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Faut-il avoir peur de l'intelligence artificielle ?

Avec l'appui d'une quinzaine d'experts, l'université Stanford vient de publier sa vision des progrès de l'intelligence artificielle. Et réfute tout risque de danger pour l'humanité.

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Par Benoît Georges

Publié le 6 sept. 2016 à 01:01

Oui, l'intelligence artificielle (IA) va transformer le monde tel que nous le connaissons au cours des quinze prochaines années. Non, elle ne représente pas de menace pour l'humanité, et la vision à la « Terminator » d'un superordinateur devenu si puissant qu'il déciderait de supprimer les humains n'a aucune chance de se réaliser. Tel est le message qui ressort d'une passionnante étude publiée la semaine dernière par l'université Stanford, sous le titre « Artificial Intelligence and Life in 2030 ».

Ce document constitue la première pierre d'un travail très ambitieux, commencé en 2014 par l'une des plus prestigieuses universités américaines, située au coeur de la Silicon Valley : une étude académique d'une durée de cent ans, révisée tous les cinq ans, en explorant à la fois les avancées techniques de l'IA et ses implications sur la société. Une idée lancée au départ par Eric Horvitz, chercheur au laboratoire Microsoft Research de Redmond, à laquelle il a rallié une quinzaine de grands noms du secteur, dont Erik Brynjolfsson, professeur au MIT et coauteur du best-seller « Le Deuxième Age de la machine », Rodney Brooks, cofondateur d'iRobot et Rethink Robotics, ou Astro Teller, patron d'X, le laboratoire de projets avancés de Google.

Parmi les experts sollicités par Stanford, près de la moitié avait signé, en janvier 2015, la célèbre lettre ouverte du Future of Life Institute alertant sur les dangers potentiels d'une IA mal maîtrisée. Mais leur rapport se révèle bien plus mesuré que les appels alarmistes d'autres signataires, comme le physicien Stephen Hawking, le philosophe Nick Bostrom ou le patron de Tesla, Elon Musk - tous trois considérant, pour des raisons différentes, que les machines intelligentes peuvent représenter un grave péril. « Notre panel de chercheurs n'a pas trouvé de raison de s'inquiéter que l'intelligence artificielle puisse représenter un danger immédiat pour l'humanité, est-il écrit dès l'introduction. Des machines ayant pour but de garantir leur survie à long terme n'ont jamais été développées, et il est improbable qu'elles le soient à l'avenir. »

Ni alarmisme ni angélisme

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A l'inverse, le document indique que l'intelligence artificielle va faire naître « un nombre croissant d'applications utiles pour nos sociétés et nos économies d'ici à 2030 ». Mais cette vision optimiste se garde toutefois de basculer dans l'angélisme. Selon les auteurs du rapport, les progrès des systèmes intelligents vont bousculer des pans entiers de nos économies et nos sociétés. Ils ont d'ailleurs commencé à le faire : les recommandations des sites d'e-commerce, la reconnaissance vocale des smartphones ou les informations mises en avant par les réseaux sociaux ont de plus en plus recours à des technologies issues de l'IA, comme l'apprentissage automatique (« machine learning »), la vision par ordinateur (« computer vision ») ou le traitement automatique du langage (« natural language processing »). D'où l'urgence de sensibiliser le grand public et les gouvernants à leur régulation et leur utilisation (lire ci-contre).

S'il détaille les multiples domaines de recherche qui constituent aujourd'hui l'intelligence artificielle, le document s'attache surtout à anticiper leur impact prévisible dans différents secteurs. Avec la volonté assumée de restreindre ses prédictions à la fois dans le temps et dans l'espace, en s'attachant à décrire les changements d'une ville nord-américaine à l'horizon 2030. Cela présente l'avantage d'éviter l'éparpillement et de rendre les exemples plus concrets, mais l'inconvénient d'ignorer un des pans les plus controversés de l'IA et de la robotique : leur utilisation par l'industrie militaire.

