Une raison d’être de l’entreprise, pour quoi faire ?

Une raison d’être de l’entreprise, pour quoi faire ?

En 1970, l’économiste Milton Friedmann écrivait que « la seule et unique responsabilité des entreprises, c’est d’utiliser leurs ressources et activités pour maximiser leurs profits, autant que leurs permettent les règles du jeu en matière de concurrence, sans tromperie ni fraude ».

Lorsque j’enseignais la gouvernance d’entreprise à Harvard Business School, à la fin des années 2000, il n’était pas rare d’entendre encore cette phrase opposée, d’un ton définitif, à ceux qui s’aventuraient à parler de responsabilité sociale des entreprises.

Dix ans plus tard, que cela nous semble loin ! Loin, en particulier, des attentes de nos sociétés qui souhaitent de plus en plus que les entreprises soient pleinement impliquées dans la vie de la cité et ne mesurent pas leur rôle à la seule aune de la performance financière.

  La fin de l’ère du « Move fast and break things »

C’est particulièrement vrai dans le domaine du numérique. Les années 2000 ont été celles du « Move fast and break things ». Cette philosophie du management a été comprise par beaucoup comme un point de vue sur le rôle des entreprises elles-mêmes : créer le changement avant de se poser la question de ses conséquences.

Ce point de vue, aujourd’hui, n’est plus tenable.

Certaines technologies, comme l’intelligence artificielle ou l’automatisation, ont aujourd’hui le potentiel de transformer nos sociétés en profondeur. Mais elles peuvent également produire des effets néfastes lorsqu’elles sont appliquées à mauvais escient, et créer des inégalités.

Cela signifie que nous devons aujourd’hui adjoindre, à la question « est-ce techniquement et juridiquement possible ? », la question « est-ce souhaitable ? » - pour nos collaborateurs, pour notre environnement, pour les sociétés dans lesquels nous évoluons. En matière de technologie, les possibilités créent les responsabilités.

Raison d’être des entreprises : il y a urgence

C’est, à mon sens, une réalité à prendre en compte de façon urgente – car comme la communauté scientifique d’Atos l’avait affirmé dans son rapport Journey 2022, face aux dilemmes technologiques qui se présentent aujourd’hui à nous, l’inaction n’est pas une possibilité.

C’est pour cette raison qu’Atos a souhaité être la première entreprise du CAC40 à soumettre au vote de ses actionnaires une raison d’être, ainsi formulée :

« Notre mission est de contribuer à façonner l'espace informationnel.

Avec nos compétences et nos services, nous supportons le développement de la connaissance, de l'éducation et de la recherche dans une approche pluriculturelle et contribuons au développement de l'excellence scientifique et technologique.

Partout dans le monde, nous permettons à nos clients et à nos collaborateurs, et plus généralement au plus grand nombre, de vivre, travailler et progresser durablement et en toute confiance dans l'espace informationnel »

Façonner l’espace informationnel, mode d’emploi

Cette raison d’être affirme plusieurs convictions que je serai amené à développer dans les semaines à venir.

La première : l’espace informationnel, celui où circulent nos données et nos informations, n’est pas une réalité inerte : il se construit et se façonne par nos choix et par le comportement des différents acteurs. Comme leader européen de domaines essentiels comme le cloud et la cybersécurité, Atos entend y prendre pleinement sa part.

Dans cette entreprise, nos sociétés attendent une meilleure prise en compte des impacts humains de nos actions. Et, c’est la ma seconde conviction, ce façonnement doit rendre l’espace informationnel plus éco-responsable et plus transparent quant aux usages qui sont faits des données de chacun, particulier comme entreprise. La confiance dans l’espace informationnel est à ce prix.

Dans cette même perspective, la sécurité, précisément, jouera un rôle essentiel. De même que la sécurité aérienne a été indispensable pour façonner l’espace aérien tel que nous le connaissons, la question de la cybersécurité, et de la sécurité des données au sens large, est incontournable lorsqu’il s’agit de façonner l’espace informationnel. Elle est la seconde condition nécessaire pour construire une confiance collective.

Last but not least, nous ne sommes qu’au début de cette aventure technologique ! Dans les années à venir, les volumes de données vont connaître une croissance extraordinaire, miroir des changements tout aussi spectaculaires que connaîtront nos vies. Un exemple parmi d’autres, tiré de l’industrie automobile : en l’espace d’un demi-siècle, nous serons passé des premiers pas de l’électronique à bord des véhicules aux voitures autonomes capables, grâce à l’edge computing, de s’adapter en permanence à leur environnement. D’autres technologies, comme les supercalculateurs ou l’ordinateur quantique, ouvrent la voie à des transformations plus impressionnantes encore.

En route !


