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La mer des Wadden, escale et sanctuaire de millions d’oiseaux en migration

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Vidéo GEO : Environnement : des scientifiques ont estimé la population d’oiseaux sauvages existant à travers le monde

Chaque année, quelque douze millions de volatiles, dont des canards, des échassiers, des sternes ou encore des goélands, font halte dans la mer des Wadden. Ponctué d’îles et de vasières, cet écosystème qui vit au rythme des marées s’étend du Danemark aux Pays-Bas. Reportage au cœur d’un sanctuaire unique en son genre.

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Canards, faucon pèlerin, bécasseaux, une plongée dans le monde aviaire

Par centaines, petites boules de plumes, ils surgissent de l’herbe et volent en nuage vers la berge. D’un même élan, ils se posent sur un môle où campe déjà une colonie de goélands et plongent leur tête brune entre leurs ailes, comme pour reprendre leur sieste. « Ce sont des canards siffleurs, lance Martin Kühn en balayant de ses jumelles l’immensité du ciel. Quelque chose a dû les déranger… Ah oui ! C’est un jeune faucon pèlerin en chasse, on le voit là-bas, à droite, juste au-dessus de l’horizon. » Le ranger du parc national de la mer des Wadden du Schleswig-Holstein (un Land à l’extrémité nord de l’Allemagne) détecte instantanément ce genre de petits drames qui agitent le monde aviaire.

En ce samedi d’octobre, l’homme de 53 ans, veste noir et vert aux couleurs du parc, accompagne un groupe d’ornithologues amateurs sur Hooge, l’une des dix Halligen du district de Frise-du-Nord, des îles ultraplates situées à quelques kilomètres de la côte. Longues-vues à trépied sur l’épaule, visages fouettés par le vent, la petite troupe chemine à travers les prés-salés sillonnés d’étroits canaux. Au loin, l’horizon est parsemé de Warften, des tertres artificiels de quelques mètres où se juchent de solides bâtisses frisonnes, à l’abri des inondations qui submergent régulièrement ces terres à fleur d’eau dépourvues de toute digue de protection.

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Les Pays-Bas construisent cinq nouvelles îles pour la biodiversité

Enfin, dans un champ près d’un petit port, le ranger trouve ce qu’il est venu chercher. Entre des pluviers dorés et des bécasseaux variables, une tête noire dépasse de l’herbe, avec une marque blanche au cou : une bernache cravant. Cette oie est l’une des espèces fétiches de la mer des Wadden, qui baigne le long ruban de côte de la mer du Nord s’étirant sur quelque 450 kilomètres, des Pays-Bas au Danemark. Elle est même honorée ici tous les ans lors d’un festival. « Au printemps, on les observe par milliers, explique Martin Kühn en ajustant sa focale sur la bête. Elles sont alors en chemin pour aller nicher en Sibérie et s’arrêtent ici afin de stocker de la graisse pour le voyage. A l’automne, comme maintenant, elles restent moins longtemps, car elles ont moins de route : elles hiverneront un peu plus bas, dans le sud de l’Europe. » En quelques heures, le ranger a compté sur la petite île une cinquantaine d’espèces différentes, qu’il arrive à reconnaître parfois juste à l’oreille.

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Dans la mer des Wadden, un intense trafic des volatiles

Comme toujours en octobre, le trafic des volatiles est intense dans la mer des Wadden. C’est la période de la migration nord-sud, qui voit passer ici des cohortes d’oiseaux quittant leur zone de nidification de la toundra, où ils couvent leurs œufs, pour rejoindre leur lieu d’hivernage, dans les zones humides côtières de France, de Méditerranée, d’Afrique de l’Ouest ou du Sud. Au printemps, ces voyageurs planétaires parcourront le chemin en sens inverse le long de l’East Atlantic Flyway (le corridor de migration de l’Atlantique Est) et feront à nouveau halte dans les Wadden. Tous les ans, dix à douze millions d’oies, de canards, d’échassiers, de sternes et de goélands font ainsi étape dans ce qui représente l’un des principaux « paradis des oiseaux » d’Europe. Pour eux, les Wadden sont comme une gigantesque aire d’autoroute.