Parmi les domaines étudiés, celui des transports arrive en première position. Alors que les voitures autonomes font aujourd'hui l'objet d'un déluge d'annonces fracassantes, les experts de Stanford étonnent presque par leur prudence : « Même si les voitures du futur étaient plus intelligentes et les drones plus largement accessibles, il est peu probable que nous adoptions en 2030 des moyens de transport radicalement différents de ceux dont nous disposons aujourd'hui », écrivent-ils, écartant par exemple l'idée de voir apparaître des drones de transport volants ou flottants, « même si des prototypes existent déjà ». En revanche, la gestion du trafic, la prévention des accidents et le transport à la demande seront à l'origine de progrès sensibles pour les citadins.

Le rapport se montre également très mesuré sur les perspectives de la robotique de service : « Des robots spécialisés livreront des colis, nettoieront des bureaux ou amélioreront la sécurité, mais les contraintes techniques et les coûts élevés continueront à limiter les opportunités commerciales. » Il fonde en revanche beaucoup d'espoirs sur les applications de l'IA à la santé ( « à condition qu'elles gagnent la confiance des médecins, des infirmiers et des patients » ), à la sécurité (détection de cyberfraudes, vidéosurveillance automatisée, voire prédiction de crimes...) et à l'éducation, estimant que les outils d'enseignement et de suivi personnalisé des élèves (« intelligent tutoring systems ») vont se développer rapidement.

Le rapport se penche aussi sur un thème qui fait couler beaucoup d'encre depuis deux ans : l'impact de l'intelligence artificielle sur le travail et l'emploi. Avec, là aussi, une vision plutôt équilibrée : « L'automatisation va remplacer des tâches répétitives, mais pas forcément des emplois. » Fidèle à une vision schumpetérienne de destruction créatrice, il estime qu'elle donnera aussi naissance à de nouveaux types d'emplois, « mais ceux qui vont apparaître sont plus difficiles à imaginer que ceux qui vont probablement être perdus ».

Dans le même temps, l'étude souligne toutefois que l'intelligence artificielle peut contribuer à accroître les inégalités si elle ne bénéficie qu'à une petite fraction de la société, et pointe un danger réel pour les cols blancs : la perte du statut social et des moyens financiers liée à la disparition d'emplois réguliers et bien payés, comme ont pu le subir les cols bleus américains au cours des dernières décennies avec la désindustrialisation. « Ces changements vont nécessiter une réponse politique [...] sur les filets de sécurité à mettre en place pour protéger les populations des modifications structurelles » que vont connaître nos économies.

D'où la nécessité, sur les questions économiques comme sur les sujets sociétaux, d'adapter dès aujourd'hui nos politiques publiques à cette révolution en marche, estiment les experts de Stanford. « Il n'est pas trop tôt pour ouvrir le débat sur la façon dont les bénéfices économiques de l'intelligence artificielle devront être partagés. »

Trois pistes pour un bon usage de l'IA

« Le but de l'intelligence artificielle doit être de créer de la valeur pour nos sociétés. » Cela nécessitera que les pouvoirs publics et les citoyens en comprennent les enjeux, dans un domaine complexe où s'affrontent souvent l'optimisme délirant des entrepreneurs et la vision alarmiste d'Hollywood. Le rapport de Stanford donne trois pistes pour en sortir :1. Améliorer l'expertise des gouvernants. « Sans compréhension du fonctionnement des systèmes d'IA, les officiels ne seront pas en position d'évaluer leur impact. » 2. Ne pas freiner la transparence. Les lois sur la propriété intellectuelle et la sécurité empêchent souvent chercheurs et journalistes d'étudier la loyauté et la sécurité des algorithmes. Or ces recherches sont indispensables pour prévenir un usage abusif.3. Financer des études d'impact. Les fonds consacrés à la recherche sur les conséquences sociétales de l'IA sont insuffisants. « Il faut financer des équipes pluridisciplinaires capables d'en analyser l'impact sous différents angles. »

Benoît Georges

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