mercredi 22 mars 2017

11 avril 2017 : Suite à notre réaction et aux différents échanges que nous avons eu avec eux, Étalab a ouvert à discussion une nouvelle version de la Licence Ouverte. Pour y participer jusqu’au 17 avril 2017, c’est ici.


La page dédiée à la Licence Ouverte sur le site d’Etalab

Etalab a fait disparaître lundi 20 mars au soir de son site la principale licence Open Data française pour la remplacer par un document incompatible avec les principes de l’Open Data : restrictions à la réutilisation, soumission des réutilisateurs à des obligations administratives, risques de censure… Les pires démons anti Open Data font ainsi leur entrée par la grande porte dans la politique française d’ouverture des données publiques. Quel triste bilan pour Henri Verdier, la DINSIC et la mission Etalab en cette fin de mandature.

Une licence Open Data est un contrat précisant les conditions de mise à disposition et de réutilisation des données. Son principe est de garantir des libertés aux réutilisateurs et de leur assurer une sécurité juridique pour leur permettre de se soucier avant tout du développement de leur application, de leur visualisation de données ou des connaissances qu’ils en tirent plutôt que d’entrer dans de complexes et pénibles analyses juridiques. Alors que c’était le cas avec la Licence Ouverte introduite en 2011 par Etalab, c’est aujourd’hui l’exact inverse avec cette Licence « Open Data Washing » 2017 produite par Etalab et la DINSIC.

Des milliers de jeux de données publics orphelins

Modifier une licence n’est jamais une mince affaire. Cela suppose de maintenir et spécifier les différentes versions, d’assurer la compatibilité entre elles et de proposer à chaque producteur d’évoluer vers les nouvelles versions. Une licence est un texte juridique figé. En aucun cas, l’auteur d’une licence ne peut décider unilatéralement de modifier a posteriori les termes de ce contrat, et ainsi engager malgré eux les producteurs de données qui ont publié des jeux de données sous la précédente version du texte.

En supprimant purement et simplement l’existant au profit d’une licence toute autre, Etalab lâche en plein vol tous les utilisateurs de la Licence Ouverte 2011, et crée ainsi une incroyable insécurité juridique pour tous les producteurs et les réutilisateurs des données sous cette licence. Ce texte était pourtant reconnu depuis 6 ans par la communauté nationale comme internationale et était employé quasi-systématiquement par les administrations.

Ce sont donc pas moins de 20 000 jeux de données sur data.gouv.fr, sans compter les nombreux producteurs de données référencés ailleurs, qui se retrouvent aujourd’hui orphelins de toute licence.

En ajoutant des clauses périssables sur les données à caractère personnel et en offrant la possibilité à des acteurs privés de censurer des réutilisations de données publiques, les autorités françaises se coupent de toute compatibilité avec les licences internationales existantes et referment de fait leur Open Data.

Dorénavant, dès que des données publiques toucheront de près ou de loin à un marché public, à une délégation de service public, à la lutte contre les conflits d’intérêts ou au contrôle du travail des élus, le signal de la part d’Etalab est clair : les citoyens pourront être facilement intimidés. Ceci est très inquiétant à l’heure ou le débat politique se porte largement sur l’éthique et la probité.

Une décision autoritaire imposée sans aucune concertation

Cette décision de supprimer la Licence Ouverte est d’autant plus incompréhensible qu’elle s’est déroulée dans l’absence totale de concertation avec les producteurs et la société civile. Parmi nos différents contacts experts des aspects juridiques de l’Open Data et interlocuteurs réguliers d’Etalab, aucun n’a été sollicité pendant le processus de prise de décision. L’oubli d’un mot dans le texte même du dispositif (« dans conditions exprimées ») dénote l’absence de travail sérieux pour un texte avec un tel enjeu.

Au sein de la DINSIC, Etalab est censée être chargée de mener la politique d’Open Data, c’est-à-dire d’ouverture et de réutilisation des données publiques. Pourtant, depuis de nombreux mois, Etalab a délaissé cette mission pour se concentrer uniquement sur des opérations de communication autour du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert ou l’organisation de diverses consultations, qui épuisent la société civile autour d’hypothétiques promesses sans aucune application directe au lieu de la solliciter sur les changements concrets immédiats. Après ces longs mois passés à travailler exclusivement sur le gouvernement ouvert, Etalab ne semble rien avoir appris de ses principes, et bouleverse unilatéralement un document pourtant unanimement accepté.

