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100% web, 100% mobile : l’entreprise sans frontières

« Les mutations de l’IT pour l’entreprise digitale » : le titre de la convention CRIP de cette année souligne l’étroite imbrication des transformations technologiques et du changement managérial au sein de l’organisation 2.0 – un concept hier encore un peu nébuleux, auquel la réalité quotidienne de l’entreprise donne aujourd’hui un contenu complexe mais très concret.

Invité à témoigner sur le thème « workplace et mobilité », François Tricot, DSI de CEVA Santé Animale, est revenu sur les circonstances et les conséquences de l’introduction, dans son entreprise et à son initiative, d’un système d’information « 100% web, 100% mobile ». Un mode d’organisation informatique qui devrait influer profondément tant sur le secteur de l’IT que sur les façons de travailler, selon Stéphane Clément, Directeur Général de Proservia ManpowerGroup Solutions.

***

L’Atelier de l’emploi : Les frontières de l’entreprise se font de plus en plus floues : cela se voit dans le phénomène de « l’entreprise étendue », mais aussi dans le rapport au lieu de travail, et, corollairement, au matériel professionnel. Comment se traduisent ces transformations, vues de la DSI ?

François TricotFrançois Tricot : Quand je suis arrivé chez Ceva en 2008, je me suis aperçu qu’un changement majeur était intervenu depuis une quinzaine d’années. Au début des années 1990, l’entreprise, c’était l’endroit où on avait accès à du matériel informatique « high tech », inaccessible en tant que particulier. Alors qu’en 2008, le rapport s’était inversé. Ainsi, quand j’expliquais mon environnement de travail à mes enfants, ils n’en revenaient pas : à leurs yeux, l’entreprise était  devenue l’endroit où on utilise les vieilles technologies.

Stéphane ClémentStéphane Clément : Aujourd’hui, cette différence professionnel / particulier a tendance à s’estomper. Avec l’arrivée, bien qu’elle reste timide en France, du BYOD (Bring your own device), la frontière entre matériel professionnel et matériel personnel disparaît petit à petit. Il y a toujours une sphère privée et une sphère professionnelle ; mais elle ne coïncide plus forcément avec les limites spatiales des locaux de l’entreprise ou avec la propriété du matériel.

« Toutes les applications peuvent être consultées depuis n’importe quel device« 

Comment ça se traduit, concrètement, pour le système informatique de l’entreprise ?

François Tricot : Chez Ceva, nous avons changé tout le système d’information de l’entreprise. Aujourd’hui, tout le SI est accessible de la même façon à la maison, dans la rue, au bureau. Toutes les applications, depuis la messagerie jusqu’aux applications métiers, peuvent être consultées depuis n’importe quel device : PC, portable, tablette, smartphone – par le simple biais d’une adresse web. Ainsi, au total, chez CEVA, 180 applications sont aujourd’hui disponibles en ligne pour les collaborateurs. Pas besoin de VPN, le navigateur – n’importe lequel – est la seule interface nécessaire !

Chaque application a son adresse web, il suffit de l’entrer dans le navigateur, et de s’authentifier. Toutes les applications sont mobiles. Chacun peut utiliser son équipement personnel. Et les filiales peuvent acheter ce qu’elles veulent en matière de terminaux. Je ne gère plus aucune contrainte sur les postes de travail. Dans le groupe, les Anglais utilisent des Mac, des Ipad, des IPhone ; les Américains ont le choix entre Android et Ipad/IPhone, etc.

Stéphane Clément : c’est un gros changement pour les DSI. Cela suppose de basculer de la gestion d’un parc informatique à une gestion des utilisateurs, avec de fortes implications managériales. Bien sûr, ce n’est pas entièrement nouveau : la question de savoir « qui accède à quoi » se posait déjà auparavant. Mais dans un système comme celui de Ceva, c’est l’authentification qui est au cœur de tout. L’informatique ne gère plus la « masterisation » des postes de travail ; plus besoin d’intervenir plusieurs heures sur un terminal et de l’immobiliser pour effectuer une configuration lourde et figée. Une intervention légère suffit, le travail se fait surtout en amont, pour sécuriser les accès et former les équipes.

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Justement, ça ne pose pas de gros problèmes de sécurité ? Ce qui expliquerait les réticences des entreprises comme des collaborateurs à aller aussi loin dans la logique « 100% web » ?

François Tricot : Dans mon système, vous accédez à toutes les fonctions de l’entreprise de la même façon que vous accédez à votre compte bancaire, ou à vos réservations d’avion ou de train, ou à vos impôts, en ligne. Je ne vois pas pourquoi on considérerait la certification en ligne comme suffisamment sûre pour des transactions bancaires, et pas pour la gestion interne de l’organisation et de l’informatique.

Evidemment, dans le cas de Ceva, nous avons dû sécuriser des applications qui n’étaient pas conçues, au départ, pour être accessibles par le web.

