Stade de Gerland : des pierres et le LOU

Stade de Gerland : des pierres et le LOU

Depuis les débuts de sa construction, en 1913, jusqu’à aujourd’hui, le stade de Gerland, « chef d’œuvre de l’architecture en béton armé », n’a jamais cessé de se transformer. De Tony Garnier, son concepteur, aux architectes contemporains, tous ont cherché à répondre à une évolution des usages. D’un stade répondant à une vision hygiéniste, il est devenu longtemps le temple du football lyonnais avant d’accueillir en 2017 le monde de l’ovalie. Récit d’une aventure architecturale et sportive…

C’est en 1914 que cette œuvre monumentale en béton armé apparaît pour la 1ère fois au public à l’occasion de l’Exposition internationale urbaine pour laquelle il a été érigé. Sa construction débute en 1913 mais se trouve très vite interrompue par la Grande guerre. Le chantier reprend alors en 1919 avec des prisonniers de guerre allemands pour main d’oeuvre. Le stade est enfin inauguré en 1926.

Gravure du stade peu après sa construction

C’est Tony Garnier, à la demande du maire de l’époque, Edouard Herriot, qui conçoit cette œuvre reconnaissable à ses 4 entrées en forme d’arc de triomphe inspirées des stades antiques. « A cette époque, c’était un béton de mâchefer, détaille Albert Constantin, l’architecte lyonnais qui est intervenu lors des dernières transformations de l’ouvrage. On récupérait les déchets de houille, on mélangeait et on faisait du béton. C’était les débuts du béton, on enduisait cela avec de la chaux ». Une couleur, des matériaux et une architecture qui fait de cette œuvre « l’un des projets, les plus romains de Tony Garnier », estime Philippe Dufieux, professeur d’histoire de l’architecture à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Lyon.

Une vision commune

Lorsque Edouard Herriot et Tony Garnier travaillent ensemble sur le projet au début du 20e siècle, ils partagent une vision urbaine idéaliste. A l’origine, ce stade « des sports athlétiques » comporte des pistes d’athlétisme, des terrains de tennis et même un stade nautique. Il est conçu dans la tradition des stades olympiques de l’Antiquité avec notamment une grande galerie circulaire posée sur un talus végétal. Gerland s’inscrit à l’époque dans une politique d’hygiénisme et surtout d’éducation populaire résumée ainsi par Edouard Herriot : « construire un hôpital, c’est de l’assistance ; construire un stade, c’est de la prévoyance ». C’est en 1967 que le talent de Tony Garnier est reconnu avec l’inscription à l’inventaire des Monuments historiques des quatre portes immenses du stade. Mais Philippe Dufieux le souligne, « ce n’est pas un classement de l’ensemble du site, le stade ne bénéficie que d’une faible protection qui n’empêchera pas les modifications successives ».

La porte des lions du stade de Gerland

La plus grosse affluence pour Jean-Paul II

Dès 1950, le stade de Gerland devient le stade attitré de l’Olympique lyonnais et le football prend le pas sur les autres pratiques sportives. C’est le début d’une succession de transformations architecturales majeures. Pour Philippe Dufieux, « la succession de ces interventions ont rendu le stade de Tony Garnier moins lisible, il est aujourd’hui méconnaissable ». En 1960, d’abord, le vélodrome, qui a pourtant accueilli quelques arrivées du Tour de France, est détruit afin d’augmenter la capacité d’accueil. Le record d’affluence pour une rencontre de football est atteint en 1980 lors d’un derby Olympique lyonnais / AS Saint-Etienne avec 48 552 spectateurs. Mais c’est le pape Jean-Paul II qui détient le record d’affluence dans les années 1980 avec 53 000 personnes réunies lors de sa visite apostolique en France. Par la suite, pour accueillir l’Euro de football en 1984, Gerland doit devenir plus convivial. L’architecte René Gagès engage de nouveaux travaux : suppression des grillages, création du fossé et rapprochement des tribunes au plus près de la pelouse. Pour Philippe Dufieux, « René Gagès est celui qui, par ses modifications, a le moins déstabilisé la composition d’ensemble de Tony Garnier ».