Pierre Girodet

Directeur Technique Veolia Solys / International

4y

Belle com, sur la forme comme sur le fond, une "raison d'être" est à priori une bonne chose pour toute entreprise. Et pourtant... Est-ce qu’il ne faut pas 2 parties pour se mettre d’accord sur des objectifs antagonistes ? Générer des bénéfices d’une part, et respecter des contraintes environnementales et sociale d’autres part conduisent souvent si on est honnête à des stratégies de base différentes. Par exemple, traiter ses déchets si ses concurrents ne le font pas est handicapant. Établir plus d’équité dans les salaires, ne pas délocaliser la production dans des pays à bas coûts, ou utiliser des ressources locales, riment rarement avec bénéfices maximum. Là où les choses se compliquent, c’est que viser uniquement la maximisation des profits ternit aussi l’image de l’entreprise, ce qui est mauvais vis-à-vis des clients, mais aussi pour le recrutement, la motivation des salariés, l’accès à des actionnaires qui veulent investir dans des entreprises éthiques en acceptant des rendements moindre, et probablement de nombreux autres aspects positifs difficiles à quantifier. Ainsi les entreprises (et spécialement les multinationales avec des budgets de com conséquents) se doivent de « communiquer » sans forcément « agir » réellement. L’aspect « Juge et partie » de ce type de com doit être complété par une évaluation indépendante et reconnue, utilisant des indicateurs standards pour être crédible. Sauf erreur je n’ai vu aucune référence en ce sens dans l’article. Enfin, à propos de l’impact sur la société civile des innovations technologiques en particulier dans le domaine du numériques et des NTIC, il est évident que les sociétés humaines se transforment radicalement et probablement plus vite qu’elles ne l’ont jamais fait jusqu’à présent, mais qui peut croire que les entreprises pourraient en être les modérateurs ! Le crédo de tout chef d’entreprise est que le monde bouge et qu’il faut s’adapter pour survivre, être le premier sur les nouveaux créneaux porteurs. L’aspect éthique est plutôt apprécié à travers le « risque » qu’une innovation représente, et son coût associé, mais rarement comme une fin en soi.

Serge EPAULE

Ingénieur expert système HP-UX. Président de SOLUXE Systèmes SAS. (Site= SOLUXE-Systemes.fr)

4y

Il est à signaler que cette célèbre devise du "Move fast and break things" est toujours d'actualité au campus de Facebook. Mark Zuckerberg en a même fait son moyen de communication en collant des affiches sur tous les murs. Cette façon de faire, est ce accrocheur en Europe, particulièrement en France? Le modèle américain, avec les dérives que l'on connait, est-il transposable chez nous? En tout cas, il faut que les méthodes de "management" soient bien étudiées et encadrées, sous peine de voir naitre des dérives sur les plans social et économique.

Amelie Vagner

Coordinator of European programmes, International Affairs Division, CEA

4y

Initiative intéressante. Au delà des futures obligations de la loi PACTE, j'y vois un véritable engagement de l'entreprise à proposer une mission, un sens et des valeurs à ses employés. Il n'y a pas que les millenials en quête de sens dans leur travail aujourd'hui. Une initiative à saluer si cela se traduit par des engagements concrets en terme d'orientations stratégiques et management. Et je note bien la référence importante à "l'éducation et [...] la recherche" ainsi qu'à "l'excellence scientifique et technologique". 

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MICHAEL LESSERTEUR

Directeur national des opérations chez confidentiel

4y

Les échanges sur la RE ( Raison d’Être) commencent à peine que les Carrefour, Atos ou plutôt Bompard et Breton sont propulsés sur le devant de la scène..... Au delà de toutes rhétoriques ou débats sur le fond, le contenu et la sémantique, la philosophie etc.... Et si on parlait des faits ! Il aura fallu attendre « l’incroyable loi pacte » pour voir des groupes se doter d’une RE. (RE contrainte ou souhaitée ?) En terme d’initiative on repassera ! Enfin et pour faire court quelle plus value et/ou quel sens pour les acteurs : salariés, actionnaires, environnement .....? Pour Carrefour qui vient de se doter de sa RE inscrite aux statuts : « être leader en matière de transformation alimentaire » ; en cours, un énième plan de restructuration avec des destructions de toutes formes : emplois et création de friches commerciales, etc.....(bien évidement je me trompe, ça n’a rien à voir!) Vallourec et les autres vont nous pondre quoi comme RE ? Où quand la réalité, les actes s’opposent au dogme... qui parlait de donner du sens?

Jean-Paul Lebrun

Gestalt praticien, Animateur de constellations familiales, Medecin'Gong Player™, Facilitateur

4y

Bravo pour votre engagement que vous avez choisi de communiquer à vos actionnaires de belle manière. Et je vous partage ma propre raison d'être "Participer à la co-construction d'espaces relationnels dans les organisations". Vous évoquez l'intelligence artificielle, qui résonne pour moi avec l'intelligence collective, si l'on utilise le prisme du système de Surowiecki. Comment tirer parti de la diversité des données et favoriser la diversité humaine pour aller vers plus de performance holistique, c'est une des questions qui me préoccupe !

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