Alors que le gouvernement ouvert et les Civic Tech étaient beaucoup moins à la mode, la Licence Ouverte 2011 avait pourtant fait l’objet d’un processus de concertation avec les producteurs de données publiques comme avec la société civile pour offrir un cadre juridique respectueux des attentes de chacun. C’est sans doute pour cela qu’elle a été massivement utilisée, par les acteurs publics comme par des entreprises, des journalistes, des chercheurs, des organisations à but non lucratif et des citoyens.

Cet épisode illustre tristement la fin de mandature du Gouvernement français en matière d’Open Data et de Gouvernement Ouvert. Ces thèmes ne sont plus vus que comme des gimmicks de communication couvrant une politique d’abandon des principes d’ouverture.

Un sursaut indispensable avant le décret entérinant les licences officielles

Nous invitons Etalab et la DINSIC à reconsidérer au plus vite cette grave entorse à la politique Open Data française, et nous appelons Christophe Sirugue et Jean-Vincent Placé à différer la publication du décret d’application de l’article L. 323-2 de la Loi Numérique prévu pour le printemps censé définir les licences officielles de l’administration.

Pour commencer, il est indispensable de republier en ligne la Licence Ouverte 2011 à l’adresse permanente déjà référencée partout sur la toile. Si véritablement certains points devaient être revus au sein de cette version, il conviendra dans un second temps d’entamer un véritable processus de concertation avec l’ensemble des acteurs comme cela avait été le cas en 2010.

D’ici là, nous enjoignons l’ensemble des producteurs de données et réutilisateurs à continuer à se référer à la Licence Ouverte 2011, heureusement préservée dans les archives des Internets, dans sa version française comme anglaise.

La licence Open Data Washing 2017 : de nombreux bugs juridiques

Alors que l’ouverture de data.gouv.fr à tous les producteurs, publics comme privés, faisait jusqu’alors la fierté d’Etalab, l’abandon du terme « Producteur » au profit d’ « Administration » dans cette licence est particulièrement révélateur du repli de la DINSIC sur elle-même, en niant tous les producteurs et réutilisateurs non administratifs qui s’appuyaient sur un document juridique fiable.

Des clauses « données à caractère personnel » quasi-obsolètes

Alors que la loi Numérique a supprimé certaines des restrictions relatives à la réutilisation de données à caractère personnel, Etalab et la DINSIC décident sans aucune concertation d’aller à contre-sens de ces évolutions. La Licence Ouverte 2011 posait le principe de la liberté de réutilisation. Cette nouvelle licence vient à l’inverse faire peser sur les réutilisateurs une charge juridique complexe : celle de déterminer si un jeu de données contient ou non des données à caractère personnel. À défaut de pouvoir le déterminer, le réutilisateur devra se soumettre à une obligation de déclaration administrative auprès de la CNIL.

Et ceci alors même que l’obligation de déclaration va disparaître d’ici quelques mois. Le futur cadre juridique en matière de données à caractère personnel substitue en effet au système déclaratif une démarche « responsable » : le responsable de traitement devra être en mesure de démontrer à son autorité de contrôle qu’il se conforme à ses obligations en matière de protection des données personnelles. Pour respecter l’objectif pretexté par Etalab d’assurer l’évolution de la licence avec la legislation courante, celle-ci devra donc nécessairement être de nouveau modifiée d’ici mai 2018 pour s’adapter à cette nouvelle législation, créant encore une nouvelle licence et amplifiant ainsi l’insécurité juridique.

Des acteurs privés dans le rôle de censeurs de l’Open Data

Alors que la loi Numérique apportait quelques progrès pour les données détenues par des organismes privés chargés de missions de service public détenant des droits de propriété interllectuelle, le document publié par Etalab n’en tient pas compte. Pire, la sécurité juridique apportée par la Licence Ouverte 2011 en matière de propriété intellectuelle est tout simplement supprimée. Le document juridique publié par Etalab sera désormais inapplicable lorsque l’administration est en conflit avec ses agents publics (comme pour la base Mérimée du ministère de la culture) ou lorsque les données sont produites par des acteurs privés ou para-publics.