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Le biotope y est marqué par la marée. Lorsque l’eau se retire, elle libère un estran vaseux (wad en néerlandais, qui a donné « Wadden ») d’une ampleur unique au monde, qui s’étend jusqu’à plus de trente kilomètres de la côte. Une sorte de baie du Mont-Saint-Michel taille XXL, formée par des millénaires de sédimentation. Les vasières et prairies sous-marines qui émergent deux fois par jour offrent une incroyable densité de vie, où les oiseaux peuvent s’alimenter en vers, coquillages, crabes, poissons, herbes… Ils s’y arrêtent donc quelques semaines afin de prendre des forces avant leur long voyage. Une partie y passe même l’hiver, ou y niche l’été dans les dunes et les prés-salés. Sous le regard enamouré des ornithologues, qui, tel Martin Kühn, consacrent leur vie à scruter le va-et-vient de ces baroudeurs et à décrypter les messages qu’ils colportent sur l’état de la planète.

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Oiseaux migrateurs : testez vos connaissances

En début d’après-midi, le petit ferry blanc et bleu qui dessert Hooge ramène sur le continent le groupe d’amis de la gent à plumes. La marée est descendante et le MS SeeAdler (« aigle des mers » en allemand) s’engage dans le chenal bordé de bouées qui le mènera au port sans qu’il s’enlise, moteurs poussés pour remonter le courant. D’abord à peine visibles à la surface bleu-gris de l’eau, les vasières commencent à émerger. Des nuées d’oiseaux s’élèvent, quittent la terre ferme où ils se reposaient et traversent le ciel en quête de leur festin. « C’est l’heure, le buffet est ouvert », dit Martin Kühn, debout sur le pont arrière du bateau. Le natif de Berlin, ex-technicien dans la publicité, passionné d’oiseaux depuis l’enfance, s’est reconverti en ranger en 2004. Il semble ne jamais se lasser du ballet des migrateurs ; il enregistre même leurs cris la nuit au-dessus de sa maison, pour ne rien rater de leurs allées et venues. « Leurs mouvements obéissent au rythme de la nature, c’est ce qui me fascine », explique-t-il.

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La pitance n’est pas seule à attirer les oiseaux dans la mer des Wadden. Ils y trouvent aussi une relative quiétude. Près du débarcadère du bateau, juste derrière la digue qui sépare la mer d’un polder, flotte au-dessus d’une maison en briques le drapeau blanc du Verein Jordsand. Cette association naturaliste, l’une des plus anciennes d’Allemagne, a été fondée en 1907 pour protéger les oiseaux de la région. « A l’époque, on les chassait beaucoup, pour leur graisse mais aussi pour leurs plumes, raconte Eric Walter, 39 ans, son responsable pour la Frise-du-Nord. Des ornithologues et commerçants de Hambourg, amoureux de la nature, ont alors acheté une île et payé un garde pour éloigner les chasseurs et les voleurs d’œufs. » L’association qu’ils ont fondée, qui gère aujourd’hui ici une dizaine de zones protégées pour le compte du parc national, fait figure de pionnière.

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Les Ramsar, un enjeu central de protection des zones humides

Longtemps, les Wadden, monde de sable et de vase, ont été considérées comme une aire ingrate, tout juste bonne à être endiguée pour gagner des terres agricoles et se prémunir des inondations marines. Leur valeur écologique ne s’imposa qu’à partir des années 1970. Les endiguements cessèrent, diverses couches de protection furent peu à peu établies : création de treize sites Ramsar, du nom de la convention internationale sur la protection des zones humides, signée par les trois pays concernés, application de la directive Oiseaux de l’Union européenne avec la création de zones protégées au sein du réseau Natura 2000…

