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Pourquoi il faut vous ennuyer cet été

Prendre le temps de s’ennuyer présente un certain nombre d’avantages. Encore faut-il être prêt à laisser vagabonder son esprit. Profitez de l’été pour lâcher votre smartphone et tenter l’expérience du vide. Vous verrez, il est parfois bon de ne rien faire.

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Le problème, c’est que dans notre monde ultraconnecté, il est très difficile d’accepter "de remplir le vide". (Shutterstock)
Publié le 29 juil. 2019 à 12:31Mis à jour le 29 juil. 2019 à 12:34

C’est sans doute l’expérience la plus célèbre sur le sujet de l’ennui. Sandi Mann et Rebekah Cadman, deux chercheuses britanniques en psychologie de l'université du Central Lancashire, ont demandé à 40 volontaires de recopier les numéros de téléphone d’un annuaire pendant quinze minutes. Une activité pour le moins barbante… Puis elles leur ont demandé d’imaginer différentes façons d’utiliser des gobelets en plastique. Et là, surprise ! Ces volontaires se sont montrés bien plus créatifs et astucieux que ceux qui n’avaient pas été invités à recopier les numéros.

L’ennui stimule l’imagination

Conclusion des auteures : les tâches ennuyeuses, que l’on pratique de façon automatique, stimulent l’imagination. Plus fascinant encore, pendant ces moments de creux, le corps passe en pilote automatique et le cerveau en "mode par défaut", c’est-à-dire qu’il s’active même lorsqu’on ne fait rien de particulier. Il en profite pour trier, ranger, digérer les infos de la journée, organiser les souvenirs, construire notre mémoire.

Selon la chercheuse Sandi Mann, "quand vous rêvez éveillé et permettez à votre esprit d'errer, vous passez au-delà du conscient, un peu dans le subconscient, ce qui crée de nouvelles activités cognitives". 

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L’ennui provoquerait aussi sur d’autres bienfaits. Il rendrait plus productif, permettrait d’anticiper inconsciemment de futurs projets ou nous signalerait que nous faisons fausse route. Pour le chercheur américain Andreas Elpidorou, "l'ennui est à la fois un signe nous avertissant que nous ne faisons pas ce que nous voulons faire et un coup de pouce qui nous motive à changer d'objectif et de projet". Et par n’importe lequel révèle dans son étude le docteur en psychologie Wijnand Van Tilburg de l’université de Limerick (Irlande).

Il est très difficile de s’ennuyer

Ce chercheur a demandé à des étudiants de recopier des textes très techniques sur la fabrication du béton. Il leur a ensuite demandé s’ils étaient prêts à donner leur sang. Plus de la moitié des étudiants ayant écrit dix textes ont accepté, contre 21% qui n’en avaient copié que deux. "L'ennui fait que les gens aspirent à des activités différentes et utiles. Par conséquent, ils se tournent vers celles qui sont plus stimulantes et ayant du sens" conclut le chercheur dans un article du Guardian.

Le problème, c’est que dans notre monde ultraconnecté, il est très difficile d’accepter "de remplir le vide". Que celui ou celle qui n’a jamais dégainé son portable devant la machine à café, dans la queue au ciné ou pendant un trajet en métro lève le doigt ? Par ailleurs, il n’est pas bien vu de rester à ne rien faire sous peine d’être traité de paresseux, voire de dépressif.

Certains sont même prêts à tout pour éviter ces moments de creux. En 2014, des participants à une étude américaine préféraient recevoir une légère décharge électrique plutôt que de se tourner les pouces pendant quinze minutes, seuls dans une pièce.

"En réalité, il est très difficile de s’ennuyer, et moins on en a l’habitude, plus on sera intolérant face à cette plage d’inactivité, explique Odile Chabrillac, psychothérapeute et auteure du Petit Éloge de l’ennui. Et pourtant, on peut apprivoiser l’ennui, le vivre et le traverser sans inquiétude, sans la peur de ne rien remplir".

Des idées pour vivre l’ennui

Voici quelques astuces pour créer des circonstances propices à l’ennui. Profitez de l’été et des vacances pour vous exercer. Les bienfaits s’en feront d’autant mieux ressentir à la rentrée !

• Arrêter de checker ses mails ou de butiner sur les réseaux sociaux dès que l’on a un moment de libre
• Laisser errer son esprit, au calme, sans musique, sans téléphone, sans ordinateur, sans livre
• Marcher, nager
• Bloquer une "période d’ennui" dans son calendrier au même titre qu’une réunion avec son chef ou un déjeuner avec ses collègues ou amis
• Pratiquer des tâches réclamant peu de concentration et d’attention comme ranger son bureau, classer des archives, remplir des enveloppes
• Faire couler du sable entre ses doigts, regarder passer les nuages, écouter le bruit du vent dans les arbres
• Bricoler, tricoter, colorier des mandalas
• S’offrir une semaine de déconnexion

Corinne Dillenseger

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