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Informatique

"Les supercalculateurs sont aussi importants que les télescopes pour la recherche"

Les supercalculateurs sont des outils incontournables pour la recherche scientifique française. Entretien avec Stéphane Requena, directeur technique et innovation du Grand équipement national de calcul intensif (GENCI).

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L'une des salles de calcul du CEA, qui franchit la barre du pétaflops.

L'une des salles du CEA dédié au calcul intensif grâce à des super-calculateurs.

P. Stroppa / CEA

Les superordinateurs atteignent aujourd'hui des puissances de calcul phénoménales : 93 petaflops pour le plus véloce, localisé en Chine à Wuxi. Le rôle de ces colosses de silicium ? Modéliser et simuler l'évolution des systèmes complexes. En France, les chercheurs ont accès à une infrastructure publique : celle du Grand équipement national de calcul intensif (GENCI), qui atteint grâce à ses 4 équipements nationaux la puissance de calcul cumulée de 14 pétaflops. Deux sont localisés au Très Grand Centre de Calcul (TGCC) du CEA, les autres à l’Institut du développement et des ressources en informatique scientifique (IDRIS) du CNRS à Orsay et enfin au Centre informatique national de l'enseignement supérieur (CINES), à Montpellier.

Sciences et Avenir s'est entretenu avec Stéphane Requena, directeur technique du GENCI, une structure encore trop méconnue mais pourtant essentielle au progrès scientifique du pays. Elle porte de nombreux projets de recherche fondamentale et appliquée, de la cosmologie à l'industrie automobile en passant par le climat (avec le GIEC), la fusion nucléaire ou encore l'aide à la décision en temps réel en situation de crise (séisme d'Aquila en Italie, feux de forêt...).

Le FLOPS, ou floating-point operation per second (nombre d'opérations en virgule flottante par seconde), est une unité de mesure de la vitesse de calcul d'un système informatique. Gigaflops décrit ainsi un milliard d'opérations par secondes, et petaflops, un million de milliards !

"Les supercalculateurs sont aussi importants que les télescopes ou les satellites"

"Le calcul intensif est certainement le domaine où le bond a été le plus grand au cours des dernières décennies", rappelle Stéphane Requena. Des premiers ordinateurs, dans les années 1940, où seules quelques opérations arithmétiques pouvaient être réalisées par seconde, à ces monstres capables de réaliser plusieurs millions de milliards d'opérations par seconde, le calcul intensif a ouvert des possibilités nouvelles."Imaginez : un projet moyen déployé sur nos supercalculateurs prendrait environ 16.000 ans de calcul sur un ordinateur de bureau classique", précise le directeur technique du GENCI. "Autant dire que les supercalculateurs sont des grands instruments de recherche, aussi importants que les télescopes ou les satellites." 

RECHERCHE. Les chercheurs ont accès gratuitement à cet équipement grâce à 2 appels à projets annuels. "Sur les 813 dossiers reçus en 2017, 790 se sont vus allouer des heures de calcul intensif", se réjouit Stéphane Requena. Acteurs publics, privés, tout le monde peut utiliser les équipements du GENCI, à une seule condition : "Les résultats scientifiques doivent ensuite être publiés dans des revues à comité de lecture ou conférences." Et ces supercalculateurs sont un atout indéniable pour la recherche française. Début mars 2018, une étude indépendante évaluait leur impact : 700 articles par an mentionnant le recours au GENCI, articles dont le taux de citation (15,6 par article) est supérieur à la moyenne des articles scientifiques français (11,4). Plus de la moitié de ces publications relèvent de collaborations internationales. 

Joliot-Curie, le futur mastodonte du calcul intensif en France

Au TGCC, le centre de calcul du CEA, un nouveau supercalculateur doit entrer en service en avril 2018. Joliot-Curie sera capable d'atteindre la vitesse de 9 petaflops, contre 1,7 petaflops pour son prédécesseur Curie. Que représente cette vitesse de calcul ? "Imaginez que les 7 milliards d'humains de la planète cessent de manger et de dormir pendant deux semaines pour ne faire que calculer sans s'arrêter : ce supercalculateur atteindra le même résultat en une seconde", précise Stéphane Requena. 

Le calcul intensif, un enjeu souverain pour les États

L'Europe n'est pas en reste : une autre structure dénommée PRACE (pour Partnership for advanced computing in Europe) y existe aussi au niveau international. "La puissance totale, entre les différents centres de calcul européens, est de plus de 100 petaflops, soit 7 fois celle du réseau français", poursuit le directeur technique. La France y contribue largement avec Joliot-Curie. De plus, trois de ses équipements se situent d'ailleurs dans le TOP50 des supercalculateurs les plus puissants du monde, comme le montre la carte ci-dessous.

Supercalculateurs européens situés dans le TOP50

COURSE TECHNOLOGIQUE. Les chiffres semblaient déjà démesurés, mais voici déjà venir l'exascale, autrement dit des nouvelles architectures techniques permettant d'atteindre l'exaflops, soit 1.000 fois un petaflops. "C'est le nouvel Apollo de la compétition scientifique internationale", estime Stéphane Requena. "La Chine devrait atteindre cet objectif en 2019, contre 2021 pour les États-Unis et 2022 pour l'Europe et le Japon. On assiste aujourd'hui à une convergence inédite entre calcul intensif, big data et intelligence artificielle." Et les États ne s'y trompent pas : ces sujets, et donc leurs supports techniques, sont aujourd'hui devenus des sujets stratégiques et souverains. En témoigne l'initiative EuroHPC, qui vise à progresser sur l'exascale, signée en mars 2017 entre la Commission Européenne et 15 pays dont la France. Cette dernière a décidé en janvier 2018 d'investir plus d'un milliard d'euros dans ce projet.

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