En Allemagne, trois parcs nationaux couvrent depuis les années 1980 la portion germanique de la mer, dont celui du Schleswig-Holstein, le plus grand d’Europe continentale hors Russie. « Avec le parc national, on est passé d’une volonté d’exploitation de cette zone à une logique de non-utilisation », se réjouit Eric Walter en arpentant la longue digue rectiligne qui domine un vaste paysage de mer, d’étangs et de champs hérissé au loin de forêts d’éoliennes. La chasse fut interdite, la pêche encadrée, une bonne partie des prés-salés restaurés, des zones entières sanctuarisées… Et des règles de conservation similaires furent instaurées dans le reste des Wadden. Le tableau n’est pas parfait, mais assez satisfaisant pour que toute cette mer côtière soit inscrite en 2009 par l’Unesco sur la liste du patrimoine mondial, notamment pour ses « processus naturels intacts » et son importance pour les migrateurs.

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Depuis quarante ans, la mer des Wadden fait aussi l’objet d’un dispositif original : une coopération entre ses trois pays riverains, avec un « Secrétariat commun » basé dans la ville allemande de Wilhelmshaven. Des groupes de travail trilatéraux planchent sur des sujets comme les espèces invasives, les phoques, le tourisme durable… Et organisent des collectes de données sur toute la zone, dont un recensement régulier et simultané, « à la main », des oiseaux qui la fréquentent.

Un peu au nord de Husum, la petite capitale de la Frise-du-Nord, Klaus Günther conduit son Combi Volkswagen sur la route qui longe la digue délimitant le Beltringharder Koog : cet immense polder est l’un des principaux lieux de repos et de nichage des oiseaux dans la région. L’homme au visage tanné et aux yeux verts est un employé de l’association naturaliste Schutzstation Wattenmeer. Il supervise pour le Secrétariat commun des Wadden le comptage des volatiles sur toute la côte du Schleswig-Holstein, de l’estuaire de l’Elbe à la frontière danoise, et y participe lui-même depuis vingt-cinq ans. L’opération a lieu tous les quinze jours, lorsque la grande marée oblige un maximum d’oiseaux à se replier sur la terre ferme. En quelques heures, Klaus Günther fait une vingtaine d’arrêts autour du polder, balayant de sa longue-vue ses bassins, souvent sans sortir du véhicule. « Comme ça, je gagne du temps et je suis moins exposé au vent », dit-il en souriant, bonnet vissé sur la tête. Dans sa main, un compteur manuel qu’il presse à chaque dizaine d’oiseaux, évaluée « à la louche ». Même si des comptages par drone sont en cours de développement, la méthode artisanale reste, selon lui, la moins chère et la plus efficace. « Elle a une part d’imprécision, mais donne de bons ordres de grandeur, souligne l’ornithologue. Je compte entre 30 000 et 70 000 oiseaux par jour, de cinquante à quatre-vingts espèces. Là, par exemple, 1 250 bernaches nonnettes… » Klaus consigne le chiffre dans son carnet et reprend la route jusqu’à son prochain stop.

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Arrêt pour les « oiseaux de passage », et ceux qui nichent

Le même jour, des dizaines de personnes procèdent à des comptages similaires sur les 200 kilomètres de côte supervisés par Klaus Günther. Parmi elles, beaucoup de jeunes bénévoles des programmes de volontariat de l’Etat allemand, engagés auprès d’associations écologiques. « C’est pareil ailleurs en Allemagne, aux Pays-Bas et au Danemark, avec de petites différences dans la méthode, indique Klaus. Ensuite, nous réunissons les données et obtenons des tendances à la hausse ou à la baisse pour les effectifs de chaque espèce… Cela permet d’avoir une vision large sur l’ensemble de la mer. »

