et équipé pour permettre l’innovation et la créativité. C’est le lieu où l’on retrouve le plaisir du « faire », celui du travail manuel et de la manipulation de la matière, et en particulier du faire ensemble. On y trouve typiquement des imprimantes 3D, des machines à découpe laser, des établis et des fers à souder permettant de créer très vite des prototypes de produits imaginés à partir de techniques de type design thinking. Dans ces lieux doivent naître les futures innovations de l’organisation et, peut-être, selon certains chercheurs, s’y inventer le travail de demain. Qu’en est-il vraiment ? Si on tire un bilan rapide des résultats des premiers labs ouverts, on peut être relativement sceptique quant aux promesses d’impact. Ce scepticisme tient moins au concept lui-même qu’à la façon dont les labs ont été conçus et mis en œuvre. Trois problèmes, en particulier, méritent d’être soulignés.

Le premier est que leur nom est mal choisi. L’idée est qu’au sein de ces espaces se créent de nouvelles pratiques d’innovation, d’où le côté expérimentation, et le terme «  lab » avec le parfum de liberté qui l’accompagne. Mais dans l’esprit commun, et surtout celui du manager, le lab, c’est ce lieu peuplé de savants fous, le puits sans fond dans lequel on investit et dont jamais rien ne sort. On pense, bien sûr, au Palo Alto Research Center (PARC) de Xerox, qui a tout inventé et n’a jamais rien commercialisé. Et Xerox n’est pas la seule grande entreprise dont les labs n’ont rien produit. Le terme est donc un lourd héritage qui pourrait hanter les jours futurs de ces lieux sympathiques. Combien de labs se créent avec un mandat explicite et des indicateurs clairs ?

Le deuxième problème des labs est leur positionnement. Censée aider l’entreprise à innover, leur ouverture tient en fait plus de l’opération de communication que de l’étape d’une stratégie soigneusement étudiée. Le lancement se fait souvent en fanfare, avec inauguration assurée par le PDG tout sourire. Objet de communication, sorte de réponse fourre-tout permettant aux entreprises paralysées par les ruptures de leurs environnements de dire « Vous voyez, on innove, on fait même des trucs avec tous les mots à la mode auxquels on ne comprend rien ». On améliore ainsi le rapport annuel, mais pour l’innovation, c’est autre chose.

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Le troisième problème des labs est ce qu’ils disent de l’organisation. Lieu de créativité, d’innovation, de liberté, d’expérimentation où « tout est possible », le lancement d’un lab nous dit en creux que rien de tout cela n’est possible dans le reste de l’organisation. C’est au fond d’abord un constat d’échec. La prise de conscience peut être salutaire, mais cet état de fait crée, d’entrée de jeu, une relation difficile du lab avec le reste de l’organisation, désignée comme ringarde et non innovante.

Or, c’est dans leur relation avec le reste de l’organisation que réside la clé de leur succès. Tout l’enjeu des labs est de transmettre leur culture du « faire », ce qui passe nécessairement par une réflexion fine sur les liens du lab avec les autres départements et entités. Quelle est la relation du lab avec la R&D ? le marketing ? la DG ? A qui est rattaché le lab ? Qui y vient et pourquoi ? Comment se mesure son succès ? Comment fonctionne-t-il ? Doit-il facturer ses prestations en interne ou être un centre de coûts ? Ce ne sont là que quelques questions typiques, mais cruciales, auxquelles doivent répondre les promoteurs du lab. Elles paraîtront ennuyeuses et stériles aux entrepreneurs imprégnés d’une culture entrepreneuriale « faisons d’abord, voyons après ». Mais les ignorer reviendrait à oublier que l’innovation est un processus social et que tous les grands innovateurs, comme Thomas Edison notamment, ont d’abord fait preuve d’une fine compréhension du contexte dans lequel ils évoluaient pour réussir.

Philippe Silberzahn est professeur à EMLYON Business School et chercheur associé à l’École Polytechnique

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