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Emploi

Carrière professionnelle : pourquoi le diplôme est si déterminant en France

Marie Duru-Bellat, professeur à Science Po estime qu'en France "on a pas de seconde chance". Les diplômes sont très importants et entraînent une lutte pour entrer dans les meilleurs écoles.
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58% des jeunes diplômés cherchant un emploi jugent leurs chances de trouver un travail dans les six mois peu élevées.
58% des jeunes diplômés cherchant un emploi jugent leurs chances de trouver un travail dans les six mois peu élevées.
Alix Minde/AltoPress/Maxppp

Dis-moi quel est ton diplôme et je te dirai à quelle vie tu auras droit. En France, on a souvent l'impression de jouer très jeune son avenir, en raison d'un manque de secondes chances et de la rareté des diplômes les plus prisés, ceux des grandes écoles.

Pour ceux qui sont aux deux extrêmes, sans diplôme ou avec un diplôme de grande école, "c'est vraiment très décisif", mais c'est moins déterminant "entre les deux", affirme Marie Duru-Bellat, professeur de sociologie à Sciences Po et auteur de "L'inflation scolaire". A l'arrivée, "beaucoup de jeunes trouvent un emploi sans aucun rapport avec leur formation".

"En France, on n'a pas de seconde chance: si on ne réussit pas sa formation initiale quand on est jeune, il y a très peu de formation continue après pour se rattraper", souligne-t-elle. En Allemagne, les jeunes font moins souvent de longues études, "mais on peut monter ensuite dans la hiérarchie professionnelle grâce à des formations continues".

Une grande différence de débouchés entre l'université et les grandes écoles

"Dans les pays nordiques ou en Allemagne, c'est beaucoup plus naturel de revenir dans le système éducatif quand on en est sorti sans qualification", renchérit Eric Charbonnier, spécialiste de l'éducation à l'OCDE.

Autre spécificité française, les grandes écoles. En l'absence de "masse d'emplois disponibles, les jeunes vont se bagarrer pour entrer dans ces grandes écoles, car il y a un fossé entre leurs débouchés et ceux des universités", note Marie Duru-Bellat. 

"Les diplômes ont une valeur très forte, donnant l'impression que tout se joue à 22-23 ans. Effectivement, un jeune qui sort d'une école d'ingénieur à 23 ans est tranquille à vie. De même, un jeune qui sort de l'Ecole normale supérieure a une vraie rente".

Les 25 premières années des jeunes s'apparentent à "une course d'obstacles pour acquérir un diplôme qui donnera un statut, une mobilité professionnelle", explique Monique Dagnaud, directrice de recherches au CNRS. "C'est devenu très discriminant, le diplôme et les relations". En revanche, il est rare de "partir de rien" et de monter en haut de l'échelle, sauf "peut-être dans les PME".

"Nulle part ailleurs dans le monde la question de savoir où vous avez fait vos études ne détermine si profondément votre carrière", relève le journaliste britannique Peter Gumbel dans son livre "Elite Academy". Les diplômés de l'ENA et Polytechnique, "qui dominent le monde des affaires et de la politique", représentent 0,057% de leur classe d'âge et la carrière de leurs majors de promotion est "toute tracée".

Dans d'autres pays, "même si vous avez été un étudiant brillant, vous devrez toujours prouver vos capacités dans le monde professionnel", observe-t-il. 

"Une contestation latente"

"Dans les pays modernes qui ont rejeté l'aristocratie, les classes, etc., il faut bien un critère pour répartir des emplois très inégaux", souligne Marie Duru-Bellat. "C'est le mérite, et on fait confiance à l'école pour le déceler. Il y a une certaine nécessité du diplôme". "Ca protège, on se dit "si on travaille bien à l'école, on aura une place". Mais il y a une contestation un peu latente de ce système". Et "il est possible que le diplôme perde de son importance, parce qu'il devient tellement répandu qu'il ne permet plus aux employeurs de faire la distinction". 

L'ouverture à la rentrée, à l'initiative de Xavier Niel, le fondateur de Free, de "42", une école informatique gratuite, avec une formation collaborative et sans diplôme, détonne. "On peut être en échec scolaire" mais être "un génie en informatique. On peut ne pas avoir le bac" et "devenir le développeur le plus brillant de sa génération", estime Xavier Niel sur le site de l'école.

"C'est une très bonne idée, surtout dans ce secteur", avec des jeunes dotés de qualités mais qui ont du mal dans le système scolaire, relève Monique Dagnaud.
"Cela illustre une tendance en germe: "es diplômes, ça va. Maintenant, on va former les jeunes à un savoir-faire précis, dans un marché porteur, et ils trouveront du boulot"", estime Marie Duru-Bellat.

(avec AFP)

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