Entreprises ou associations productrices de données qui souhaiteraient utiliser cette nouvelle licence devront y associer une autorisation complémentaire explicite pour rendre les données associées réutilisables en Open Data. De quoi dénaturer totalement le rôle d’une licence de réutilisation de données publiques…


17 réponses à “Disparition de la Licence Ouverte : Etalab et la DINSIC abandonnent l’Open Data”

  1. Citoyen Anonyme (Un de vos lecteurs choqué) dit :

    Euh, est-ce que ça ne serai pas du mauvais journalisme, de la mauvaise fois voir du complotisme ?

    La licence n’a pas été supprimée de leur site, elle est toujours disponible: https://www.etalab.gouv.fr/licence-ouverte-open-licence-v1 (lien du menu).
    Une réaction citoyenne n’aurait-elle pas été de les prévenir qu’il manque une redirection ou autre ?

    En tant que citoyen, je vous suis depuis un bon moment déjà, mais là je suis un peu choqué de lire cet article. Etalab est l’un des rares acteurs à se battre pour l’opendata et il me semble que vous le savez bien. Les avez-vous contacté ? Avez-vous passé plus de 30 secondes à investiguer sur le pourquoi du comment ? (je pense que non puisqu’il suffit d’aller sur leur site pour voir que le lien est toujours disponible)

    Ce type de position est digne d’un Trump ou d’une Marine Le Pen ! Je suis bien surpris par cet article.

  2. admin dit :

    Le lien que vous pointez retourne vers une page introuvable.

    Depuis la publication de notre article, Etalab a réagi et tente de corriger le tir en partie en ayant annoncé vouloir remettre en ligne la Licence Ouverte 2011.

    S’il est vrai que par le passé Etalab a été un acteur actif dans la défense de l’Open Data au sein des administrations, cette décision arbitraire de vouloir proposer une version remplaçant la LO de 2011 est un recul important pour celui-ci.

    Nous avons lu avec une très grande attention la production de la DINSIC et avons suivi les nombreux travaux engagés sur les thématiques de l’Open Data et du Gouvernement Ouvert. Nous avons également fait une analyse détaillée des différences entre la licence LO 2011 et le document proposé hier. Vous vous doutez sans doute que la disparition pendant 2 jours de la Licence Ouverte n’est qu’une petite partie de nos inquiétudes.

    Depuis 2011, nous n’avons jamais sollicité de rendez-vous auprès d’Etalab ou de la DINSIC. En revanche, pour chaque projet important, comme d’autres acteurs, ils avaient l’habitude de nous auditionner. Nous les avons rencontrés plus d’une quinzaine de fois depuis la création de la mission. En pleine consultation sur le deuxième plan national pour un Gouvernement Ouvert, ni la DINSIC, ni Etalab n’ont jugé bon de faire une consultation sur le sujet. Nous n’avons pas été auditionnés et il semble en être de même pour nos contacts parmi les acteurs de l’Open Data dans la société civile. Nous ne pouvons donc être tenus responsables de ce choix.

  3. Citoyen Anonyme dit :

    Effectivement, ils ont remis le lien en place depuis.
    Cela ne change pas le fait que la page était bien présente au moment où j’ai posté mon commentaire et que par conséquent cela témoigne que vous n’avez même pas fait la démarche de les contacter.

    Quoi qu’il en soit, je suis deçue par votre démarche que je ne trouve pas du tout exemplaire. A mes yeux vous devenez donc comme tous les autres, des donneurs de leçon qui ne s’appliquent pas leur propres préceptes.

    J’ai beaucoup de mal en entendre votre position: « on ne les a pas contacté mais c’est de leur faute, ils ne nous ont pas contacté. » Il me semble que comme vous le précisez, vous n’êtes pas affiliés à Etalab ni à la DINSIC et donc en vertue de quel passe-droit seraient-ils venus vers vous pour valider leur travail ? J’ai beaucoup de mal à suivre.

