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Le data scientist, un nouveau métier ?

Vincenzo Esposito Vinzi |

Le data scientist sera-t-il "le métier le plus sexy du XXIe siècle", comme l’affirme la Harvard Business Review ? Traditionnellement, les statistiques détaillent les caractéristiques de la population, déterminent des méthodes de recueil des données, effectuent des collectes spécifiques à une question précise et dressent une analyse, généralement pour repérer des tendances. Ce paradigme évolue.

Comment changer de paradigme d’analyses compte tenu des nouvelles caractéristiques des bases de données ?

Le changement de paradigme d’analyses ne remet pas en cause en bloc l’ensemble des approches scientifiques préexistantes. L’IMPACT cycle, qui se décline dans les six étapes suivantes, reste un cadre analytique pertinent :

- Identifier les questions (identify) ;

- Maîtriser les données au niveau de la technologie (master) ;

- Apporter du sens et contextualiser (provide the meaning) ;

- Formuler des recommandations opératoires (actionnables recommandations) ;

- Communiquer (communicate insights) ;

- Suivre l’application des recommandations (track outcomes).

Toutefois, de nouveaux paramètres entrent dans la pratique du data scientist. Ainsi, l’effort de contextualisation revêt une importance bien plus forte qu’hier. Les techniciens en statistiques formés à l’ancienne école sont-ils en mesure d’y procéder ? On peut en douter. Désormais, la personne en charge de l'analyse statistique en entreprise ne peut plus se contenter d’appliquer une technique, aussi sophistiquée soit-elle, de façon relativement isolée et en se donnant le temps de l’analyse. Il doit s’adapter à un rythme proche du temps réel, intégrer une vision globale de l’entreprise et communiquer ses résultats de façon lisible et frappante. En outre, il ne peut plus se cacher derrière une trop faible disponibilité de données.

En 2011, McKinsey a estimé que l’on manquerait de 140 000 à 190 000 data scientists à l’horizon de 2018. Qui est ce data scientist tant recherché ? C’est un professionnel certes doté de compétences techniques, mais aussi d’une solide curiosité et d’un désir de faire des découvertes dans le monde des big data. Or aujourd’hui, l’offre de programmes formant spécifiquement de tels profils n'est pas large. Il n’y a pas non plus de consensus sur le rôle d’une telle fonction dans l’organisation, ni sur la mesure de sa performance.

Cependant, le rôle pivot de l’Analytics est reconnu. Rappelons-nous le film Moneyball (Le Stratège pour le titre en français), basé sur une histoire vraie, où le personnage joué par Brad Pitt parvient, grâce à l’analyse de données de jeu, à conduire une piètre équipe de base-ball jusqu’à la victoire en championnat national. Là où la qualité des joueurs et les moyens financiers ne suffisaient pas, il a su interpréter les statistiques pour comprendre comment faire jouer son équipe différemment des autres. Celle-ci a gagné grâce à cet avantage compétitif. Ne peut-il pas en être de même pour l’entreprise ?

Le data scientist doit avoir des connaissances mathématiques et statistiques, voire technologiques, mais aussi une expertise de terrain — ce qui est relativement nouveau. Surtout, il doit être malin, voire manipulateur, une sorte d'hacker sur les données... Un statisticien classique travaille souvent sur des jeux de données qui, suite à un traitement préliminaire, sont complètes et nettoyées, tandis qu’un data scientist doit toujours exploiter des données incomplètes et brutes.

Le premier a l'habitude de dresser son analyse et établir un rapport figé, tandis que le second continue à explorer ses données pour identifier de nouveaux phénomènes. Les résultats du premier souvent aident à mesurer la performance du passé, alors que ceux du second ont l'objectif d'aider à prendre des décisions opérationnelles sur les produits stratégiques futurs, et parfois même en temps réel.

Le développement de cette fonction se heurte à un certain nombre d’obstacles dans les organisations. Ainsi, les entreprises ne disposent pas nécessairement des compétences nécessaires, ni des moyens afférents. Toutes n’ont pas une structure organisationnelle adaptée à cette nouvelle approche. D’autres encore souffrent de lacunes technologiques ou d’une absence de soutien de la direction générale.

À mon avis, l’innovation la plus importante, et par conséquent la plus difficile à mettre en œuvre, ne tient ni à la technologie ni à la méthodologie, mais à la culture de l’organisation. L’entreprise ne peut plus se contenter d’investir dans une technique, dans une technologie et dans des données. Le big data l’oblige à opérer une véritable révolution organisationnelle qui implique aussi une collaboration plus étroite avec le monde de la recherche académique précédée par une forte sensibilisation à ces thématiques au niveau du board et de l'équipe dirigeante de l'entreprise.

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