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Interview

Najat Vallaud-Belkacem : « La promotion professionnelle des femmes peut faire gagner des points de croissance »

Najat Vallaud-Belkacem : «La promotion professionnelle des femmes peut faire gagner des points de croissance»

Par Valerie Landrieu

Publié le 5 juin 2014 à 08:32

C’est ce jeudi 5 juin que s’ouvre la 24e édition du Global Summit of Women, pour la première fois accueilli à Paris. Plus d’un millier de personnes, dont 40 ministres de pays développés et émergents, accompagnés de femmes chefs d’entreprises, vont, pendant trois jours, partager leurs expériences et identifier les moyens de renforcer le rôle des femmes dans la vie économique. Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, dont la loi égalité Hommes-Femmes est encore en discussion au Parlement, livre aux « Echos Business » ses pistes pour faire avancer « la cause des femmes ».

Un Sommet mondial des Femmes s’ouvre ce jeudi matin pour trois jours à Paris… Que peuvent en attendre les femmes ?

J’ai souhaité recevoir, à Paris, cet événement unique à l’échelle du monde, pour faire de la France un pays moteur sur la cause des femmes. Quarante ministres de pays développés et émergents, chaque fois accompagnés de femmes chefs d’entreprises, 1.300 personnes en tout, vont, pendant trois jours, partager leurs expériences et identifier les meilleurs moyens de lever les obstacles que rencontrent encore les femmes dans leur carrière professionnelle et dans l’affirmation de leur rôle dans l’économie. Il ne s’agit pas de distribuer des bons ou des mauvais points à tel ou tel modèle mais de doter la communauté internationale d’une stratégie globale pour la promotion professionnelle des femmes. Ne pas se préoccuper du sujet, c’est faire perdre plusieurs points de croissance à nos économies. L’activité et le leadership des femmes sont de formidables outils pour gagner en compétitivité.

Quel peut être le rôle des entreprises pour faire avancer la cause des femmes alors qu’elles sont elles-mêmes le reflet des blocages de la société ?

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Bien sûr, les entreprises ne peuvent pas tout, et l’idée de ce sommet est aussi d’interpeller toutes les institutions qui ont un rôle à jouer pour soutenir davantage les femmes dans l’économie (les pouvoirs publics, l’école, les médias, etc.). Mais les entreprises ont tout de même le pouvoir précieux de donner en leur sein les mêmes chances aux femmes qu’aux hommes, de veiller notamment à ne pas faire payer aux premières le prix des responsabilités parentales dont le poids continue de peser sur leurs seules épaules. De conjurer le sort en promouvant activement les femmes aux responsabilités, de refuser fermement tous types de discrimination. Oui, les entreprises ont un rôle majeur à jouer.

Comment obtenir ces changements ?

En faisant notamment en sorte que les entreprises s’approprient concrètement les politiques d’égalité, qu’elles ne les considèrent pas seulement comme une contrainte extérieure mais comme une plus-value qui les rend plus fortes. C’est dans cet esprit que nous avons publié il y a quelques mois un premier « Palmarès des 100 plus grandes entreprises françaises » basé sur les efforts de féminisation des instances dirigeantes. Leur donner à voir que les mieux classées y gagnent en termes d’image autant que de compétitivité. La bataille se joue aussi de l’intérieur, avec les salariés. Lors de la prochaine grande conférence sociale (7 et 8 juillet - ndlr), je pousserai le sujet des actions collectives contre les discriminations en entreprise. Le rapport de Laurence Pécaut-Rivolier* propose des pistes que je soumettrai aux partenaires sociaux. L’idée, c’est que les comportements systématiquement inéquitables envers les femmes puissent être plus facilement dénoncés pour éviter leurs reproductions.

Les conseils d’administration sont en cours de féminisation, mais les instances dirigeantes restent à la traîne...

La France est à l’avant-garde pour la féminisation des conseils d’administration grâce à la loi. Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’avais en tête de transposer les mêmes règles de quotas aux comités exécutifs et directeurs. Mais ces derniers n’ayant pas de statut juridique et de format défini par la loi, le « contournement » était trop facile. J’ai donc préféré jouer sur la transparence. La meilleure façon de rendre les entreprises vertueuses en la matière, c’est d’en faire, pour elles aussi, une question d’image et de rendre publique leur absence d’efforts.

Ou leurs efforts...

Oui, il faut le dire, certaines entreprises jouent le jeu à fond. Celles, par exemple, qui ont signé avec nous, il y a quelques mois, des conventions « anti plafond de verre » dans lesquelles des engagements chiffrés sur la féminisation des « comex » et des « codir » ont été pris. Elles se sont elles-mêmes fixé des objectifs plus ambitieux que la loi ne l’aurait fait – certaines visant 40% de femmes dans les « comex » d’ici à 2017 (la moyenne est aujourd’hui autour de 11% - ndlr). Ce qui se produit de très intéressant avec ces démarches de convention ou de palmarès, et que la loi seule ne suffisait pas à provoquer, c‘est l’appropriation des enjeux d’égalité au sein des entreprises. Quand le top management s’engage ainsi, la démarche « irrigue » tous les niveaux de l’entreprise. Etre vertueux en matière d’égalité et de lutte contre le plafond de verre devient une qualité valorisée et recherchée chez les managers. Par ailleurs, les résultats sont très probants : la progression des femmes au sommet est une bonne chose en soi mais aussi pour toutes les autres jeunes femmes à qui sont enfin offerts des « rôles modèles » dans lesquels se projeter. Enfin, il ne faut pas sous-estimer le gain en termes de climat de travail et donc de productivité procuré par le sentiment, pour les salariés, d’être enfin traités équitablement.

* Laurence Pécaut-Rivolier est conseillère à la Cour de cassation.

Propos recueillis par Valérie Landrieu

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