Désintox

Le bricolage anti-intox sur Facebook connaît quelques ratés

Des extensions Chrome promettent de signaler les fausses informations. Mais leur efficacité est sujette à caution.
par Pauline Moullot
publié le 3 décembre 2016 à 14h58
(mis à jour le 3 décembre 2016 à 15h01)

Depuis l'élection de Trump, les mots «fake news» et «post-vérité» sont pratiquement entrés dans le langage courant. Mark Zuckerberg a beau s'être (un peu) amendé en dévoilant un plan de Facebook pour combattre les fausses informations, le réseau social reste en première ligne.

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Pour certains, la question est pourtant simple. Contrairement à ce qu'affirme Zuckerberg, contrôler les fausses informations n'est pas très compliqué. Il suffit de mettre en place un plug-in (une extension) sur son navigateur internet. Deux d'entre eux ont été mis en avant : l'un, Fake News Alert, créé par un journaliste du New York Magazine, qui annonce tout de go dans les colonnes de son journal : «Voici une extension qui signalera les sites de fake news pour vous» et l'autre, B.S Detector (le détecteur de bullshit, «conneries» en français) par un développeur, Daniel Sieradski. Mashable présente son projet : «Facebook ne détecte peut-être pas les fausses infos, mais cette extension Chrome le fera.» Les deux se vantent d'avoir mis au point leurs plug-in en moins d'une heure.

«J'ai fait ça en une heure hier après avoir lu le bullshit de Zuck qui est incapable de signaler les sites de fake news. Evidemment que c'est possible. Il faut juste un peu de volonté pour attaquer ce non sens», écrit le développeur sur le site Product Hunt, où il présente son projet. Leur méthodologie est en effet très simple : les deux plug-in fonctionnent de manière similaire. Ils ont établi une liste de sites connus pour propager des intox, des articles complotistes, ou même des articles de satire pour signaler aux internautes que ces sites ne sont pas «une source d'information fiable». Les listes des sites «non fiables» sont disponibles ici et ici.

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La méthodologie est donc simple, mais interroge aussi sur l'efficacité de tels plug-in. Fake News Alert affiche un bandeau rouge quand on visite un site. Et ne fait pas la différence entre The Onion et Breitbart. Le premier est humoristique et satirique, alors que le second, qui appartient à l'ultra-droitiste Steve Bannon, aujourd'hui conseiller de Trump à la Maison Blanche, a partagé un grand nombre de fakes pendant la campagne.

Un petit test sur B.S Detector montre qu'il a remarqué que ClickHole (une émanation de The Onion, qui joue clairement sur les titres qui «font du clic») est un site satirique. Mais on constate aussi… les limites d'une telle liste. Puisque tout le contenu des sites considérés comme «non-fiables» est automatiquement signalé, des articles vrais se retrouvent affublés d'un bandeau rouge. Ainsi, un article d'Occupy Democrats, un site de gauche qui a publié de nombreux articles faux pendant la campagne, a été signalé. Pas de chance, cette fois il était vrai. Le New York Times a confirmé que 2 000 vétérans comptaient bien protéger des manifestants de la police.

Techcrunch, qui a pointé cette «erreur» du plug-in, remarque : «Cela démontre la possibilité de résultats faussement positifs dans le système de Facebook, où des histoires exactes sont mentionnées avec un avertissement "non fiable".» Reste aussi la question de la censure : «Donc, en substance, tu utilises juste tes propres opinions biaisées pour supprimer la diffusion d'opinions alternatives ? Génie !» ironise un internaute. Aussi bien intentionnées soit-elles a priori, on peut s'attendre à voir ce genre d'initiatives continuer à fleurir, avec leurs limites. Et les questions que cela ne manquera pas de poser.

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