Publié le 11 Jun 2014 - 14:51
FATOUMATA CISSÉ DIARRA, DIRECTRICE DES ARCHIVES DU SÉNÉGAL

''Nous sommes à l'étroit (…). Le personnel est vieillissant ou à la retraite''

 

Le 9 juin de chaque année est consacré aux archives dans le monde. En cette occasion, la directrice des archives du Sénégal, dans cet entretien accordé à EnQuête, a fait un état des lieux sans complaisance de l'entité qu'elle administre. Une entité confrontée à un manque d'espace et d'effectif, et au problème de transition vers l'archivage électronique. Ce qui peut concourir à la disparition de certaines archives.  
 
 
Le lundi 9 juin est célébrée la journée mondiale des archives, quelle est la particularité de la célébration de cette année ? 
 
Cette année, exceptionnellement, en raison du lundi de Pentecôte qui est férié, nous avons retenu le lendemain, mardi 10 juin pour célébrer la journée internationale des archives qui aura pour thème : Réécriture de l’histoire du Sénégal : rôle et place des archives et des archivistes, afin de coller à l’actualité. Quand on dit écriture de l’histoire, on pense historien, on pense aux acteurs, mais pour faire un récit, l’historien ne s’engage pas dans une intuition intellectuelle, il a besoin de source, parce que l’histoire ne saurait s’écrire sans source et les sources sont de divers ordres.
 
Nous avons les sources archéologiques, orales et écrites, notamment archivistiques, et les archives nationales du Sénégal conservent le patrimoine national archivistique et c’est à ce titre que nous avons décidé de retenir ce thème pour cette présente édition. 
 
À propos des archives nationales du Sénégal, quel est aujourd’hui l’état des lieux de cette entité?
 
Vous avez dû vous en rendre compte, en faisant les cent pas dans le couloir au niveau du magasin, que nous sommes à l’étroit. Nous sommes à la quête d’espace. Nous conservons un patrimoine riche et immense d’une vingtaine de kilomètres linéaires, mais arrivé à saturation depuis quelques années. Donc, nous lançons un plaidoyer à l’endroit des autorités pour la construction de la maison des archives qui est le vœu le plus cher de toute la communauté archivistique du Sénégal.
 
Nous avons également un problème d’effectif. Mais, lors du dernier recrutement de la fonction publique, une dizaine d’agents ont été mis à notre disposition, pour assurer la relève. Le personnel est devenu vieillissant. Au niveau des ateliers, nous avons une carence de techniciens, parce qu’ils sont tous partis à la retraite et nous peinons à trouver des remplaçants pour faire fonctionner correctement les ateliers de reliure et restauration et audiovisuel. Il faut également parler de la préservation et pour préserver, il y a la numérisation.
 
Comment parler de carence alors qu’il y a bien une école de référence, l’EBAD en l’occurrence, qui forme des archivistes ?
 
L’EBAD est une école de référence qui forme des produits et qui sont responsables et assurent le service  au Sénégal, dans la sous-région et même ailleurs. Mais elle n’offre pour le moment pas une formation de techniciens. Elle forme dans différentes spécialités de l’information documentaire, notamment les archivistes, les bibliothécaires et les documentalistes. 
 
Revenons à cette question de numérisation. Comment se fait cette transition? Vous en êtes à quelle étape?
 
Nous avons un patrimoine conservé de vingt kilomètres linéaires. C’est comme si on mettait côte à côte les dossiers d’archives sur vingt kilomètres. Pour numériser, il faut de l’espace, c’est un préalable. A notre niveau, la numérisation constitue une mesure de préservation des documents qui sont menacés de détérioration, les numériser pour éviter la manipulation fréquente par les chercheurs.
 
Mais, le préalable pour la numérisation grande masse, ce sont des locaux qui, après opération, peuvent accueillir les documents pour une bonne gestion. Et puisque les archives du Sénégal conservent quatre fonds d’archives à savoir celui du Sénégal colonial, celui de l’Afrique occidentale française, de la fédération du Mali et le fond du Sénégal contemporain qui malheureusement n’est pas pris en charge totalement par les archives du Sénégal. Car nous n’avons plus d’espace pour les accueillir. Elles sont au niveau des administrations centrales gérées dans les dépôts de pré-archivages. 
 
Mais alors en tant que directrice, quelles sont les précautions que vous prenez pour la préservation de nos archives et pour réduire le risque de détérioration?
 
Justement, c’est pour cela que je parlais tantôt des ateliers de reliure et de restauration qui permettent un coup de lifting aux documents menacés. Il faut des techniciens pour assurer la relève et remettre en état ces documents. Parallèlement, nous avons du matériel de numérisation maison. À chaque fois que nous nous rendons compte que certains documents sont agressés, nous assurons la numérisation pour les préserver et avoir la mémoire et le contenu en machine.
 
Mais nous ne nous sommes pas encore engagés pour la numérisation de masse, sauf pour le Fond de l’AOF. Il y a quelques semaines, la direction des archives de France a initié un projet de numérisation et des experts français sont venus séjourner aux archives nationales pour faire l’évaluation avec nos collaborateurs du patrimoine, parce que c’est une mémoire à partager entre les différentes parties prenantes dont la France et les ex-colonies de l’AOF.
 
Combien de visiteurs accueillent les archives nationales du Sénégal, en moyenne par année?
 
Vous avez dû vous en rendre compte, en visitant, que la salle de lecture est bondée. En 2013, nous avons reçu 2 492 lecteurs de janvier à novembre dont 602 étrangers. Nous avons même reçu un chercheur Casa. Puisque la direction des archives du Sénégal constitue un complexe documentaire, nous avons à côté des archives proprement dites une bibliothèque aussi vieille que la direction des archives qui a fêté ses 100 ans en juillet 2013, un centre de documentation qui élabore des dossiers thématiques et des dossiers de personnalités vivantes et décédées.
 
Nous avons également une division informatique qui gère des actes, des arrêtés et décisions du journal officiel, à côté d’une division de gestion du personnel de la fonction publique. Donc, c’est une entité documentaire qui est en fait un complexe.
 
ANTOINE DE PADOU
 

 

Section: