A Nice, l’esprit de Coco Chanel souffle sur le château de Crémat

Le nouveau propriétaire du domaine a entièrement restauré la bâtisse, transformé ses jardins en musée. Il cultive ce vignoble d’exception et fait revivre le mythe de Mlle Coco.

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Laure Bruyas Publié le 23/01/2022 à 08:23, mis à jour le 23/01/2022 à 08:23
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Fontaine, œuvre d’art dans les jardins, murs pain d’épice… Le château de Crémat semble un lieu suspendu, loin du tumulte de la ville. Photos François Vignola

Sur la colline de Crémat, les raisins ont été récoltés, il y a longtemps. Les pieds de vigne jouent les endormis, troncs tarabiscotés qui attendent le printemps à l’ombre tutélaire du château. Un château de contes de fées, murs pain d’épice, donjons et tour maîtresse qui flirte avec les nuages, 400mètres au-dessus de la mer.

Après des années de perdition et de déboires financiers, le domaine a retrouvé ses couleurs. Thomas Derichebourg, petit-fils du fondateur du groupe industriel éponyme, a racheté fin 2017 ce fleuron de la prestigieuse AOP de Bellet à la barre du tribunal. Il a engagé des moyens colossaux pour restaurer la bâtisse qui tombait en décrépitude. Elle était blanche, il l’a fait repeindre en ocre comme à l’origine.

Il a repris chaque détail, chaque vitrail: deux ans de travaux avec des artisans niçois. Il a invité l’art dans les jardins. Organise mariages et événements: Clara Luciani donnait un concert privé il y a quinze jours, de grandes entreprises y ont pris le quartier le temps d’un séminaire.

Les caves ont été entièrement modernisées : chais de vinification, cuves en inox thermorégulées…. Photos François Vignola.

24 hectares, douze salariés

Passionné de vin (sa famille possède plusieurs vignobles à Meursault et dans le Bordelais), ce quarantenaire, parisien d’origine, est tombé sous le charme de ce petit coin de terre aride qui enfante un nectar connu dans le monde entier. Il cultive et développe ce vignoble d’exception. A racheté les ceps voisins de Toasc, emploie douze salariés, est à la tête de 24 hectares, produit 25.000 bouteilles chaque année, tout en discrétion et respect des traditions locales.

Pour entrer chez Mademoiselle, il faut pousser cette porte ouvragée frappée du double C... Suivent une enfilade de pièces et d’étages. Dont la chambre maîtresse : la suite Coco et son lit Jaune… Photos François Vignola.

La folie d’une extravagante

Mais il s’est surtout toqué de l’histoire du lieu, une histoire un peu folle… Le château de Crémat est une folie (au sens architectural), née des caprices d’Irène Bretz, une richissime et extravagante Américaine. Cette héritière du chemin de fer du Far West rachète la maison construite en 1906 sur la colline de Crémat par un marchand d’huile niçois. Elle a donné au lieu des touches rococo, des ailes, des lubies et des fêtes à la Gatsby le Magnifique dans ses jardins. Reine de la nuit, elle convie à ses soirées toute la haute de la French Riviera.

Elle compte parmi ses invités une longue dame brune qui porte les cheveux courts: Gabrielle Chanel. On raconte qu’au cours d’un dîner, "Mademoiselle" a remarqué l’emblème du château: deux C inversés et entrelacés apposés sur les vitraux. La légende dit qu’elle a alors demandé à son amie si elle pouvait les reproduire pour en faire sa marque… Une légende? Pas pour Thomas Derichourg qui a décidé de faire vivre le mythe Coco au château de Crémat…

Thomas Derichebourg, propriétaire des lieux, fait revivre le mythe Coco au château. Photos François Vignola.

