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EXCLUSIF - Toni Nadal : «Rafael est toujours resté la même personne»

ENTRETIEN. Il a guidé son neveu vers les sommets. Toni Nadal revient pour le JDD sur vingt ans d’une aventure unique avec Rafael Nadal, icône planétaire et roi incontesté de Roland-Garros, sacré quatorze fois à Paris. Un témoignage rare, à l’heure des hommages.

Propos recueillis par Jean-François Pérès
Toni Nadal (à g.) après la dixième victoire de Rafael à Roland-Garros, en 2017.
Toni Nadal (à g.) après la dixième victoire de Rafael à Roland-Garros, en 2017. © Eric FEFERBERG / AFP

Il a fait de son neveu l’un des plus grands joueurs de l’histoire du tennis, le plus grand pour certains. L’un des plus prodigieux sportifs aussi, toutes époques et disciplines confondues. En remportant quatorze éditions des Internationaux de France de tennis entre 2005 et 2022 (et 22 tournois du Grand Chelem au total), Rafael Nadal a marqué Roland-Garros à jamais et sera honoré cet après-midi sur le court Philippe-Chatrier comme un extra-terrien, comme on dirait un extraterrestre.

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Pendant plus de vingt ans, Toni Nadal a accompagné, façonné et conseillé ce garçon chez qui il avait décelé très tôt des dispositions pour le tennis, même si le « nino » préférait le football – normal, dans une famille qui compte une ancienne star du FC Barcelone. Des débuts de « Rafa » sur le circuit professionnel en 2002 et jusqu’en 2018, quand il a laissé la place d’entraîneur principal à Carlos Moya, le Majorquin de 64 ans a vécu des moments uniques qu’il a accepté de revisiter – en français – pour le JDD.

Après avoir dirigé aux Baléares la prospère académie qui porte le nom du joueur, Toni Nadal se consacre désormais à l’entraînement de jeunes pousses et à des conférences en entreprise. « Très pris », de son propre aveu, au point d’avoir raté les adieux en compétition de son neveu en novembre dernier à Malaga, il sera, cet après-midi à la porte d’Auteuil, pour honorer un champion et une carrière qui lui doivent beaucoup. 

Le JDD. Dès sa première participation en 2005, à 19 ans, Rafael Nadal avait remporté Roland-Garros. Quelles images en gardez-vous ?

Toni Nadal. Je me souviens du tout premier match qui s’était disputé sur le court n° 1 [aujourd’hui détruit, NDLR] qui ressemblait à une plaza de toros [arène], c’est bien ça ? [Rafael Nadal s’y était en effet imposé face à l’Allemand Burgsmüller en trois sets.] Ensuite, le match face à Richard Gasquet au troisième tour (6/4, 6/3, 6/2), la demi-finale contre Roger Federer (6/3, 4/6, 6/4, 6/3), et enfin la finale face à Mariano Puerta (6/4 au dernier set). J’ai encore en tête le dernier point quand l’Argentin met la balle dehors. Je me suis dit : « Ça y est, Rafa a gagné son premier Grand Chelem ! » Comment oublier ça ?

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Cette première Coupe des Mousquetaires était-elle une surprise pour vous ?

Non. Quelques jours avant de partir à Paris, on s’était entraînés avec Carlos Moya [vainqueur de Roland-Garros 1998, il deviendra l’entraîneur principal de Nadal en 2018] et il m’avait demandé : « Tu signerais pour que Rafa aille en demi-finale ? »

Je lui avais répondu : « Pas du tout, je crois qu’il peut aller au bout ! » Je savais que cela risquait d’être difficile contre Federer ou d’autres, mais Rafael venait de gagner à Monte-Carlo, à Barcelone, à Rome… J’étais persuadé qu’en jouant bien, il serait quasiment le favori du tournoi.

Rafael Nadal a-t-il changé en tant qu’homme depuis vingt ans ?

Bien sûr qu’il a changé. Quand il a gagné son premier Roland-Garros, c’était un jeune. Maintenant, c’est un homme (rires). Mais ce qui est essentiel, c’est qu’il soit resté une personne normale. Il n’a jamais pensé qu’il était quelqu’un de spécial, même en devenant adulte ou célèbre.

Que pensez-vous lui avoir apporté de plus important ?

