ELLE.fr. Vous étiez responsable digitale de Philips France lorsque vous avez décidé, après 10 ans de vie professionnelle, de vous lancer dans l’aventure entrepreneuriale. Comment prend-on un tel virage ?

Gaëlle Frizon de Lamotte. Ça ne s’est pas produit du jour au lendemain. Mon poste de responsable digitale m’épanouissait, jusqu’à ce que l’on me confie comme mission de promouvoir l’intrapreneuriat* au sein de la boîte. L’un des projets sur lequel je bosse consiste, par exemple, à repenser une boutique Philips. Pour cela, il faut la digitaliser, faire appel à des architectes d’intérieur et à pleins d’autres professionnels dont j’ignore pour beaucoup le métier. Et là, c’est le déclic…  Je réalise combien il est stimulant de mener un projet de bout en bout. Et combien j’ai peu de lattitude dans mon poste initial. C’est paradoxal, mais c’est Philips, que je vais quitter, qui m’ouvre les yeux !

ELLE.fr. A partir de là, vous mûrissez donc l’idée de devenir entrepreneure tandis qu’on vous propose une promotion chez Philips !

Gaëlle Frizon de Lamotte. Oui, en décembre 2014, mon directeur général me convoque dans son bureau. Il m’explique qu’il va y avoir de grosses restructurations au sein de la boîte et me demande de réfléchir à une nouvelle équipe. Il me fait comprendre que mes missions vont s’élargir. Sauf que cela fait plusieurs mois que je me renseigne sur l’entrepreneuriat, que j’adhére à des newsletters ( The Family, Numa, Maddyness, 1001 Startups), que j’assiste à plein d’événements : je me dis donc que je ne peux pas continuer à faire semblant. Je lui annonce que je vais décliner sa proposition, car j’ai d’autres projets. Banco ! Il a une super réaction et dit qu’il va m’accompagner dans ma transition. On se met d’accord sur le fait que je ne parte pas tout de suite. Six mois plus tard, en mai 2015, je signe ma rupture conventionnelle et quitte Philips. Je peux enfin me lancer dans l’aventure entrepreneuriale ! Quand j’y repense, j’ai eu une chance incroyable.

ELLE.fr. Comment réagissent vos proches ?

Gaëlle Frizon de Lamotte. Personne n'essaie de me dissuader. Même si mes parents s’inquiètent beaucoup quand je leur annonce que je quitte Philips, ils me soutiennent.

ELLE.fr. Tout plaquer ne vous effraie pas ?

Gaëlle Frizon de Lamotte. En ce qui me concerne, pas deux secondes et demie. Le fait d’avoir droit au chômage pendant deux ans m’a aidée à relativiser, c’est vrai. Je me dis : « Au pire, si ça ne marche pas, tant pis ! J’arrête et je rechercherai un job de salariée. » Par ailleurs, je suis prête à consentir à une baisse de mon train de vie. J’accepte de ne plus faire d’achats inutiles. C’est là que les vêtements que j'avais accumulés pendant des années sans jamais les porter m’ont rendu service.

ELLE.fr. Comment naît le concept d’OLY Be ?

Gaëlle Frizon de Lamotte. De mon expérience personnelle. J’ai commencé à faire du yoga en 2013 dans un studio, puis ma prof est partie dans un autre centre qui se situait à une demie-heure de métro de chez moi : trop loin, trop compliqué, ça m’a découragée ! J’ai repris ses cours quand elle a décidé de les donner chez l’une de ses élèves, dans mon quartier. J’ai tout de suite trouvé le concept de format de cours en petits groupes entre voisins sympa et convivial ! C'est comme ça qu'est né le principe d’OLY Be, mi-2015.

ELLE.fr. Se lancer seule, c’était votre souhait ?

Gaëlle Frizon de Lamotte. Pas du tout ! Au départ, nous étions deux sur le projet. Mais un décalage de vision nous a finalement séparées quelques semaines avant le lancement. Je créé officiellement OLY Be le 23 octobre 2015. Je lance le site en même temps. Qu’on se le dise, se retrouver seule dans un projet, c'est déconseillé. D’où mon obsession durant plusieurs mois de retrouver un associé. Mais ça n’arrive pas et ça m’angoisse vraiment ! Je traverse alors, début 2016, une période compliquée. Mon business ne décolle pas aussi vite que je l’avais imaginé, je suis malade, fatiguée… Après l’excitation, place au coup de mou.