Un stade à moderniser

Quelques années plus tard, nouvelle compétition internationale, nouveaux travaux. Pour la Coupe du monde de 1998, c’est donc Albert Constantin qui s’attelle à la modernisation du stade : les couloirs d’athlétisme mis en place au début des années 1970 sont détruits ; les deux virages Nord et Sud sont également détruits mais reconstruits pour être rapprochés du terrain et couverts d’une structure métallo-textile de 4300 m2 chacune ; les tribunes, Jean Jaurès et Jean Bouin, sont rehaussées d’un étage pour créer 28 loges équipées ; les bancs en bois des tribunes sont remplacés par des sièges individuels.

Gerland vu du ciel

Pendant la compétition, ce sont jusqu’à près de 41 000 spectateurs qui peuvent venir admirer les stars du football mondial. En tout, 6 matchs sont organisés au stade de Gerland : 5 matchs de poule dont le France / Danemark (2-1) et un quart de finale Croatie / Allemagne (3-0). A la fin de ces années 1990, le stade accueille également de nombreux concerts : Pink Floyd, Johnny Hallyday, The Rolling Stones, Michael Jackson... Mais dans les années 2000, c’est bien le football qui marque le lieu de son empreinte. C’est là que l’OL remporte 7 titres consécutifs de champion de France entre 2002 et 2008. Et pour attirer de nouveaux partenaires, pendant l’été 2005, la tribune Jean Bouin est à son tour, comme la tribune Jean Jaurès, dotée de loges. C’est en 2007 que la pelouse est entièrement changée pour la 1ère fois depuis la construction du stade.

Le retour du béton de mâchefer pour voir le LOU

La dernière mutation en date, c’est celle de 2017. Le ballon rond laisse la place au ballon ovale avec le départ de l’Olympique lyonnais jouant désormais dans l’enceinte du Groupama Stadium et l’arrivée du LOU Rugby fraîchement promu en top 14. Première transformation de taille, le stade de Gerland devient le Matmut stadium. Le club de rugby lyonnais fait « quelques » travaux d’aménagement. Et c’est une nouvelle fois Albert Constantin qui s’occupe de la transformation avec une enveloppe de 38 millions d’euros.

L'architecte lyonnais Albert Constantin

L’architecte s’est évidemment intéressé de près au matériau d’origine du stade : ce fameux béton de mâchefer. En 2017, il faut évidemment reprendre cette matière : « on a piqué, ré-enduit avec de la chaux, on a retrouvé les couleurs d’origine ». Tony Garnier avait construit un stade avec une double galerie qui permettait aux gens de se promener, de regarder l’intérieur et l’extérieur en même temps. Grâce à Albert Constantin, on peut de nouveau circuler tout autour du stade par les galeries : « à l’époque de Tony Garnier, il y avait très peu de gradins, mais les gens pouvaient se déplacer, ils faisaient le tour, c’était une promenade, on avait à la fois la vue sur la ville et sur le stade, j’ai essayé de respecter cela ». La capacité maximale de l’enceinte passe de 41 000 à 35 000 places. Cela en fait aujourd’hui le 11e stade français en termes de places assises.

Alors moins de places certes mais des places plus larges et plus confortables et de nouveaux salons VIP, le tout avec une meilleure visibilité et un public encore plus proche du terrain. Aucun gradin n’est détruit, on construit par-dessus les anciennes rangées. Ce sont les courbes de gradins qui changent. Quant aux sièges, ils sont évidemment aux couleurs du club, noir et rouge. A l’extérieur, les façades ont été rénovées, les enduits à la chaux ont été entièrement refaits et les pelouses ont été changées. Une seconde phase de travaux est déjà prévue en 2018.

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