Les Français peuvent, à partir de vendredi 12 juillet acheter les quelque 4 000 médicaments sans ordonnance sur des sites Internet autorisés. Une vente sur le Web très strictement encadrée dans l'idée d'éviter les risques inhérents au commerce électronique dans ce domaine (produits de piètre qualité, voire absence de substance active). Chacun de ces sites sécurisés doit être le "prolongement virtuel" d'une pharmacie réelle, elle-même dûment autorisée, stipule le texte de l'arrêté, paru au Journal officiel le 23 juin, qui encadre cette nouvelle modalité de vente. L'ordre des pharmaciens et le ministère de la santé tiendront à jour la liste des sites de pharmacies autorisés.
Les médicaments doivent être présentés "de façon objective, claire et non trompeuse". Seules mentions autorisées : le nom commercial, la ou les indications thérapeutiques, la forme (sachets, comprimés, gélules, etc.), le nombre d'unités et le prix. Les notices (précaution, doses) en ligne doivent pouvoir être imprimées, sur ces sites qui doivent rester indépendants de l'industrie pharmaceutique (ni lien ni subvention). Le pharmacien "assure personnellement la délivrance" et la préparation des commandes "ne peut se faire qu'au sein de l'officine dans un espace adapté à cet effet". On pourra ainsi faire ses achats de médicaments et de parapharmacie (produits d'hygiène, compléments alimentaires, biberons...), se les faire livrer à domicile par la poste ou aller les chercher sur place, à la pharmacie.
L'expédition postale rencontre des objections chez les pharmaciens comme le Collectif national des groupements de pharmaciens (CNGPO) qui réunit 10 000 pharmacies et représente 50 % du chiffre d'affaires des officines françaises. "Il est difficile de faire un accompagnement en ligne", argue Pascal Louis son président. Un avis partagé par Lucien Bennatan, président du groupe PHR (qui regroupe 10 % des officines) pour qui "le contact physique [avec le patient] permet d'éviter des erreurs ou des surconsommations". Sur un autre front, des groupements de pharmacie, comme 1001Pharmacies, critiquent les "restrictions beaucoup trop contraignantes" imposées à ce secteur de l'e-commerce.
LA VENTE EN GRANDES SURFACES "PAS ENVISAGÉE"
Juste à la veille de cette petite révolution qui a commencé à remettre en cause le monopole des pharmaciens, l'Autorité de la concurrence est venue mercredi jouer les poils à gratter en étudiant la possibilité d'autoriser la vente de certains médicaments hors des pharmacies – ce qui permettrait notamment aux grandes surfaces de s'emparer de ce marché – pour faire baisser les prix et qui "permettrait aux consommateurs de bénéficier de tarifs plus attractifs pour leurs achats de médicaments d'automédication". Elle souligne l'existence d'une "disparité très forte des prix des médicaments non remboursables" pouvant aller de 1 à 4 selon les pharmacies. L'autorité soumet ses observations à consultation publique jusqu'au 16 septembre, et rendra un avis définitif "avant la fin de l'année".
Mais le gouvernement a opposé jeudi un net refus à cette possibilité. "L'hypothèse d'une vente des médicaments, même non soumis à prescription obligatoire, en grandes surfaces, n'est pas envisagée par le gouvernement", a assuré Marisol Touraine. Selon son entourage, la ministre de la santé est "particulièrement attentive à ce que le circuit du médicament soit sécurisé et que la consommation des médicaments soit maîtrisée".
Le projet de l'Autorité de la concurrence avait également été vivement critiqué par l'Union des groupements de pharmaciens d'officine (UDGPO), selon laquelle il prendrait pas en compte les risques sanitaires. "L'UDGPO (...) est stupéfaite de constater le traitement aussi lacunaire que dénué d'impartialité réservé par cette autorité au risque sanitaire", souligne-t-elle dans un communiqué. Le risque sanitaire n'a été abordé dans ce document "que de manière très rapide" et l'autorité y a relayé "les seuls arguments des futurs bénéficiaires de cette ouverture", par le témoignage d'une grande surface française implantée en Italie, selon l'organisation, qui dit représenter quelque 4 000 pharmaciens. L'organisation a également cité des études de la Food and Drug Administration aux Etats-Unis qui, selon elle, soulignent "les ravages de la vente libre en grandes surfaces de médicaments contenant du paracétamol" avec notamment un risque de surdosage involontaire de paracétamol.
Des affirmations que conteste vivement l'Autorité de la concurrence, qui affirme avoir mené ses consultations "dans le strict respect du code de la santé publique". Par ailleurs, l'Autorité assure avoir interrogé de nombreux acteurs de la santé, y compris la Haute Autorité de Santé et des syndicats de pharmaciens, contrairement à ce qu'affirme l'UDGPO.
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