    Donc, si je résume votre position, c’est « jusqu’à présent, ils nous consultaient en amont donc c’était bien, et là ils ne l’ont pas fait donc on leur crache dessus sans même prendre le temps de discuter avec eux » ?
    Vous commencez à avoir les même pratique que ceux que vous dénoncez, non ?

    Je suis perplexe, quel est votre but ? Attaquer sans distinction toutes les administrations afin de vous autoproclamer défenseur du peuple ? Il me semble bien facile de pointer du doigt une erreur qui peut être corriger et de passer sous silence tout ce qui a pu être fait en amont. Vous gagnerez en crédibilité s’il vous venait à l’idée de faire remarquer aussi ce qui est fait. En l’absence d’équilibre entre les deux, il n’y ni justesse ni justice de votre part et vous tombez de facto dans le grand sac des politiciens populiste qui se serve de la peur pour être entendus (pour généraliser comme vous le faite dans cet article).

    Je suis navré de constater cette dérive de votre part, alors que votre mission initiale et votre travail pourraient servir l’intérêt général, il me donne de plus en plus l’impression de ne servir que ceux de votre communication.

    En espérant que vous retrouviez le chemin qui était le votre, un citoyen déçu.

  4. Victor Lambret dit :

    Au moment de ce commentaire le lien pointe toujours vers une erreur 404.

    Les réactions des commentaires au dessus me semblant disproportionnées, je tenais à faire entendre l’autre son de cloche. Merci beaucoup de passer du temps à défendre l’intérêt général, à décortiquer l’activité parlementaire, à expliquer avec pédagogie des sujets qui peuvent être délaissés des journalistes, politiques, du public par leur technicité.

    Heureusement que vous êtes là pour faire ce travail, on en a besoin.

    Gros bisous 🙂

  5. Citoyen Anonyme dit :

    Mais c’est quand même fou tant de mauvaise fois !
    Au moment de mon 1er commentaire, la page était visible sur l’URL du commentaire.
    Au moment du 2e commentaire, la page de la licence était revenue a son URL initiale https://www.etalab.gouv.fr/licence-ouverte-open-licence et l’est toujours. Je ne suis pas le seul à l’avoir constaté puisque le commentaire de l’admin le signale aussi !

    Je suis habituellement d’accord avec regard citoyen, et habituellement simple lecteur, mais là je me suis résolu à m’exprimer car pour une fois je ne suis pas d’accord avec leur interprétation. Effectivement ça n’engage que moi, mais si mon commentaire est disproportionné c’est simplement parce que je trouve l’article disproportionné: transformer un changement d’URL, qui est peut-être simplement une erreur en un complot d’etat, c’est malhonnête.
    L’article aurait très bien pu se contenter de critiquer le decret et le contenu de la nouvelle licence sans pour autant essayer de faire croire qu’un des seuls acteurs bienveillants sur le sujet est subitement devenu un grand méchant complotiste. L’article aurait été plus pertinent.
    De plus, plutôt que de pointer du doigt un acteur avec qui ils ont l’habitude d’être en contact, pourquoi ne pas les avoir contacté pour en discuter et tenter de changer les choses ? Je trouve la démarche très moyenne, d’autant plus que ils le précisent ils ont apparement l’habitude de discuter avec eux.

    Bref, je maintien ma position, je trouve cet article autant dans une partie du contenu (l’approche complotiste) que dans la façon de faire, peu constructif et dérangeant. C’est mon ressenti, ça n’engage que moi.

  6. Josselin H. dit :

    Article très décevant, et je suis d’autant plus sévère que le travail de Regards citoyens est d’ordinaire juste et pertinent.

    La Licence Ouverte 2017 ne change pas le régime juridique de la réutilisation des informations publiques et Etalab n’abandonne pas l’Open Data.

    1° Les licences de réutilisation sont facultatives lorsque la réutilisation est gratuite.

    2° La Licence Ouverte (ancienne ou nouvelle version) ne fait que rappeler le cadre légal.

    3° La nouvelle version complète les lacunes de l’ancienne mais ne change strictement rien sur le fond. Les informations contenues dans des documents administratifs sur lesquels des tiers à l’administration détiennent des droits de propriété intellectuelle ont toujours été exclues du régime de réutilisation, de même que les données à caractère personnel. L’administration n’a évidemment pas le droit de permettre la réutilisation de telles informations ; il faut donc demander l’autorisation aux personnes intéressées, c’est tout.

