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Témoignage

« Expatrié en Suède, je découvre un monde du travail où l'on fait confiance aux salariés »

TEMOIGNAGE// Florian, 32 ans, a quitté Paris pour s'installer en Suède en 2018. Il travaille désormais au siège social du constructeur automobile suédois Volvo Cars.

Florian est acheteur de logiciels embarqués au sein du siège social de Volvo Cars, en Suède.
Florian est acheteur de logiciels embarqués au sein du siège social de Volvo Cars, en Suède. (DR)

Par Chloé Marriault

Publié le 21 avr. 2024 à 07:32Mis à jour le 22 avr. 2024 à 14:52

« Quand j'annonce à mes proches que je pars en Suède, en 2018, beaucoup ne comprennent pas. Je quitte un CDI à Paris que j'occupe depuis deux ans chez Renault, groupe du CAC 40, pour un contrat de deux ans, sans aucune certitude d'embauche derrière. Qu'importe, j'ai envie de changer d'air.

Direction Göteborg, en Suède, sur la côte ouest, au siège social de Volvo Group, dans le cadre d'une mission en volontariat international en entreprise (VIE). Pourquoi j'ai postulé là-bas ? D'abord, parce que le poste m'intéresse : il s'agit d'une mission d'acheteur en services de consulting pour les activités informatique et ingénierie du groupe. Un poste pas si loin de celui que j'occupe alors chez Renault, où j'étais acheteur de logiciels. Le tout, dans une entreprise d'envergure internationale. Volvo Group, c'est un groupe suédois qui fabrique des camions, des bus, du matériel de construction et marin et des moteurs destinés à l'industrie. Contrairement à ce que son nom peut laisser croire, il ne s'agit pas du constructeur automobile, qui est une autre entreprise appelée Volvo Cars et détenue par le groupe chinois Geely depuis 2010.

Autre argument qui pèse dans la balance : la ville où se trouve le siège social, Göteborg, dénombre près de 600.000 habitants, elle a l'air dynamique, est à deux pas de la mer et de grandes forêts. Génial pour moi qui veux absolument être proche de la nature, pour me ressourcer et aller courir. Et puis, je suis assez attiré par la culture scandinave. Pendant mes études à l'école de commerce Rennes, je suis parti en Erasmus durant six mois en Finlande, expérience qui m'a beaucoup plu.

Des directeurs accessibles

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J'entre en poste en 2018. Parmi les différences qui me sautent aux yeux au travail : le rapport à la hiérarchie. En France, j'avais le sentiment que la hiérarchie était assez marquée. Si on voulait parler à son n + 2, il fallait d'abord passer par son n + 1. Ici, si vous avez une question à poser au directeur de l'entreprise, pas de souci, il est accessible. Ça change beaucoup les rapports humains, on se sent moins considéré comme une « petite main ».

A l'issue de mon VIE de deux ans, je suis embauché chez Volvo Group, avec un contrat local, toujours à Göteborg. Mais un an plus tard, pandémie de Covid. Comme beaucoup d'autres, l'entreprise connaît des difficultés. Un plan de licenciements économiques est lancé, et pas de chance, je fais partie de ceux à devoir partir, étant l'un des derniers arrivés.

Je suis un peu désemparé. Vaudrait-il mieux que je rentre en France ? Mais pour aller où ? J'ai pris goût à mon cadre de travail ici et me vois mal déjà partir. Alors, je cherche un emploi et grâce à mon réseau, trouve un poste chez le constructeur automobile Volvo Cars.

Je suis recruté en tant qu'acheteur de logiciels embarqués. Ma mission : trouver les logiciels à mettre sur l'écran des véhicules, négocier leurs prix avec les fournisseurs, assurer leur implémentation et le suivi des contrats.

Mes bureaux se trouvent au sein du siège social de Volvo Cars, où exercent plus de 10.000 personnes, en périphérie de Göteborg. Presque une ville dans la ville tellement c'est étendu. On y trouve des bureaux mais aussi une usine, des entrepôts, des centres de tests, des pistes d'essais pour les voitures.

Des emplois du temps flexibles

Trois ans après mon recrutement, j'occupe toujours ce poste. Depuis mon arrivée en Suède en 2018, j'observe que l'environnement de travail est assez différent de celui que j'ai vu au début de ma carrière, en stage chez Bouygues Telecom et en CDI chez Renault. Ici, on fait davantage confiance aux salariés, ils ont plus de marge de manoeuvre pour prendre des décisions.

Cette confiance se ressent aussi au niveau des horaires. Les salariés sont assez libres pour organiser leur emploi du temps, tant que les tâches qu'on leur confie sont effectuées dans les temps. Ici, on n'entend jamais de remarques du type « tu as pris ton après-midi ?! » si quelqu'un part tôt. Les gens arrivent au fil de l'eau, certains à 8 heures, d'autres à 10 heures, et repartent de la même manière, certains à 15 heures, d'autres à 18 heures.

