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Kenneth Arrow, géant de l’économie du XXe siècle

Avec la mort de Kenneth Arrow, ce n’est pas seulement un homme qui disparaît. C’est toute une conception de l’économie, qui a profondément marqué le XXe siècle.

Par Jean-Marc Vittori

Publié le 23 févr. 2017 à 18:53

Kenneth Arrow mélangeait les cultures. Il naît à New York en 1921, de parents juifs fraîchement immigrés de Roumanie. A l’université, il commence par faire ce qu’on appelle aujourd’hui une « bilicence », en sciences sociales et en mathématiques.

Il publie son premier article académique sur « L’utilisation optimale des vents pour la planification des vol » pendant la seconde guerre mondiale alors qu’il a été appelé sous les drapeaux à la météo mais sa thèse de doctorat, soutenue à l’université new yorkaise de Columbia, porte sur un tout autre sujet - « Choix social et valeurs individuels ».

Créateur d'un courant de recherche encore très actif

Le jeune chercheur est ici un mathématicien, ou plutôt un logicien. Il élargit le fameux paradoxe de Condorcet pour arriver à un résultat « plutôt décourageant », comme l’a dit le professeur Ragnal Bentzel en lui remettant le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, en 1971 : il est impossible de savoir ce que veut vraiment le peuple ! Autrement dit, aucun système de vote ne peut déboucher sur un choix collectif cohérent à partir de choix individuels, dès lors que l’on pose quatre conditions qui paraissent sensées.

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Ce « théorème d’impossibilité », qui s’applique aussi aux décisions prises par les conseils d’administration, a engendré tout un courant de recherche encore très vivace aujourd’hui.

Inventeur de la théorie de l'équilibre général

Le mathématicien se penche ensuite sur un autre champ de réflexion, labouré naguère par Adam Smith et mis en équation par Léon Walras un demi-siècle plus tôt : la formation des prix. Avec le Français naturalisé américain Gérard Debreu, il démontre qu’il peut exister un point d’équilibre non seulement sur chaque marché, mais aussi un ensemble de prix qui permet l’équilibre simultané de l’ensemble des marchés (car les marchés ont des effets les uns sur les autres : pétrole, gaz, taux d’intérêt, salaires…).

Et que cet équilibre est efficient. Une théorie de l’« équilibre général », qui engendrera des décennies de travaux de recherche et qui constitue encore aujourd’hui le soubassement des grands modèles macro-économiques, notamment ceux utilisés par les banques centrales et les grands organismes internationaux.

Un puits de science

Mais Kenneth Arrow a aussi appris les sciences sociales. Au sortir de la réception du prix Nobel, il aurait confié à des journalistes qu’il aurait « peut-être mérité davantage un prix en maths en raison de la virtuosité de nos calculs, plutôt qu'un prix en économie car nos hypothèses de base sont irréalistes ».

De fait, il a exploré ensuite toute une série de domaines où les marchés sont imparfaits. D’abord l’assurance, où le client ne révèle pas à son assureur toutes les informations. Puis l’économie de la santé. Et les options sur les produits financiers, où il y a de l’incertitude. Et sur les prémisses de la croissance « endogène », où l’apprentissage et l’innovation bousculent les règles. Et aussi la question du climat – Arrow a travaillé au sein du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Ses travaux ont inspiré une génération de chercheurs qui ont obtenu ensuite à leur tour le prix Nobel dans des domaines très variés (William Sharpe dans la finance, Joseph Stiglitz sur l’asymétrie d’information, Eric Maskin en théorie des jeux…). Doté d’une culture encyclopédique, Kenneth Arrow a une fois stupéfait ses collègues en répondant du tac au tac à une question sur l’habitat des requins. C’est un puits de science qui disparaît.

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