    Bref, rien de nouveau sous le soleil, alors pourquoi une telle réaction ? Cette mauvaise interprétation juridique et ce manque de tempérance abîment votre crédibilité et attisent une polémique fort inutile.

    [11h: le 3° a été édité suite à une demande de son auteur]

  7. Gabriel dit :

    Alors la situation à l’heure actuelle :
    https://www.etalab.gouv.fr/licence-ouverte-open-licence contient la *nouvelle* licence (2017)
    https://www.etalab.gouv.fr/licence-ouverte-open-licence-2011 contient l’ancienne license (2011)

    On ne peut que regretter que l’ancienne URL ait été conservée pour héberger la nouvelle license : cela veut dire que tous les producteurs qui pointaient vers https://www.etalab.gouv.fr/licence-ouverte-open-licence pour parler de la version 2011 se retrouvent maintenant à pointer vers la version 2017 sans avoir été prévenus !

  8. admin dit :

    Cher Citoyen Anonyme,

    Nous sommes attristés ne voir que nos arguments, que nous essayons les plus factuels possibles, ne vous convainquent pas.

    Comme nous l’avons pointé hier soir sur les réseaux sociaux, l’ancienne licence a bien été remise en ligne par Etalab, mais à une nouvelle adresse https://www.etalab.gouv.fr/licence-ouverte-open-licence-2011 alors que l’URL initiale pointe aujourd’hui sur la Licence Ouverte limitée 2017 (LOL2017).
    Cette licence en plus d’être incompatible avec les licences Open Data existantes du fait du renversement de responsabilité du producteur au réutilisateur, stipule en outre spécifiquement qu’elle ne peut être appliquée aux producteurs de données non liés à l’administration. À titre d’exemple, des jeux de données publiées par des citoyens sur data.gouv.fr ayant fait le choix de la Licence Ouverte 2011 voient aujourd’hui leurs données référencées avec un lien vers la LOL 2017, alors même qu’elle ne s’applique pas à leur cas et qu’ils ne l’ont jamais souhaité.

    La décision d’Etalab de supprimer la licence pendant deux jours, puis de changer l’url de la licence ouverte 2011 pour un document non compatible, porte préjudice à tous les producteurs de données hors administration ayant choisi la Licence Ouverte avant mars 2017.

    Nous vous invitons à bien relire le billet. Nous indiquons de manière précise en quoi la nouvelle licence est incompatible avec l’écosystème juridique Open Data et est même incompatible avec le droit en matière de réutilisation des données publiques.

    Il se trouve que deux institutions réclament la paternité de ce document : la DINSIC et Etalab. Il est donc normal qu’elles soient tenues responsables de ces erreurs.

    Le reproche adressé en termes de concertation est le simple résultat de l’expérience en la matière : la rédaction d’une licence Open Data, pour la LO 2011 comme pour la traduction de l’ODbL, a toujours été un long et complexe travail mené en concertation avec tous les acteurs, administrations, producteurs extérieurs et réutilisateurs. Le fait que la DINSIC sorte soudain de son chapeau ce nouveau texte, dont personne ne savait même qu’il était en réflexion, vient gravement rompre avec cet esprit collaboratif.

  9. admin dit :

    Merci Josselin H. de prendre le temps de nous faire part de votre point de vue.

    Voici nos réponses à vos trois points :

    – À propos de votre 1° :

    C’est pour cette raison que la Licence Ouverte 2011 reprenait les dispositions principales de la loi (notamment sur la question de paternité) et ne permettait pas de couvrir des données qui ne devaient pas être mises à disposition. Vouloir créer une licence qui englobe également des diffusions de données non compatibles avec l’Open Data (données dont la réutilisation est soumise à restriction comme la violation de la vie privée ou droits de tiers bloquant la diffusion ou la réutilisation) est donc en ce sens une décision dangereuse. Faire passer une telle licence pour une licence Open Data est un travail de désinformation.