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Deux rapports récents ont synthétisé près de trois décennies de chiffres, de 1987 à 2017. L’un se concentre sur les oiseaux « de passage », qui s’arrêtent ici sur leur route migratoire. L’autre sur ceux qui y nichent, soit environ 400 000 couples, qui font l’objet d’un recensement annuel. Dans les deux cas, malgré l’arsenal de mesures qui protègent la zone, les résultats sont mitigés. Sur trente-quatre espèces étudiées dans le premier rapport, treize voient leurs effectifs en recul (quatorze sont stables et sept progressent) ; dans le second, sur les trente-deux examinées, dix-huit sont en recul (cinq sont stables et neuf progressent). Les causes ? Elles sont multiples, imbriquées, différentes selon les espèces… et plongent les experts dans un océan de spéculations, où se lit toute la complexité du vivant. « Il y a tant de possibilités ! résume Philipp Schwemmer, spécialiste de l’écologie des Wadden au Centre de recherche et de technologie de la petite ville de Büsum, une antenne de l’université de Kiel, la capitale régionale. Les problèmes susceptibles d’affecter les oiseaux peuvent se trouver partout sur la route migratoire, ici ou en Sibérie, en Afrique… Même si nous les connaissons dans l’ensemble, nous ne savons pas toujours lequel prédomine. »

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Parmi ces troubles, le chercheur cite la dégradation des milieux de vie par l’assèchement de prairies à des fins agricoles, la plantation d’arbres sur des zones de nichage ou l’installation d’industries dans le Nord russe. Mais aussi les éventuelles perturbations liées à la pêche, au tourisme, ou aux éoliennes, dont il a fait l’un de ses sujets d’étude. Sans oublier les prédateurs comme le renard, responsable d’hécatombes chez les oiseaux d’eau nichant au sol. Pour les limiter, diverses mesures, allant des clôtures électriques à la surveillance par des chasseurs, ont été mises en place.

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Le changement climatique, responsable de la raréfaction des espèces

Mais l’un des grands fautifs de la raréfaction de certaines espèces est aussi le plus insaisissable : le changement climatique. Partout, il perturbe la cadence millimétrée des migrateurs. Dans la toundra arctique où beaucoup partent nicher, « la fonte de la neige survient plus tôt, et donc aussi l’arrivée de la végétation et des insectes dont les oiseaux se nourrissent, poursuit Philipp Schwemmer. Or ce garde-manger n’est disponible que pour une courte fenêtre de temps, de plus en plus précoce. Si les oiseaux la ratent, ils peuvent avoir du mal à nourrir leurs petits. » Ce « décalage trophique » a fait sa première victime avérée : le bécasseau maubèche, un champion d’endurance capable de voler 4 500 kilomètres d’une traite pour rejoindre le nord de la Sibérie. Ses effectifs, dans les Wadden, sont en baisse. Une étude parue en 2016 dans la revue Science, dirigée par un chercheur néerlandais, apporte une explication : la fonte précoce de la neige dans la péninsule russe de Taïmyr mène à une malnutrition des juvéniles, qui ont ainsi des corps plus petits et des becs plus courts. Cela les handicape pour manger dans les vasières, et réduit leurs chances de survie. Le même phénomène, préviennent les auteurs, pourrait affecter d’autres migrateurs arctiques, comme la bernache cravant ou le bécasseau variable, dont les effectifs sont aussi en recul ici.

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Le réchauffement climatique a un impact sur la taille et l'envergure des oiseaux

