"Une grippe inédite qui n'a pas livré toutes ses surprises" : pourquoi frappe-t-elle si fort cette année, surtout chez les enfants ?
Avec plus de 900 consultations pour 100 000 habitants, la Belgique fait face à l'une des saisons de grippe les plus intenses depuis 2017-2018. Les enfants sont les plus touchés, les hôpitaux sont sous tension, et les experts alertent sur une épidémie aux multiples facettes. Décryptage.

- Publié le 01-02-2025 à 10h08
Pour de nombreux Belges, cet hiver prend des airs de marathon interminable, ponctué de quintes de toux, de visages pâles et de flacons de sirop au paracétamol. Il faut dire que la grippe frappe fort cette saison, frappant particulièrement les plus jeunes.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : selon le dernier rapport de Sciensano, l'institut de santé publique, le nombre de consultations pour symptômes grippaux a explosé ces dernières semaines. Pour la semaine du 20 au 26 janvier, on enregistre 926 consultations pour 100 000 habitants (voir graphique), dépassant largement le seuil d'activité élevée.
Ce phénomène peut s'expliquer par une probable compensation pour les saisons légères des années précédentes"
La situation a franchi un cap : l'incidence des consultations chez les médecins généralistes dépasse désormais le seuil épidémique moyen des cinq dernières années. Les cabinets médicaux sont sous pression : 74 % des médecins vigies ont signalé une charge de travail "élevée" ou "très élevée" due aux infections respiratoires lors de la quatrième semaine de l'année.
Une épidémie aux multiples visages
Les enfants sont en première ligne. Les groupes d'âge des 0-4 ans et des 5-14 ans arrivent largement en tête des consultations, avec Bruxelles comme région la plus touchée.
Les hospitalisations liées à la grippe se rapprochent des pics observés les années précédentes, et si le nombre de tests positifs diminue légèrement, les concentrations du virus dans les eaux usées restent alarmantes. Ces indicateurs laissent penser qu'un premier pic pourrait être atteint, mais les semaines à venir s'annoncent encore intenses.
Alors pourquoi les plus jeunes sont-ils si durement touchés ? La réponse se niche dans les particularités de l'épidémie 2024-2025. Contrairement à ce que l'on imagine souvent, la grippe ne se résume pas à un seul virus. Cette année, trois souches cohabitent : A (H1N1), A (H3N2) et B/Victoria. Une co-circulation qualifiée d'"inhabituelle" par les experts.
Dès lors, certains enfants pourraient avoir développé une mémoire immunitaire contre certaines souches, mais pas contre d'autres. Cependant, ces hypothèses restent à confirmer. "Il est trop tôt pour avancer une explication unique sur le plan scientifique. Concernant le pic épidémique, il faudra attendre quelques semaines pour confirmer une baisse des infections", précise Steven Van Gucht, virologue (Sciensano). C'est assez inédit vu les dernières années mais cela s'est déjà produit avant le covid".
Le pic semblait en effet atteint, mais les contaminations continuent d'augmenter chez les enfants, ce qui pourrait favoriser une transmission aux parents et grands-parents dans les semaines à venir. "On observe une séquence d'infections en chaîne, ce qui nous incite à rester prudents sur l'évolution de l'épidémie", souligne-t-il.
Un autre facteur pourrait expliquer cette vague particulièrement intense : les enfants ont été moins exposés à la grippe ces dernières années. "Si l'on regarde les souches qui ont circulé récemment, on a eu de la chance avec une saison grippale plutôt légère l'année dernière. Pendant la période Covid, la grippe était quasiment absente. Cette saison est la première réellement intense depuis la pandémie", analyse le virologue.
Il rappelle que les épidémies plus virulentes s'inscrivent souvent dans un cycle naturel. "De temps en temps, on observe des saisons plus fortes. La dernière fois qu'on avait atteint un niveau aussi élevé, c'était en 2017-2018. Ensuite, il y a eu des années plus calmes, probablement en compensation."

Vaccination : un bouclier insuffisant
Autre facteur aggravant : la couverture vaccinale, jugée insuffisante. En Belgique, seulement 57,3 % des plus de 65 ans sont vaccinés contre la grippe, loin de l'objectif des 75 %. Un chiffre préoccupant, alors que les hôpitaux sont déjà sous tension.
Entre le manque de lits disponibles et le personnel soignant lui-même touché par la maladie, le système de santé est mis à rude épreuve.
En attendant que la vague passe, les Belges sont invités à redoubler de vigilance : gestes barrières, vaccination et prudence restent de mise pour limiter la propagation du virus. Car si l'hiver semble interminable, la grippe, elle, n'a pas dit son dernier mot.
Quant à l'efficacité du vaccin cette année, il faudra attendre pour en tirer des conclusions définitives. "Les données préliminaires semblent normales", assure Van Gucht.
En Flandre, le pic est attendu début mars, ce qui signifie que la surveillance restera cruciale au cours des prochaines semaines.