    – À propos de votre 2° :

    Non. L’administration ne peut ni diffuser ni autoriser la réutilisation lorsque des tiers refusent la diffusion ou la réutilisation des données dont ils détiennent la propriété intellectuelle.

    La Licence Ouverte Limitée 2017 sort du simple rappel du cadre juridique en faisant peser des obligations liées à la CNIL sur des réutilisateurs ou des producteurs qui n’y sont normalement pas soumis (par leur statut ou la nature des données). Rappelons que la CNIL française n’a pas « juridiction » en Belgique, où la Licence Ouverte 2011 est utilisée. Tous les producteurs et réutilisateurs qui utilisent la Licence Ouverte ne sont pas français et ne sont donc pas forcément soumis aux obligations de la loi informatique et libertés. S’ils se trouvent en Europe, pour rappel, la directive européenne 95/46 prévoit la libre circulation des données à caractère personnel entre les États membres. Ainsi, dans notre exemple, si un réutilisateur belge traite des données dans le cadre de son activité en Belgique, c’est la loi belge qui s’applique.

    Enfin, affirmer que tous les producteurs sont soumis au même cadre légal est une erreur de droit. Le travail réalisé pour cette Licence Ouverte Limitée n’a pas été fait de manière sérieuse et n’a pris en considération qu’un certain point de vue en se coupant de fait, de l’immense majorité des usages Open Data existants.

    – À propos de votre 3° :

    C’est pour cette raison que faire une licence qui exonère les administrations de leurs obligations légales en termes de PI est une erreur de droit, en plus de faire prendre des risques importants aux réutilisateurs. Encore une fois la Licence Ouverte Limitée 2017 se coupe des principes de l’Open Data.

    Avant la LOL 2017, des données Open Data sous ODbL ou ODC-BY pouvaient être mélangées avec des données publiées sous la licence Etalab. Ce n’est aujourd’hui plus le cas. Si vous pensez que faire ce simple constat juridique abîme notre crédibilité, ce nous attriste. De notre point de vue, le fait que les personnes en charge de l’Open Data et de la Gouvernance Ouverte ayant travaillé à la rédaction de cette LOL2017 n’aient pas pensé à ces usages, pourtant basiques, nous semble cruellement porter préjudice à leur crédibilité.

    En espérant que ces quelques compléments vous permettent de mieux comprendre le gros problème à notre sens que pose le travail autour de la LOL 2017.

    Manifestement, même s’ils se refusent à en discuter sereinement, l’équipe d’Etalab se montre progressivement convaincue par nos différents éléments puisque les urls des pages de la LO 2011 et de la LOL 2017 viennent de nouveau de bouger pour corriger, au moins, le problème de versionnement et de pérennité d’url évoqués dans notre billet. Espérons que cela se poursuive avec le retrait de cette LOL 2017 incompatible avec l’OpenData et la reprise d’un véritable dialogue en vue de l’écriture d’une nouvelle version de la Licence Ouverte dans le cas où cela s’avèrerait véritablement nécessaire.

  10. gef dit :

    Bon, je ne vais pas rentrer dans de longs débats, que j’espère avoir avec vous de vive voix.
    Une question simple : en quoi la présente licence ne correspond-elle pas aux critères traditionnellement admis par la communauté pour l’open data (sauf erreur, ils sont là http://opendefinition.org/od/2.1/en/) ?

    2.1.1 libre usage : c’est bon (ça ne veut pas dire qu’on peut ne pas respecter les autres lois, évidemment, puisqu’on ne peut pas déroger à la loi par contrat, d’où divers rappels informatifs, qui ne font pas plaisir mais qui ne sont pas inutiles. Certes ça mériterait peut-être d’être internationalisé)
    2.1.2 redistribution : pas de problème
    2.1.3 modification : c’est bon
    2.1.4 séparation : ok
    2.1.5 Compilation : ok
    2.1.6 Non-discrimination : ok
    2.1.7 Propagation : ok
    2.1.8 Application à tout cas d’usage : ok
    2.1.9 Gratuité : ok

    Lequel de ces 9 critères n’est pas respecté ? Je ne vois pas.
    Ou sinon, quels sont les critères que vous souhaitez voir appliqués ?

  11. Edouard dit :

    Bonjour,

    Merci de mettre un Erratum à votre article, puisque tout est rentré dans l’ordre.

