Tribunes

Entre Growth Hacking et sérendipité : comment aider la fonction RH à se repenser ? Par Pierre-Emmanuel Branger

Growth Hacking RH digital Pierre Emmanuel Branger Raizers

« La croissance durable d’une organisation ne dépend sur le long terme que d’un seul paramètre : son capital humain. Les efforts de toute organisation devraient donc se concentrer dans sa capacité à attirer, développer et retenir son capital humain », Larry Page, fondateur de Google.

Il y a encore quelques mois, le concept d’ "expérience employé" était à peine connu. Et si en fait, c'était dans le "capital humain" que se trouvait la véritable valeur de l'entreprise ?

Loin d'envisager canapé et babyfoot, clichés assez médiocres assimilés à l'écosystème startup, il s'agit là de comprendre comment ces transformations font évoluer notre manière d'envisager la fonction RH et comment elles l’obligent à muter. Comme le rappelle J. Lamri, CEO de Monkey tie et du Lab RH « Les RH de demain ne se feront pas avec les RH d’aujourd’hui ».

Le monde évolue : 50% des entreprises qui existaient en 2000 ont aujourd’hui disparu. En parallèle, les innovations technologiques changent notre monde sur le plan technique et organisationnel. Ces transformations brutales et disruptives, maintes fois comparées à l’invention de l’imprimerie, ont été largement initiées et accélérées par l’empire industriel qui n’a cessé de se consolider au cours des 10 dernières années : Google. Google est aujourd’hui économiquement plus important que Total, Sanofi, L'Oréal, LVMH, BNP et AXA réunis.

Vie privée ou professionnelle, il semble clair que le monde dans lequel nous évoluons aujourd’hui est sans cesse bousculé et refaçonné par des forces majeures qui opèrent de multiples transformations successives de notre manière de vivre.

"Les codes des RH peinent à évoluer"

On peut retrouver ce phénomène particulièrement disruptif dans tous les domaines de l’entreprise : organisation du travail (disparition du CDI, avènement du freelancing ?), disparition de secteurs d'activité (industrie du disque audio et vidéo…) et de certains métiers puisqu’environ 50% des métiers d’aujourd’hui auront disparu d’ici 5 à 10 ans.

Les Ressources Humaines, quant à elles, ont paradoxalement du mal à faire bouger leurs codes et à être adaptables alors que dans le même temps, ils consacrent une grande partie de leur budget à des formations dans lesquelles la conduite du changement et les concepts de « bienveillance », d’« agilité » et d’ « efficience » ont une place toute particulière. Malgré cela, la plupart des RRH, ont toujours du mal à savoir appréhender ces concepts et à les rendre réellement opérationnels une fois de retour derrière leur poste de travail.

Alors, oui aux fameux post-it magiques qu’on retrouve à chaque formation, oui aux différentes manières de coacher et d’organiser le travail, mais en définitive, quelles répercussions retrouve-t-on concrètement sur la performance long-terme ? Pourquoi ce secteur à part entière, apparu relativement récemment au sein de l’entreprise, a-t-il du mal à évoluer ? Pourquoi « Ressources Humaines » est systématiquement synonyme de « GPEC », de « Plan social » ou encore de « Gestion des paies » ?

Je suis intimement convaincu qu’il faut adopter une démarche fondamentalement transversale et ne plus se limiter à tel ou tel secteur de l’entreprise : et si on faisait du marketing dans les RH ? Et si les écoles de management commençaient à enseigner les RH comme elles le sont vraiment sur le terrain au quotidien, à savoir pas seulement une vulgaire confrontation avec les méchants salariés révoltés, et impossibles à licencier voulant une augmentation toutes les semaines ?

Du Growth Hacking dans les RH : ce cocktail sérendipien agile

A titre personnel, je suis persuadé que le Growth Hacking a un rôle tout particulier à jouer dans ce mouvement. Non, le Growth Hacking n’est pas un terme à la mode qui se définit comme « Le marketing des startups ». Plus encore, je crois qu’il est nécessaire pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, de se doter d’une équipe dédiée spécifiquement à la croissance. Pour rappel, le Growth Hacking peut se définir comme : « a Mix of : Analytics, Content Marketing, Digital Marketing, AB testing, UX, SEO & CRO » (Infographie de @ipfconline) :

 

Cette démarche répond aussi à une double exigence : d’abord être capable de suivre un schéma d’application particulièrement rigoureux : créer une idée, la tester de manière significative, analyser les résultats et en fonction décider de la garder ou non. Et ensuite, de répondre au framework AARRR (Acquisition, Activation, Retention, Referal, Revenue). Alors concrêtement, quel rapport avec les RH ?

Je pense fondamentalement que le Growth Hacking est une arme dont les RH doivent se doter pour repenser leur place dans le nouveau modèle de création de valeur qu’est le numérique.

Je vois cette démarche, comme la possibilité d’optimiser le potentiel des talents présents au sein de l’entreprise.