Me concernant, j'ai gardé un rythme assez français. En règle générale, je travaille de 9 heures à 17 h 30. Mes collègues préfèrent pour la plupart commencer vers 8 heures et finir vers 16 heures. Je vois deux raisons à cela. En Suède, la famille occupe une place centrale. Alors, beaucoup préfèrent finir tôt pour aller chercher leurs enfants à l'école. La météo joue aussi : en hiver, il fait nuit très tôt, raison qui peut pousser certains à vouloir finir tôt pour profiter d'un peu de luminosité.

J'ai signé un contrat de travail de 40 heures hebdomadaires. Dans les faits, je n'ai personne sur mon dos pour vérifier mes horaires. Je travaille parfois davantage, parfois un peu moins, selon ma charge de travail. Quant aux vacances, j'ai droit à trente jours (soit six semaines) de congés payés par an, cinq jours de plus que le minimum légal.

Avantage supplémentaire : je suis libre de télétravailler comme je l'entends. Le télétravail existait déjà avant la pandémie, mais n'était pas aussi démocratisé que maintenant. En règle générale, mes collègues viennent trois jours par semaine au bureau. Moi, c'est plutôt quatre jours par semaine. Il n'y a pas d'accord qui encadre la pratique du télétravail dans mon entreprise, on s'accorde plutôt de manière tacite avec notre manager.

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Le « fika », un rituel

Autre différence majeure que je remarque avec la France : la pause déjeuner. Ici, les salariés amènent généralement leur lunch box et font une pause assez courte, d'une demi-heure. Il existe des restaurants d'entreprise sur le campus mais ceux-ci ne sont pas subventionnés comme en France, donc le déjeuner coûte environ 12 euros. Comme nous n'avons pas de ticket-restaurant, beaucoup préfèrent amener leur propre nourriture pour ne pas trop dépenser. Et on déjeune tôt, autour de 11 heures ou 11 h 30 !

En dehors du déjeuner, comme dans d'autres pays scandinaves, on ne fait pas vraiment de pause. Si un collègue vous propose d'aller prendre un café, c'est littéralement pour aller en chercher un, pas pour discuter pendant quinze minutes. Et il n'y a pas de pause cigarette non plus, puisque presque personne ne fume en Suède.

En revanche, il existe un moment de convivialité cher aux Suédois : le « fika », qui consiste à partager un café et des gâteaux. Cela se fait en entreprise, mais aussi en dehors, avec les amis, la famille. Dans mon entreprise par exemple, on organise ça une fois par semaine.

Et c'est planifié bien à l'avance ! Au début de l'année, un planning est envoyé à mon service d'une trentaine de personnes pour attribuer à chacun les dates auxquelles il devra organiser le fika avec deux ou trois collègues. L'idée étant de ramener des gâteaux, de préférence faits maison, et de se réunir pendant une demi-heure en milieu d'après-midi pour discuter de manière informelle.

Malgré cela, j'ai l'impression que la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle est plus marquée qu'en France. Les événements en dehors du travail sont rares. Si on organise quelque chose, un verre après le travail par exemple, on anticipe trois semaines à l'avance pour que les collègues réservent ce créneau. Il y a moins de spontanéité. Peut-être parce que là aussi, la famille passe avant tout.

Au bureau, j'échange avec mes collègues en anglais. Il faut dire qu'en Suède, quasiment tout le monde le parle très bien. J'apprends le suédois, j'ai notamment pris des cours offerts par la municipalité, mais ce n'est pas facile de progresser car lorsque j'essaie, les Suédois me répondent spontanément en anglais, voyant que je galère (rires).

Un meilleur équilibre vie pro-vie perso

Göteborg est une ville agréable, avec beaucoup de zones piétonnes, de pistes cyclables. Du centre-ville, on peut se rendre à la mer ou en forêt en vingt minutes à vélo. En revanche, je trouve l'hiver particulièrement difficile. De novembre à janvier, la luminosité est très faible. En décembre, il fait jour entre 9 heures et 15 heures. Et lorsqu'il fait jour, il fait gris. Ça joue un peu sur mon moral ! Alors, beaucoup de Suédois investissent dans des gélules de vitamine C et ont une lampe de luminothérapie qui imite la lumière du jour. En revanche, à partir des beaux jours en avril, c'est super : on peut avoir des journées magnifiques, et l'été, les températures sont agréables, autour de 25 degrés.

Côté coût de la vie, il est similaire à celui à Paris pour la nourriture, les loisirs et le logement si on est locataire. Me concernant, mon salaire me permet d'avoir un mode de vie plus confortable que celui que j'avais à Paris.

Aujourd'hui, je me sens très épanoui. J'ai un bon équilibre vie pro - vie perso et j'évolue dans un environnement de travail sain. J'ai acheté un appartement et je me vois encore là au moins pour quelques années. »

À noter

Si vous avez aussi une belle (ou moins belle) histoire à raconter, n'hésitez pas à nous contacter : redaction-start@lesechos.fr

Et pour lire d'autres témoignages inspirants, c'est ICI.

Propos recueillis par Chloé Marriault

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