ELLE.fr. Qu’est-ce qui vous permet de surmonter ce moment difficile ?

Gaëlle Frizon de Lamotte. Au printemps 2016, je me porte candidate au programme Les Sprinteuses, créé à l’initiative des incubateurs WILLA (ex-Paris Pionnières) et Le Tremplin. Son objectif est d’accompagner des projets ou startups dans le domaine du sport, de l’idée jusqu’à la validation du meilleur concept. Mon dossier est retenu, je dois faire un pitch devant un jury… et je finis par être sélectionnée. Ça me donne un énorme boost, surtout psychologique ! À partir de là, tout s’enchaîne : je loue un bureau à WILLA, j’intègre un programme d’incubation au Tremplin, OLY Be se fait un nom et l’équipe s’agrandit.

ELLE.fr. Bien s’entourer, c’est l’une des clés de la réussite quand on veut lancer sa boîte ?

Gaëlle Frizon de Lamotte. Oui, très certainement. Le bon accompagnement est en tout cas la clé du « non-échec ». Ça vaut au démarrage mais aussi quand le business tourne. Pour ma part, il y a un peu plus d’un an, j’ai entamé des démarches pour intégrer le Réseau Entreprendre Paris, dont l’objectif est de créer un réseau d’entrepreneurs don l’ambition est de créer des emplois. J’en fais aujourd’hui partie et cela me permet d’être conseillée par Timothée Rambaud, le cofondateur du site à succès d’aide juridique Legalstart.fr. Je le vois une fois par mois. C’est l’occasion de prendre le recul et de revoir mes stratégies. 

ELLE.fr. Qu’est-ce qui est le plus fun dans votre quotidien aujourd’hui ?

Gaëlle Frizon de Lamotte. L’entrepreneuriat répond à ma soif d’apprendre de nouvelles choses tous les jours. Aujourd’hui, j’ai des missions ultra variées. J’adore, c’est stimulant. En même temps, ça demande une énergie de dingue. L’entrepreneuriat n’est pas fait pour tout le monde, c’est certain. Mais le jeu en vaut la chandelle.

ELLE.fr. Quelles sont les erreurs à éviter lorsque l’on se reconvertit ?

Gaëlle Frizon de Lamotte. Trop tergiverser. À la fin, on trouve toujours une solution pour revenir en arrière si ça ne va pas. Une autre erreur : ne pas oser parler de son projet par peur que quelqu’un nous pique l’idée. C’est absurde ! Au contraire, il faut échanger, confronter les idées. Moi-même, au départ, quand j’évoquais le concept d’OLY Be, certains me confiaient avoir le même. Mais peu de gens passent à l’action. Finalement, ce n’est pas l’idée qui importe, c’est l’exécution. 

ELLE.fr. De votre côté, qu’est-ce qui vous a semblé le plus difficile dans la création d’entreprise ?

Gaëlle Frizon de Lamotte. Le fait d’être branchée à ma boite tout le temps. Quand on est entrepreneure, on ne s’arrête jamais, ou très peu. Cela devient très vite chronophage et c’est parfois difficile sur le plan psychologique et physique. C’est pourquoi, j’ai adopté une routine stricte : dix minutes de méditation au réveil. Un vrai sas de décompression !

ELLE.fr. Vous vous êtes payée rapidement ?

Gaëlle Frizon de Lamotte. J’ai commencé à me payer à partir du moment où je n’ai plus touché mon chômage, soit début 2018.

ELLE.fr. Comment vous projetez-vous dans 5 ou 10 ans ?

Gaëlle Frizon de Lamotte. J’aimerais créer une fondation OLY Be, dont le principe serait de promouvoir le yoga et le bien-être auprès des enfants dans les écoles. A suivre.

*L’intrapreneuriat permet aux salariés d'une entreprise de mener un projet innovant de bout en bout en leur sein tout en gardant leur statut.