Dans quelle mesure les oiseaux sauront-ils résister à ces bouleversements, au stress climatique ? « Cela dépendra des espèces, note Philipp Schwemmer. Certaines s’adapteront mieux que d’autres. » Les chercheurs se penchent depuis peu sur la question, aidés par la technologie. Sur la table de la salle de réunion du centre de recherche, le scientifique a posé de petites boîtes noires munies d’antennes et de bretelles. Ces émetteurs GPS ultralégers, dont on équipe les volatiles comme de mini-sacs à dos, ont révolutionné ces dernières années l’étude des migrations. Ils fournissent des données infiniment plus précises que le vieux système des bagues fixées aux pattes, dont l’efficacité, qui repose sur l’observation humaine, est très aléatoire. Philipp Schwemmer a posé ces GPS sur des courlis, échassiers au long bec recourbé dont il a pu suivre les pérégrinations sur son ordinateur. Dans des études menées en collaboration avec des chercheurs français, il s’est aperçu que ces oiseaux étaient génétiquement programmés pour quitter à date fixe la mer des Wadden pour leur zone de nichage en Russie. Mais aussi qu’ils savaient ajuster cette date de quelques jours s’ils constataient que la végétation était arrivée plus tôt l’année précédente. « Les mécanismes de programmation génétique et de flexibilité cohabitent, note le chercheur, qui a engagé une coopération avec des collègues russes pour recueillir davantage de données sur place. Nous ne savons pas encore lequel des deux va l’emporter, et donc si le changement climatique sera ou non un problème pour l’espèce. »

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Un écosystème fragile et ultra horizontal menacé

Les oiseaux n’ont toutefois pas besoin d’aller jusque dans le Grand Nord pour subir les impacts du dérèglement. Ils les ressentent aussi ici, dans l’écosystème fragile et ultra-horizontal des Wadden. D’ici à la fin du siècle, sans intervention humaine, le niveau de la mer s’y élèvera de cinquante à quatre-vingts centimètres, transformant radicalement le milieu, selon le rapport Stratégie pour la mer des Wadden en 2100, produit par le Schleswig-Holstein. La menace est déjà anticipée par les autorités. A Büsum, tout près de l’institut de Philipp Schwemmer, le Land a par exemple inauguré en 2014 sa toute première « digue climatique », rehaussée et profilée pour faire face aux futurs assauts de la mer.

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Quant aux volatiles, certains s’accommodent de la situation : la bernache nonnette, par exemple, dont les effectifs sont en forte hausse, hiverne plus volontiers ici, où la température est devenue plus clémente. Mais la plupart en souffrent ou en souffriront. Dans le pire scénario, les trois quarts des vasières actuelles seront submergées en permanence dans quelques décennies. « Déjà, on constate que par endroits le temps où elles sont émergées se réduit, et avec lui le temps dont disposent les oiseaux pour s’y alimenter, détaille Philipp Schwemmer. A l’avenir, cela pourrait les affaiblir. »

L’élévation du niveau de l’eau augmente aussi le risque de submersion lors de tempêtes estivales, ravageuses pour certains oiseaux nicheurs. Et son réchauffement affecte le garde-manger des volatiles. Sur l’île de Hooge, le ranger Martin Kühn suit depuis quinze ans la nidification des sternes, de moins en moins nombreuses. Il pèse et mesure les œufs, compte les oisillons… Au fil des ans, à la place des jeunes poissons, comme le hareng, que les parents apportent d’ordinaire à leurs petits, il a vu apparaître à côté des nids des restes d’aliments inhabituels, comme de petits poissons osseux de la famille des syngnathidés. Explication : avec le réchauffement de l’eau, leurs poissons préférés ont changé leurs habitudes. « Ils ne sont plus là au moment où les sternes ont besoin d’eux, dit le ranger. Et comme les oiseaux n’ont plus cet aliment optimal, ils en choisissent d’autres, moins nourrissants. Les oisillons sont en moins bonne condition et moins résistants. On voit bien qu’au fil des ans la mécanique très précise des migrateurs commence à dérailler. » Martin Kühn baisse les yeux vers le sable, un léger tremblement dans la voix. « Je dois dire que ce travail sur les sternes m’a affecté. Investir tant de temps, et constater plusieurs années de suite une mauvaise reproduction… » Quand la nature se dérègle au paradis des oiseaux, même le plus dévoué de leurs serviteurs se sent impuissant.

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➤ Article paru dans le magazine GEO, n°516 de février 2022.

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