    La licence 2011 : https://www.etalab.gouv.fr/licence-ouverte-open-licence
    La licence 2017 (compatible avec la 2011): https://www.etalab.gouv.fr/licence-ouverte-open-licence-2017

    On peut reconnaitre que la DINSIC et Etalab n’ont pas été très bon sur leur communication mais leur volonté de promouvoir le libre accès/réutilisation des données publiques me semble intacte.

    Bonne journée

  12. […] plus tard, le collectif Regards Citoyens réagissait à cette annonce en écrivant sur son site un billet particulièrement critique intitulé « Disparition de la Licence Ouverte : Etalab et la DINSIC abandonnent l’open data ». […]

  13. Vic dit :

    Bonjour,
    Merci pour cet article, et ces débats en commentaire qui sont très intéressants !
    En les lisant, je me pose pourtant une question concernant la nouvelle version de la licence proposée par Etalab… On constate que la disposition « Droits de propriété intellectuelle » présent dans la licence de 2011 a disparu. Cette disposition précise notamment que « lorsque le « Producteur » détient des « Droits de propriété intellectuelle » sur des documents qui contiennent « l’Information », il les cède de façon exclusive, à titre gracieux, pour le monde entier et pour toute la durée des « Droits de propriété intellectuelle » au « Réutilisateur » qui peut en faire tout usage conformément aux libertés et aux conditions définies par la présente licence ».

    J’ai bien compris que lorsqu’il s’agit de droits de propriété intellectuelle détenus par les tiers, ceux-ci font obstacle à la mise à disposition des données sans leur autorisation, et je suis d’accord pour dire que l’on peut s’interroger sur la pertinence d’une licence qui met à la charge des réutilisateurs le soin d’obtenir lesdites autorisations (cela semble compliqué). Cependant, lorsque l’administration détient ces droits de propriété intellectuelle (œuvre collective, contrat de cession de l’auteur à l’administration, droits du producteur de base de données, etc.), l’administration a obligation de mettre l’information publique à disposition conformément à la législation sur les données publiques sans pouvoir invoquer ses droits pour refuser.
    Cela étant, l’ouverture des données publiques n’a pas pour objet d’annihiler juridiquement les droits détenus par l’administration, n’est-ce pas ? J’ai relu la directive de 2003 et son considérant 22 précise que « la présente directive n’affecte pas l’existence ou la titularité de droit de propriété intellectuelle par des organismes du secteur public, de même qu’elle ne restreint en aucune manière l’exercice de ces droits en dehors des limites qu’elle fixe. (…) Les organismes du secteur public devraient, toutefois, exercer ces droits de façon à faciliter la réutilisation des documents. »

    Par conséquent, la disparition de cette disposition n’est-elle pas préjudiciable dans la mesure où conformément aux dispositions du code de la propriété intellectuelle, l’administration détentrice de droits de propriété intellectuelle devrait les céder par écrit afin de garantir la réutilisation paisible des informations (sans porter atteinte aux droits des tiers) ? Et si oui, est-ce bien utile au fond, dans la mesure où la législation sur les données publiques, imposant la mise à disposition, a quand pour même pour effet d’obliger l’administration à donner son autorisation au titre des droits patrimoniaux détenus, ce qui tend à neutraliser de fait l’intérêt du monopole d’exploitation ?
    Serait-ce d’ailleurs pour ça que cette disposition a été supprimée dans la version de la licence de mars 2017 ?
    Je n’ai pas l’impression que cette problématique des droits patrimoniaux détenus par l’administration soit beaucoup traitée, mais peut-être n’est-elle pas pertinente ?

  14. […] » Pour lire la suite, rendez-vous sur Regards Citoyens […]

  15. admin dit :

    @gef

    > 2.1.1 libre usage :

    Pour commencer, il est possible de déroger à la loi par contrat. Certaines dispositions d’une loi peuvent avoir un caractère supplétif et non impératif (par ex: article 6 du Code civil: https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006419285 ). En revanche, les administrations ne peuvent le faire. C’est pour ça que la LOL2017, en plus de ne pas être une licence Open Data, pose problème : elle exempte de responsabilité les administrations qui diffusent des données dont les droits de PI n’ont pas été éclaircis.