Stéphane Clément : Il y a forcément un gros travail de sécurisation en amont. Mais à mesure que le modèle 100% web se diffuse et que le recours au cloud se développe, les éditeurs vont nécessairement mettre l’accent sur la performance de l’authentification. Je crois que c’est la même chose dans tout changement : pour vaincre les peurs et les réticences, il faut que les bénéfices soient perceptibles. A mesure que ceux-ci deviendront plus évidents, l’appréhension reculera.

« Un navigateur préféré, aujourd’hui, c’est très personnel, et c’est important ! »

Dans le cas de Ceva, les bénéfices ont-ils été reconnus par les collaborateurs ? Comment ont-ils réagi ?

François Tricot : Au départ, il y a eu pas mal d’inquiétudes, surtout au sein de nos équipes informatiques. Les peurs des collaborateurs se sont avérées infondées : nous n’avons renvoyé personne en lien avec la réorganisation du SI.

Mais l’évolution générale de la perception du changement nous a aidés : les gens sont maintenant habitués à ce que les systèmes informatiques changent de plus en plus vite ; au début, Google Mails modifiait son fonctionnement toutes les deux ou trois semaines… Il y a une accoutumance au changement, les utilisateurs commencent à admettre que l’informatique fonctionne de cette façon.

Ensuite, le nouveau système s’est vite traduit par un bénéfice indéniable en matière de satisfaction utilisateur. Les collaborateurs peuvent travailler où ils veulent, quand ils veulent, sur l’environnement qui leur convient le mieux. Ils peuvent utiliser leur matériel, ils choisissent leur navigateur… Un navigateur préféré, aujourd’hui, c’est très personnel, et c’est important ! Et si un client ou un partenaire souhaite communiquer via Skype, plutôt que par le système Google que nous utilisons pour la vidéo, les collaborateurs ont toute liberté d’installer ce logiciel. Il y a beaucoup plus de souplesse, d’autonomie pour les utilisateurs, la technique s’efface pour laisser place à leur travail !.

[encadre] Le travail avec les fournisseurs, avec les partenaires, avec « l’entreprise étendue », est aussi facilité par les possibilités de partage de données et d’ouvertures d’autorisations. Nous pouvons développer des applications avec nos partenaires, englober un intervenant dans un aspect ou un autre de notre système d’information pour l’intégrer à un processus donné, au niveau pertinent.

Stéphane Clément : les nouvelles pratiques managériales qui sous-tendent « l’entreprise agile » supposent de nouvelles façons de penser le système informatique. On le voit dans l’exemple de Ceva : faire davantage confiance, donner plus d’autonomie, ce n’est pas juste une question de réorganisation, d’organigramme, de politique de rétribution. Ca se traduit aussi, très concrètement, dans les possibilités technologiques que l’on met à disposition des collaborateurs. Dans l’entreprise 100% web, 100% mobile, « inviter » un prestataire, accéder aux applications requises depuis chez le client ou le partenaire, créer des liens transversaux… et surtout, gérer techniquement l’instantanéité, est une réalité.

Pensez-vous que ce modèle « 100% web, 100% mobile » va s’étendre rapidement ? Quelles en seraient les conséquences pour l’entreprise et pour le secteur informatique ?

François Tricot : Je crois pour ma part que le « 100% web, 100% mobile » va devenir dominant, très vite. D’abord parce que ça correspond aux nouvelles attentes managériales des organisations et des collaborateurs, mais aussi parce que le bénéfice financier est réel. Chez Ceva, les dépenses informatiques en pourcentage du chiffre d’affaires ont baissé de 40%. Ma DSI contribue à hauteur d’une filiale ! Tout l’investissement va dans les applications. Le réseau coûte moins cher, les postes de travail coûtent moins cher. J’ai supprimé tous les contrats avec les fabricants ; on achète ce dont on a besoin quand on en a besoin, sur le marché. Et les applications elles-mêmes sont moins chères.

Stéphane Clément : On est dans une tendance de fond, vers toujours plus d’investissement dans le service, et moins dans des configurations hardware/software figées. Bien sûr, les entreprises continueront à avoir besoin de maintenance, mais de façon différente. Depuis que Ceva a mis en place le « 100% web 100% mobile », Proservia a continué à assurer la maintenance du système, mais la nature de notre intervention a changé. Pour le client, le coût relatif baisse. Il y a moins de prises de contrôle de postes à distance. Nous sommes dans la « banalisation » du support, comme dit François Tricot. Un suivi plus souple, plus personnalisé, qui suppose de notre part une expertise plus ouverte, plus polyvalente chez nos collaborateurs et moins de procédures standardisées.

 

Proservia et Ceva Santé Animale travaillent ensemble depuis 2006. Proservia gère depuis son Centre de Services de Rennes le helpdesk utilisateurs et le support de proximité pour l’ensemble des collaborateurs de la société en France.

Neuvième groupe pharmaceutique vétérinaire au monde, Ceva emploie plus de 3000 personnes dans 40 pays. Le groupe compte 13 centres de R&D répartis sur toute la planète, une vingtaine d’usines, a réalisé 607M€ de chiffre d’affaires en 2012. Le siège de l’entreprise est à Libourne (Gironde,33).

> Crédit image : UMPCPortal.com et World Bank Photo Collection
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