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Société

Paul, pompier en Indre-et-Loire : «Mon agresseur a été déclaré pénalement irresponsable»

MA VIE FACE À L’INSÉCURITÉ. Le JDD donne la parole à des Français confrontés à l’explosion de la violence dans le pays. Cette semaine, Paul*, pompier de 28 ans, raconte l’agression dont il a été victime en 2021 et fait part des craintes de toute une profession.

Propos recueillis par Marianne Lecach , Mis à jour le
Le jeune pompier dénonce un contexte qui « empire » d'année en année.
Le jeune pompier dénonce un contexte qui « empire » d'année en année. © MOURAD ALLILI/SIPA - CLAUDIO PRAMANA/ZUMA/SIPA

C’était le 1er août 2021. Comme d’habitude, j’avais débuté mon service tôt pour me lancer dans une garde de 24 heures au sein de ma caserne de Tours (Indre-et-Loire). Ce matin-là, la météo était ensoleillée, il faisait chaud… Une belle journée s’annonçait. Jusqu’au moment où mon équipier, mon chef d’agréé et moi-même sommes appelés pour secourir une personne qui venait de faire un malaise sur la voie publique, dans le quartier Giraudeau. Pour nous, cela ressemblait à une intervention de routine. Jamais je n’aurais pu imaginer ce qui allait se produire.

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Retrouvez tous les épisodes de notre série « Ma vie face à l'insécurité »

À notre arrivée sur place, plusieurs témoins se trouvent aux côtés de la personne en détresse. J’aperçois alors un homme imposant, mesurant près de deux mètres, particulièrement agité. Il court partout et nous affirme qu’il a consommé de la drogue – des amphétamines pour être exact. L’individu tient des propos insensés : il nous parle de Dieu et va jusqu’à se présenter lui-même comme le Christ. Avec mon équipier, on l’emmène alors dans le camion de pompier et le couche sur le brancard afin de prendre ses constantes. Mais l’homme ne nous en laisse pas le temps…

Déchaînement de violence

Soudainement, il me porte un violent coup de poing, avant de nous tabasser tous les deux en même temps. Un véritable déchaînement de violence. Je tente de le repousser avec mes bras et de me protéger le visage, mais nous nous trouvons dans notre camion, un espace exigu. Je n’ai pas la possibilité de m’éloigner de mon agresseur, qui a largement pris le dessus sur nous au vu de sa corpulence. Je reçois donc de nombreux coups de poing et de pied. Dans le même temps, notre agresseur au regard noir ne cesse de nous insulter de tous les noms.

« Il aura fallu trois pompiers pour le maîtriser »

À ce moment-là, j’avais du mal à savoir comment bien me protéger. Je ne savais pas si cet homme était armé d’un couteau, par exemple. Je redoutais qu’il dégaine une arme blanche et que la situation prenne une tournure dramatique. Clairement, je craignais pour ma vie et celle de mon collègue.

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Heureusement, notre chef d’agréé, resté à l’extérieur du camion pour recueillir les témoignages des passants, nous vient rapidement en aide. Il aura finalement fallu trois pompiers pour maîtriser cet individu de près de 110 kg, qui continue tout de même de gesticuler et de donner des coups de pied n’importe où, même contre le camion. Même si nous ne sommes pas formés pour ce type d’incidents, nous décidons machinalement de le plaquer sur le brancard, à plat ventre, et de lui tenir les bras et les jambes en attendant l’arrivée de la police. En moins de cinq minutes, deux ou trois patrouilles débarquent et interpellent l’individu – que je ne recroiserai plus jamais.

Après l’agression, on nous emmène à l’hôpital. C’est là que je me rends compte que mon visage est tuméfié. Je suis couvert d’hématomes au niveau du thorax et des côtes. Mon collègue et moi-même avons chacun reçu un jour d’ITT (incapacité totale de travail). Nous avons déposé plainte pour « violences sur une personne dépositaire de l’autorité publique sans incapacité ».

Pas de poursuites

J’ai attendu plus de trois ans, jusqu’au 24 avril 2025, pour recevoir un courrier de la cour d’appel d’Orléans. En lisant cette lettre, je tombe des nues. La justice m’indique que mon agresseur a été déclaré pénalement irresponsable : « Au vu de l’article 122-1 alinéa A du Code pénal, je vous informe qu’après examen de cette procédure, les poursuites pénales ne seront pas engagées au motif que la loi ne permet pas de poursuivre en justice la personne qui a commis les faits révélés ou dénoncés dans la procédure car elle souffre d’un trouble mental médicalement constaté, ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. »

Cette nouvelle est un coup de massue. Je suis complètement abasourdi et choqué. Je ne m’attendais pas à ce qu'il fasse de la prison, mais j’espérais au moins un rappel à la loi, ou n’importe quelle sanction pénale pour lui faire comprendre que ce qu’il a fait est grave, qu’il a été trop loin.

Il souffrirait d’un trouble mental, certes, mais au moment de mon agression, cet homme était sous l’emprise de produits stupéfiants – il nous l’a dit lui-même. Son objectif était de nous faire mal. Je vais utiliser tous les recours possibles contre cette décision de justice.

« On est devenus des cibles »

Cette situation m’attriste particulièrement. Notre travail est fait pour aider les gens au maximum. On n’est pas là pour recevoir des coups, on ne mérite pas ça. Depuis cet incident, je crains pour ma sécurité, je ne fais plus mon boulot sereinement…

Pas plus tard qu’en ce début d’année, j’ai d’ailleurs été une nouvelle fois pris à partie lors d’une intervention pour éteindre un feu sur un camp de gens du voyage. Un homme a menacé d’aller chercher son fusil de chasse pour « m’en mettre une entre les deux yeux » car, selon lui, je roulais trop vite entre les caravanes sur leur camp. Il m’a même menacé de mort : « Je vais te tuer toi et toute ta famille. »

L’individu n’a finalement rien fait, mais ces agressions verbales sont récurrentes. Elles surviennent quasiment chaque semaine de la part de personnes alcoolisées ou dans un état second. Certains individus n’ont pas de filtre, et encore moins de remords de s’en prendre à des pompiers. Il y a toujours eu des agressions, mais j’ai la sensation qu’il y en a de plus en plus. La situation ne fait qu’empirer. On est devenus des cibles et malheureusement, désormais, on est contraints de surveiller nos arrières à chaque instant.


*Le prénom a été modifié.

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