C’est difficile à dire. Je dirais peut-être l’importance d’avoir de bonnes relations avec tout le monde, les organisateurs de tournois, les sponsors, les personnes qui achètent un billet pour le voir jouer… Ensuite, le fait d’avoir confiance en son travail. Je suis un coach qui aime le travail. Pour moi, le sport est avant tout une affaire de progression personnelle. C’est ce que j’ai essayé de transmettre à Rafael, le persuader que s’il travaillait bien, il pouvait arriver à obtenir ce qu’il voulait. Enfin, je dirais être dans le combat jusqu’au bout, mais toujours dans la correction. Je pense que cela le résume bien.

Des quatorze victoires à Roland-Garros, laquelle est la plus émouvante pour vous ?

Après la défaite contre Söderling [en 2009, en huitièmes de finale], le public ne s’était pas très bien comporté. La première chose que je lui avais dite, c’est : « Rafael, tranquille. La première chose que nous devons faire, c’est gagner de nouveau ici. On va commencer à travailler dès demain avec ce rêve. » Et il l’a fait [victoire en 2010 en finale face au même Suédois]. Mais, pour être franc, toutes les victoires ont été très spéciales pour moi, et plus encore celles après la dixième. Vous savez, gagner Roland-Garros, c’est extraordinaire. Alors gagner quatorze fois…

Comment définir la relation entre Rafael Nadal et le public parisien ?

Au début, le public parisien aimait, et aime toujours, un champion comme Federer qui joue de façon très esthétique, qui réussit tous les coups, qui est très correct… C’est normal parce que la France est un pays où l’on apprécie l’élégance, l’effort et la passion.

« Je suis fier de voir qu’un garçon qui rêvait de devenir un grand joueur de tennis y est parvenu de cette manière »

Mais quand Rafael a gagné son dixième Roland-Garros (en 2017), je n’avais jamais entendu une telle ovation pour un joueur, pas même à Wimbledon, Melbourne ou à l’US Open, pas même pour Federer ou Djokovic. Rafael doit être reconnaissant vis-à-vis du public et de la France en général. Quand on lui a donné les clefs de la ville de Paris, quand on l’a honoré lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques l’an passé… Ce qui a été fait pour lui, qui n’est pas un athlète français, est incroyable.

Pensez-vous, comme Roger Federer, que ses quatorze victoires à Roland-Garros sont l’une des plus grandes performances de l’histoire du sport ?

Oui, je le crois. Vous pourrez dire que je ne suis pas très objectif parce que Rafael est mon neveu mais… gagner quatorze fois, vous rendez-vous compte ? Et encore, en 2016, il était blessé, en 2009, il était diminué et pas en mesure de gagner… Je me souviens de Björn Borg. Quand il avait remporté son sixième Roland-Garros, je pensais que c’était imbattable. Et là, Rafael a gagné deux fois six titres et deux encore (rires).

Serez-vous présent ce dimanche à Paris pour l’hommage sur le Central ? Vous n’étiez pas à Malaga en novembre pour le dernier match de Rafael Nadal et cela avait fait beaucoup parler…

Bien sûr que je serai là. Je ne pouvais pas être à Malaga parce que j’avais des engagements professionnels. Je suis persuadé que les organisateurs à Roland-Garros vont faire quelque chose de formidable, pas comme à Malaga où c’était terrible, vraiment désastreux. Faire les choses bien, c’est parfois difficile. Mais les faire très mal comme ce fut le cas à Malaga, ça l’est encore plus...

Au final, de quoi êtes-vous le plus fier en repensant aux vingt ans de carrière au plus haut niveau de votre neveu ? Quelle image va-t-il laisser ?

Je suis fier de voir qu’un garçon qui rêvait de devenir un grand joueur de tennis y est parvenu de cette manière en restant toujours la même personne, même quand il souffrait. Il y a des sportifs d’exception et Rafael en fait partie. Novak Djokovic est un joueur de tennis et un sportif incroyable, Alberto Tomba aussi…

Mais quelques autres dépassent le cadre du sport : Roger Federer pour son élégance et son fair-play, Rafael pour avoir montré au monde qu’avec effort et passion, on peut atteindre les plus grands objectifs sans jamais perdre la correction. Pour moi, c’est le plus important.

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