Les bâtiments du futur sont déjà construits

Ces dernières semaines, un rare phénomène s’est produit alors que les maires de plusieurs grandes villes canadiennes, dont Montréal et Québec, ont annoncé presque simultanément qu’ils devançaient la cible de décarbonation des bâtiments sur leur territoire.

Même si la nouvelle est largement passée sous le silence, il s’agit d'un progrès important qui mérite qu’on s’y attarde.

En annonçant ces mesures, nos dirigeants font le constat que la lutte contre les changements climatiques et l’atteinte des cibles de réduction de GES sont indissociables d’une amélioration importante et rapide du bilan carbone des bâtiments résidentiels, commerciaux et industriels – au même titre que l’électrification des transports et l’optimisation de la gestion des matières résiduelles.

À eux seuls, nos bâtiments comptent pour environ 10 % des émissions de CO2 au Québec, et ce, bien que la province compte sur une énergie propre et renouvelable comme l’hydroélectricité.

Le Conseil du bâtiment durable du Canada est d’ailleurs d’avis que l’atteinte des objectifs de réduction de GES s’appuiera fortement sur le secteur du bâtiment et qu'il faudra impérativement « moderniser, rénover et décarboner des centaines de millions de mètres carrés d’espace ».

En effet, ces bâtiments qui nous entourent, construits à des époques différentes et selon les normes jadis en vigueur, sont souvent exploités, chauffés et climatisés à partir de gaz naturel, de mazout et d’autres combustibles fossiles.

C’est donc à dire qu’il y a beaucoup à faire, mais comment ?

L’attrait du neuf ?

Il y a inévitablement quelque chose de très attrayant à l’idée d’imaginer de nouveaux bâtiments neufs, d’en choisir les matériaux, d’aménager les espaces et de viser l’atteinte de certifications LEED.

Il faut toutefois se rendre à l’évidence que les bâtiments les plus verts et les bâtiments du futur sont ceux qui sont déjà construits.

Tout comme la réduction et le réemploi trônent au sommet de la hiérarchie des « 3RV » en matière de gestion des matières résiduelles (réduction, réemploi, recyclage, valorisation), la rénovation et la modernisation des bâtiments existants demeurent les options les plus avantageuses et porteuses d’avenir.

Au Québec, des dizaines de bâtiments d’envergure ayant été construits aux XIXe et XXe siècles ont fait l’objet d’un projet d’efficacité énergétique. Souvent, on parvient, à l’aide d’investissements modestes, à décarboner de 50 % à 70 %, remportant ainsi haut la main le jeu de la comparaison de l’empreinte carbone sur le cycle de vie totale comparativement à un tout nouvel édifice.

En fait, c’est parce que l’analyse de l’empreinte environnementale des bâtiments neufs ignore généralement du calcul les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à la construction que les projets de modernisation énergétique – qui permettent dans le jargon de faire passer des bâtiments « bruns » à des bâtiments « verts » – doivent être une priorité.

L’incitation avant l’obligation : mieux vaut agir maintenant

Afin de faciliter cette transition, les gouvernements ont su créer un environnement favorable à l’aide d’incitations financières sous la forme de programmes de subventions favorisant les travaux de décarbonation du bâtiment. Or, il y a fort à parier que ces mesures incitatives ne dureront pas éternellement.

À terme, ces programmes feront place à des obligations forçant les propriétaires à réduire l’impact environnemental des bâtiments.

À titre d’exemple, d’ici deux ans à Montréal, tous les propriétaires de 2000 m² ou de 25 logements et plus auront la responsabilité de divulguer annuellement les sources et les quantités d’énergie utilisées par leurs bâtiments.

C’est là un premier pas d’une tendance qui est appelée à s’accélérer. Les gestionnaires de bâtiments les plus visionnaires auront compris qu’il y a un triple avantage à agir rapidement : éviter les contraintes réglementaires à venir, profiter des incitations financières qui permettent des projets de décarbonation financés en quelques années seulement, et se démarquer aux yeux des locataires et utilisateurs des espaces.

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