Le RRH devra être un geek des RH

Les prétendants aux fonctions RH devront à l’avenir savoir utiliser et évoluer avec les meilleurs outils pour dompter la performance long terme. Dans cette perspective, une vision transversale, à la fois technique, analytique et commerciale est nécessaire. Plus encore, il est désormais fondamental de comprendre les collaborateurs ET les clients dans le moindre détail. Quoi de mieux par exemple que l’analyse de l’UX d’un site internet pour mieux comprendre le comportement d’un individu ? En un mot, il semble qu’à l’avenir, seuls les professionnels RH qui maitrisent les codes du numérique pourront avoir un rôle à jouer.

Le Growth Hacking appliqué aux RH

Comme expliqué plus haut, il s’agit ici de lire les RH à la faveur du framework AARRR, cœur de métier du Growth Hacker.

  1. A comme Acquisition (des talents)

Ici, le Growth Hacking peut intervenir à différents niveaux : d’abord, il s’agit d’être fondamentalement agile dans notre process de recrutement et de se positionner où on ne nous attend pas. Pourquoi ne pas organiser par exemple un concours sur Snapchat où le candidat doit se pitcher en 10 secondes ? A savoir que l’agence de pub DDB Oslo a déjà mis en place cette pratique. Il convient donc ici d’être avant tout malin et de toujours tenter d’hacker le processus. Par là même, il faut aussi utiliser les bons outils. Si, à titre personnel, je ne suis pas convaincu par les systèmes de recrutement prédictifs que je trouve déterministes, il faut toutefois nuancer ce propos et tenter d’envisager les outils qui nous permettent d’économiser du temps, de l’argent et d’allouer les ressources où on en a vraiment besoin (comprendre : pas à trier des CV).

  1. A comme Activation et comme « Engagement »

Il s’agit aussi d’utiliser plusieurs stratagèmes pour engager les candidats ou collaborateurs. Certaines solutions permettent, par exemple, de proposer au candidat un feedback immédiat lors de la passation de son test de motivations. Le candidat serait-il donc plus qu’un vulgaire bout de viande qui lance frénétiquement des CV à la mer ?

Aussi, il s’agit d’utiliser par exemple le content marketing pour établir un certain nombre d’artefacts autour desquelles peuvent se réunir les valeurs de l’entreprise. Et si, par exemple, vous écriviez un « bro code » qui rassemble les valeurs et la vision de votre entreprise ?

  1. R comme Retention et comme « Reconnaissance »

Fondamentalement, il s’agit ici d’activer les moteurs de motivation des collaborateurs. Pourquoi se lèvent-ils chaque matin ? Quel sens mettent-ils dans leur entreprise ? Et comment celles-ci le leur rappelle-t-elles quotidiennement ? Il existe un nombre infini solutions permettant de déclencher et encourager le sentiment d’appartenance, de confiance, de fierté envers son entreprise. Il s’agit de faire en sorte que les collaborateurs soient reconnus comme des individus à part entière au sein de l’organisation et que leurs moteurs de motivations soient sans cesse réactivés.

  1. R comme Revenue et comme dans « fin de l’Onboarding »

Concrètement, c’est le moment où le recruté passe réellement à la case « collaborateur ». Il créé de la valeur après s’être imprégné de la vision stratégique, culturelle et du discours commercial de l’entreprise.

  1. R comme Referal et comme « Expérience Collaborateur »

Je vois un peu la recommandation comme le Saint Graal de la fonction RH. En effet, la recommandation est notamment un effet positif collatéral des politiques RH précédemment menées. Si un collaborateur est assez fier pour vanter les mérites de son entreprise, c’est qu’il en est devenu un véritable ambassadeur. Quel intérêt ? Tout simplement, recruter des talents qui sont en parfaite adéquation avec les valeurs, moteurs de motivation et culture de l’entreprise. Une crème de la crème des candidats en quelque sorte. Au diable les CV, recrutons des talents compétents, qui n’ont pas de doute sur leur engagement et avec qui on peut travailler de manière efficiente. C’est donc de retour à l’acquisition que je vais arrêter ma comparaison.

En définitive, le Growth Hacking, plus qu’une arme de recrutement massive, plus qu’un process, est un état d’esprit qui nous permet d’être à la fois plus agile et plus efficient dans notre manière d’envisager des RH numérisés au sein de notre organisation. Loin d’être une révolution extraordinaire, c’est avant tout une manière de questionner les RH, autrement dit de les repenser. A mon sens, c’est une maïeutique à part entière qu’il convient d’utiliser sans modération.

A propos de l'auteur

Pierre-Emmanuel BRANGER est Head of Growth chez Raizers, une plateforme européenne de financement en ligne.

Jeune diplomé de Grenoble Ecole de Management, Pierre-Emmanuel a notamment été formé au sein du Lab RH & Monkey tie en tant que bras droit du CEO. "You can only connect the dots looking backwards" (S. Jobs) : ses expériences à fort caractère tranversal ainsi que les formations qu'il a effectuées (Growth Project, Koudetat...), lui permettent aujourd'hui d'avoir une vision claire et "out of the box" des stratégies et tactiques à adopter qui favorisent la croissance d'une entreprise. 

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