Dans les meubles de Coco : du Ritz à Nice

La visite (1) commence par un passage. Il faut pousser la lourde porte en forme d’ogive, marquée du célèbre double C, flanquée de deux petits angelots joufflus. Une entrée tout en marbre. Puis le salon d’apparat. Une chauffeuse, une imposante harpe dorée, de lourds rideaux de brocard, tissus précieux… Tous les meubles sont étiquetés. "On vient de les installer, il faut encore les faire estimer ", guide Thomas Derichebourg. Par ce que ce sont des meubles d’exception…

"J’ai appris que l’hôtel Ritz allait fermer pour travaux et mettre aux enchères une partie de ses meubles. Alors j’ai tout racheté'" explique le propriétaire sans jamais parler d’argent.
Gabrielle Chanel a vécu plus de trente au Ritz Paris, agrémentant au fil des ans son immense suite de ses meubles et objets préférés.

Tout en haut de la tour…

"Je voulais que cela reste en France, cela était fait par des artisans français pour le plus grand palace de l’époque. Il fallait que cette beauté reste en France", martèle Thomas Derichebourg.

Ainsi de pièce en pièce, on passe de la suite Coco – lit jaune et chevets laqués aux tonalités asiatiques – au salon où la mondaine modeuse recevait : fauteuils au dossier doré, épais tapis et triptyque de vases rouges. Viennent ensuite des chambres impériales, une salle à manger aux dimensions impressionnantes, enfilade de trésors qui racontent l’histoire et la légende. Et puis tout en haut, tout, tout en haut, une échelle de meunier, un escalier en colimaçon, d’autres escaliers encore, un dédale de marches et une toute petite porte qui mène au sommet du château, sur la tour principale : vue à 360° sur Nice, vertigineux, frissons. " On est 400 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les mariés adorent venir s’y faire photographier", sourit le maître des lieux.

1. Le château de Crémat propose une visite "Mademoiselle" avec dégustation de vin. Tarif : 20 euros par personne. Pour réserver : 04.92.15.12.15. Plus d’infos : chateaucremat.com

Le salon où elle recevait au Ritz, où elle a loué une suite pendant trente ans.

Bacchus protège le domaine

"Le château de Crémat reste d’abord un domaine viticole", martèle Thomas Derichebourg. Un domaine ancestral puisque le début de l’histoire remonte au temps où les Romains s’installèrent sur la colline de Cemenelum (Cimiez). À cette époque, les légionnaires, chargés de surveiller la via Julia Augusta, route stratégique, ont creusé à l’emplacement du domaine actuel, deux galeries souterraines longues de 50 mètres. Les soldats y entreposaient amphores d’huile d’olive et de vin.

Deux mille ans plus tard, l’esprit de Bacchus perdure sur la colline : 25 000 bouteilles, du rouge, du blanc, du rosé « 100 % biologiques » sortent, chaque année, des cuves du château de Crémat et du domaine de Toasc, que le "patron" a également racheté il y a deux ans faisant de lui le propriétaire de 24 des 60 hectares de l’AOP Bellet.

Une cuvée "Mademoiselle"

Il a confié les fûts à deux hommes de savoir-faire. Alain Valles, maître de chais et de culture, qui a pris de la bouteille à Toasc, veille sur la vinification, l’élevage, la macération et réexplore le terroir. Et puis, Emmanuel Da Rocha, qui a été sommelier pour les plus grandes tables ; au Cap Estève à Èze, au Château Saint-Martin à Vence ou encore au Flaveur à Nice. Il est responsable de l’espace-vente. Et il parle du nectar de Crémat, avec passion : "On a gardé la cave romaine mais on a totalement modernisé l’outil de production : un grand chai de vinification au top, des cuves en inox thermorégulées, des cuves en chêne pour la macération et la vinification… "

Il poursuit : "On travaille avec quatre cépages : du rolle et du chardonnay pour le blanc. Pour les rouges, on est sur de la folle noire, un cépage autochtone, et une pointe de grenache. Pour le rosé, du braquet qui est aussi un cépage autochtone. L’idée, c’est aussi l’extension du domaine : restaurer des restanques, replanter…".

Du vin d’aqui, revenir à la tradition tout en continuant d’écrire l’histoire. Les étiquettes des bouteilles ont été épurées et une cuvée « Mademoiselle » a vu le jour : "De la fraîcheur, à déguster en début de repas ou un soir d’été".

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