Terra Nova, think tank proche du Parti socialiste, devait dévoiler, mercredi 23 avril, une série de propositions pour combattre la crise du logement.
Pour accélérer la construction, notamment en direction des ménages à faibles revenus, ce groupe de réflexion estime qu’il faudrait retirer aux maires la gestion des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des permis de construire.
« Confier ces responsabilités à 36 782 maires, dont 75 % à la tête de communes de 1 000 habitants, est contre-productif, pense Denis Burckel, professeur associé à l’université Paris-Dauphine, l’un des auteurs de l’étude. Les réticences du voisinage à la construction de logements neufs poussent à l’immobilisme. L’adage “maire bâtisseur, maire battu” s’est encore vérifié lors des dernières élections municipales ! »
Dans les zones tendues, ce serait désormais l’Etat qui fixerait les priorités du PLU, en concertation avec les intercommunalités (communauté d’agglomérations ou métropole). A charge ensuite pour ces dernières de le mettre en œuvre. Afin de les inciter à construire, l’Etat encouragerait les bâtisseuses et pénaliserait celles qui pratiquent la rétention foncière.
Comment ? En modulant la dotation globale de fonctionnement (DGF), principale source de financement des collectivités locales, qui a représenté 41,5 milliards d’euros en 2013. Le versement d’une partie de cette dotation serait conditionné à la réalisation des objectifs du PLU.
LIBÉRER DAVANTAGE DE TERRAINS
Terra Nova enfonce le clou en avançant l’idée que l’exécution de ce dernier devrait devenir plus contraignante. Ainsi, l’acquéreur d’un terrain à bâtir serait obligé de construire dans un délai de cinq ans après son achat, faute de quoi il devrait payer une taxe calculée en fonction de la constructibilité maximale du PLU.
Terra Nova va plus loin : le propriétaire pourrait être exproprié – à la valeur du foncier non constructible –, s’il n’obtempère pas. Petite compensation, il pourrait aussi exiger que la collectivité lui rachète son terrain au même prix.
Conscient du séisme politique que pourraient provoquer de telles mesures, qui risquent de déplaire à un grand nombre de députés et sénateurs, M. Burckel souligne le coût nul du dispositif et en relativise l’ampleur : « C’est une réponse d’urgence à une situation d’urgence. Elle ne concernerait qu’une vingtaine d’agglomérations, les plus tendues. Et le dispositif pourrait être assoupli après quelques années si les choses évoluent favorablement. L’idée est de créer un choc. Sans cela, il est vain d’espérer construire 500 000 logements par an. »
Pour libérer d’avantage de terrains, Terra Nova propose une autre piste : la création d’un nouvel outil juridique permettant de dissocier la propriété du foncier et du bâti.
Des organismes publics pourraient consentir sur leurs terrains des baux emphytéotiques de très longue durée (99 ans) et des particuliers à faibles revenus pourraient y acheter des logements sans payer le foncier.
Inspiré des « community land trusts » existant au Royaume-Uni et en Belgique, un tel dispositif permettrait aux collectivités publiques de contrôler les prix de ces logements sur le long terme.
« PLAN VOLONTAIRE »
Gilbert Emont, économiste à l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF), se dit favorable à ces mesures « énergiques » : « La clé est effectivement de libérer du foncier en zone tendue, dit-il. La situation actuelle justifie un plan aussi volontaire ! »
En 2013, seulement 332 000 logements ont été bâtis en France, loin de l’objectif du gouvernement, et la construction de logements neufs a encore ralenti depuis janvier. Alors qu’il manque entre 800 000 et un million d’habitations dans l’Hexagone, la rareté du foncier, qui représente entre 33 % et 50 % du prix final d’un logement en zone tendue, y constitue le principal frein à la construction.
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