Des kilomètres carrés de déchets qui s’agrègent et tournent au milieu du Pacifique en une ronde sinistre, des oiseaux de mer affamés qui se jettent avec voracité sur des bouchons de bouteilles en plastique : il n’y a pas à chercher beaucoup pour déceler que tout ne va pas pour le mieux dans le monde marin.
Entre le 9 et le 11 février, six cents dauphins globicéphales sont venus s’échouer sur le littoral de Nouvelle-Zélande. Avant cet épisode, les longues côtes du Chili avaient connu en 2016 une série d’atterrissages massifs de milliers de calamars géants, de tonnes de sardines, de dizaines de baleines…
La santé de l’océan laisse à désirer. Autour du globe, en guise d’alerte, les symptômes s’étalent à la surface de l’eau en vastes plaques facilement nauséabondes, composées de bancs d’algues gigantesques ou de milliers de méduses flottant en rangs serrés, quand ce ne sont pas quelques irruptions de micro-algues toxiques.
Si l’homme n’a pas fait de cette question une de ses priorités alors que le problème lui saute aux yeux, il y a peu de chance qu’il se soucie de ce qui se passe sous ces tapis mous et peu engageants. Encore moins dans le fin fond des abysses.
Pollution d’origine anthropique dans les abysses
Le 13 février, la revue Nature Ecology & Evolution a publié une étude aux conclusions stupéfiantes. Comme le reste de notre environnement, les fonds marins sont contaminés par des polluants organiques persistants.
Des héritages résiduels des industries électriques et pétrolières – polychlorobiphényles (PCB) et polybromodiphényléthers (PBDE) –, voilà ce que les scientifiques ont trouvé dans des crustacés d’un centimètre de long, des amphipodes vivant dans les vertigineuses fosses des Kermadec et des Mariannes par 10 000 mètres de profondeur.
Ils ont même constaté qu’à des centaines de kilomètres de toute terre habitée, ces petites bêtes présentent des teneurs en PCB cinquante fois plus importantes que les crabes du fleuve Liao, l’un des cours d’eau les plus pollués de Chine. La combinaison des courants marins et atmosphériques explique sans doute comment la pollution d’origine anthropique s’est immiscée dans les abysses.
Mais il n’est pas exclu que les substances chimiques y pénètrent aussi grâce à quelques particules de plastique. N’est-ce pas ainsi que certaines méduses, lorsqu’elles sont à l’état de polype, se dispersent et prolifèrent jusqu’en haute mer ? Certains experts en font l’hypothèse.
Asphyxie
Même si l’homme cessait dans l’instant de prendre l’océan pour une vaste décharge, il serait trop tard pour effacer toutes les traces de ses activités dans les recoins reculés de la planète.
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