Les chiens font la différence entre les mots et les intonations
Des chercheurs ont montré que le cerveau du chien traite séparément le sens des mots et l'intonation utilisée, une aptitude que l’on pensait peu répandue ailleurs que chez l'homme.
Le meilleur ami de l’homme ne cesse de surprendre. Attila Andics, éthologue à l’université Loránd Eötvös de Budapest, et ses collègues ont montré que le cerveau du chien traite séparément le sens des mots et l'intonation employée. Or ces fonctions font appel, chacune, à un hémisphère différent du cerveau, une aptitude que l’on pensait peu répandue en dehors de l’espèce humaine. Le neurobiologiste Georges Chapouthier nous explique les implications de cette latéralisation des hémisphères cérébraux.
Que savait-on de la compréhension de la parole par les chiens ?
Georges Chapouthier : Une idée très répandue est que les animaux, êtres émotionnels, sont capables de reconnaître les intonations mais pas la signification des mots. Or Attila Andics et son équipe ont montré que les chiens traitent séparément les données sémantiques et les données d’intonation. Ce que nous leur disons est analysé dans l’hémisphère gauche du cerveau alors que la façon dont nous le disons est analysée dans le cortex auditif de l’hémisphère droit.
Comment les chercheurs ont-ils découvert cela ?
G. C. : Les expériences portent sur treize chiens appartenant à quatre lignées différentes. Attila Andics et ses collègues ont utilisé une technique d’imagerie cérébrale, l’IRM fonctionnelle, pour visualiser les régions de leur cerveau activées lors des expériences. Les expérimentateurs disaient soit des mots gentils (« bon chien », « bien joué »...) avec une voix enjouée ou neutre, soit des mots sans aucune signification pour le chien (« pourtant », « ainsi »...) sur le même ton enjoué ou neutre. Lorsque les mots avaient un sens pour le chien, l’hémisphère gauche s’activait, et de même pour l’hémisphère droit lorsque l’intonation exprimait un sentiment.
Quelles sont les implications de cette découverte ?
G. C. : Que la latéralisation hémisphérique est un phénomène beaucoup plus répandu et ancien qu’on ne le croyait. En dehors des primates, nous connaissons très peu d’animaux dont les hémisphères cérébraux ont des fonctions différentes. C’est le cas de certains oiseaux comme l’étourneau, avec le chant, et des rats, pour la perception des hormones. Cette étude suggère donc que la latéralisation des hémisphères est un phénomène qui pourrait être présent dans de nombreux groupes encore non étudiés.
Dans le cas spécifique du langage, on peut penser que la capacité des deux hémisphères à traiter des informations différentes – hémisphère gauche pour les éléments analytiques et hémisphère droit pour les données émotionnelles – remonte au moins à l’ancêtre commun des chiens et des primates (il y a près de 125 millions d’années).
Quelles suites donner à cette étude ?
G. C. : L’expérience gagnerait à être reconduite avec un groupe plus homogène de chiens afin de mieux visualiser quelle région de l’hémisphère gauche s’active pour traiter la parole humaine. En effet, les sujets testés dans cette étude sont assez divers : mâles et femelles, entre 1 et 12 ans, de quatre races différentes. Dans un second temps, il serait intéressant d’étudier d’autres espèces telles que les éléphants, les dauphins, les corbeaux...