    Cette parenthèse faite, le critère du libre usage n’est pas rempli. Les clauses de propriété intellectuelle indiquent clairement qu’il existe des cas de non libre usage. La nouvelle licence devrait inclure, comme dans la LO2011, des garanties de libre usage (garanties d’absence de PI bloquant le libre usage ou d’absence de données à caractère personnel faisant l’objet de restriction d’usage). Par ailleurs le 2.1.1 doit être analysé en lien avec le critère 1.1 qui prévoit que le « travail » doit être dans le domaine public ou avec une utilisation libre.

    > 2.1.2 redistribution :

    La version LOL2017 initiale n’avait pas prévu la redistribution. Dans le projet publié le 24 mars (après la rédaction de votre commentaire), une redistribution (sans modification de données) sous les mêmes termes que la licence est autorisée. En revanche, en cas de modification des données, la redistribution via la licence n’est pas possible pour les réutilisateurs qui ne sont pas des administrations.

    > 2.1.3 modification :

    Non. La licence peut être utilisée pour diffuser des données à caractère perso. Ces données pouvant logiquement restreindre le droit de modification, ce critère n’est donc pas rempli si ce type de données n’est pas explicitement exclu.

    > 2.1.4 séparation :

    Comme pour les critères précédents, celui-ci ne s’applique pas. Mais c’est juste une conséquence, donc, en effet, il n’y a pas de clause juridique qui entrave spécifiquement le droit aux usages partiels (à part peut-être celle sur la désanonymisation).

    > 2.1.6 Non-discrimination :

    Non. Les réutilisateurs qui ne sont pas des administrations n’ont pas les même droits que les administrations. Les réutilisateurs non-francais mais européens pourraient ne plus utiliser de données françaises à cause de la complexité de la licence, son manque de respect du droit européen et son absence de traduction en anglais.

    > 2.1.5 Compilation :

    Comme le critère 2.1.4, non compatible juste par conséquence.

    > 2.1.7 Propagation :

    Non, seule l’Administration peut utiliser la licence.

    > 2.1.8 Application à tout cas d’usage :

    Non, des données à caractère personnel dont les usages sont logiquement limités pouvant faire l’objet de diffusion sous LOL2017, la clause CNIL limite les cas d’usage.
    ca c’est un peu casse gueule étant donné que déjà avant la loi IL s’appliquait
    il faut faire la différence entre la licence et la loi. En ne disant rien sur les données à caractère perso, ça garantit qu’on ne puisse pas mettre de données qui violent la vie privée

    > 2.1.9 : Gratuité

    On est d’accord, c’est dans la licence 🙂

    Ca fait donc 1 critère sur 9 ou en excluant les critères de conséquence 3 sur 9.

    Par ailleurs, uniquement sur le fond : quel est l’intérêt de proposer une licence qui ne fait que reprendre les principes posés par la loi ? Si l’objectif est pédagogique et non de créer de la sécurité juridique, autant simplement pointer la loi.

  16. admin dit :

    @Edouard

    Nous avons déjà indiqué dans ces commentaires, comme vous, le dernier revirement en date en termes d’url qui lève enfin le problème de pérennité de la Licence Ouverte 2011. Au vu des changements quotidiens sur ce dossier, nous préférons attendre une stabilisation avant de faire suite à ce premier article notamment parce que le blog d’Étalab affirme toujours que la Licence Ouverte Limitée 2017 remplace la LO 2011.

    En revanche, vous commettez une erreur en précisant que la production 2017 d’Étalab est « compatible avec la 2011 », pour les multiples raisons exposés dans l’encart de bas d’article, dans ces commentaires et sur les réseaux sociaux, la compatibilité entre ces deux licences n’est pas assurée car la LOL 2017 n’assure qu’une réutilisation restreinte.

    En attendant, nous alimentons le débat juridique avec différentes analyses sur le fond des différents textes : https://github.com/regardscitoyens/licences-etalab

  17. […] Contrairement à la version temporaire présentée par la DINSIC et Étalab, que nous avions vivement critiqué il y a quelques semaines, cette nouvelle version a fait l’objet d’un processus de […]

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