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Interview

« Nous allons changer non seulement de métier, mais aussi  plusieurs fois »

Educateur de robot, avocat augmenté, éthicien de l'IA... Dans son récent ouvrage _ « les métiers du futur » publié  aux éditions First _ Isabelle Rouhan, fondatrice de Colibri Talent pour le recrutement de dirigeants, envisage les emplois de demain et livre une vision optimiste d'un futur robotisé offrant l'occasion de se reformer. En revanche, souligne-t-elle, la  responsabilité sociétale et environnementale comme enjeu de pérennité, c'est maintenant !

Il y a une obsolescence accélérée des compétences techniques qui vieillissent beaucoup plus vite qu'auparavant
Il y a une obsolescence accélérée des compétences techniques qui vieillissent beaucoup plus vite qu'auparavant (Mat Beaudet)
Publié le 24 avr. 2019 à 06:02

Vous semblez optimiste quant à un futur robotisé. N'est-ce pourtant pas la promesse de destructions d'emploi massives ?

Le taux de robotisation et le taux de chômage ne sont pas corrélés. Les deux pays les plus robotisés au monde sont le Japon et l'Allemagne, et leurs taux de chômage sont parmi les plus bas, autour de 3 %. L'automatisation, c'est l'occasion de se débarrasser des tâches rébarbatives et de créer de nouveaux métiers. Eurostat estime, qu'à l'horizon 2025, la digitalisation va engendrer au moins deux fois plus de créations d'emplois que de disparitions. Nous allons tous être amené à nous reconvertir et à changer de métier, plusieurs fois au cours de nos vies professionnelles.

Mais comment se forme-t-on à des métiers qui n'existent pas encore ?

Aujourd'hui, il y a une obsolescence accélérée des compétences techniques qui vieillissent beaucoup plus vite qu'auparavant. Si l'on mise tout là-dessus, on devient rapidement obsolète. Il faut donc mettre l'accent sur l'humain avec le développement des compétences de savoir-être, ou des softs skills. Grâce au temps gagné par l'automatisation, s'ouvre la possibilité de se reformer. Il est indispensable de tirer profit de ce gain de temps pour mettre l'accent sur des fonctions de service à la personne ou de gestion client. Par exemple, la profession d'hôte de caisse va être complètement automatisée. C'est l'occasion de remettre des gens au contact des clients dans les rayons pour les orienter vers les produits, apporter un service après-vente cohérent, etc. Pour tous les types de métiers, la partie extrêmement répétitive peut être remplacée, automatisée et robotisée, alors que le contact ou le conseil humain ne va pas disparaître.

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La robotisation et l'intelligence artificielle (IA) tantôt inquiètent tantôt inspirent confiance... Etes-vous plutôt Terminator ou R2D2 ?

Je suis complètement R2D2 (personnage emblématique de la saga cinématographique Star wars, NDLR) ! L'IA peu amener beaucoup de bonnes choses dans nos vies quotidiennes en nous débarrassant des tâches automatisables. L'intérêt de son utilisation est de gagner du temps, de faire progresser la recherche en réalisant de manière accélérée ce qui prenait des années. Cela ouvre beaucoup de potentiel. J'émets cependant une réserve: tout ceci ne fonctionnera que s'il y a des garde-fous et que l'on instaure une véritable réflexion éthique autour de l'IA. Il faut créer une fonction d'éthique qui ne soit pas rattachée au management de la boîte : l'éthicien de l'IA est un des métiers du futur.

Comment envisager la fonction d'éthicien de l'IA ?

L'éthicien de l'IA veille à éviter les bais inconscients qui peuvent se glisser dans les données qui servent à l'apprentissage d'un modèle. Aux Etats-Unis, avec un algorithme de justice prédictive prenant en compte l'heure du verdict et les résultats sportifs,on s'est rendu compte que certains juges avaient tendance à rendre des verdicts plus indulgents après avoir déjeuné ou à l'inverse à être moins cléments à la suite de la défaite sportive de l'équipe qu'ils supportaient... Introduire de l'éthique et de la transparence dans l'IA permet d'identifier puis d'épurer ce genre de biais non souhaitables et a priori inconscients.

Mais de là à systématiquement passer par le recrutement automatisé...

Dans le recrutement du futur, il sera nécessaire de combiner la technologie et l'humain. On peut automatiser une partie du traitement des CV. Il en va d'ailleurs de l'intérêt des candidats, puisque l'on évite ainsi que les CV restent sans réponse, dans une boîte mail. Les solutions techniques permettent de mieux sourcer les candidats en évitant de perdre des candidatures en route. Mais les ressources humaines demeurent avant tout une rencontre et un contact entre le recruteur et le candidat. Les compétences de savoir-être et l'adéquation d'une personne avec la culture de l'entreprise ne peuvent pas s'évaluer par une machine. Un des problèmes des algorithmes, c'est que l'on finit par obtenir les mêmes candidatures plutôt stéréotypées. A titre personnel, je passe beaucoup de temps à recevoir les candidats de façon à identifier ceux qui ne rentreraient pas dans des cases.

Les professions liées à la responsabilité sociétala et environnementale entrent-elles dans la catégorie des métiers du futur ?

La RSE est un enjeu de maintenant. Il s'agit de la pérennité de l'économie et du business. Si l'on ne s'inscrit pas dans une logique RSE, l'entreprise ne peut pas perdurer, et la société tout entière non plus. La préoccupation RSE est clef puisqu'il en va de la vie et de la survie de l'humanité. A partir du moment où l'on en prend conscience, les métiers du futur s'envisagent différemment. Les jeunes générations sont largement concernées par ces problématiques écologiques, comme le témoigne le manifeste pour un réveil écologique signé par plus de 30.000 étudiants de grandes écoles s'engageant à ne pas travailler pour les entreprises les plus polluantes.

Quels métiers pourraient être amenés à disparaître ?

Un des partis pris fort de mon livre a été de classer la blockchain comme un métier en évolution et non pas en révolution ou innovation radicale. Lorsque l'on observe l'impact environnemental de cette technologie-là, on comprend que ce n'est pas une technologie durable. Je suis dubitative quant à la capacité de la blockchain à perdurer dans le temps et à fédérer. Très énergivore, elle pourrait être amenée à disparaître... Dès lors que le problème RSE est plus important que le gain obtenu grâce à la technologie, même avec une technologie absolument géniale, ce n'est pas durable.

Antoine Favier

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