Logement : les propriétaires et les investisseurs dans le viseur
Le gouvernement attaque sur tous les fronts. En plus des HLM, les futurs propriétaires et les investisseurs devraient être mis à la diète.
Le gouvernement Philippe va-t-il en finir avec les aides au logement ? A côté des mesures concernant les HLM confirmées ce mercredi , la menace pèse aussi sur le secteur privé. Les investisseurs qui voudraient réduire leur impôt sur le revenu en devenant propriétaire d’un appartement qu’ils loueront (dispositif Pinel) et les ménages qui prévoient d’acheter leur premier logement grâce au Prêt à taux zéro (PTZ) accordé par l’Etat pour compléter leur apport lors de l’achat d’une première résidence principale feraient bien de se dépêcher. Car ces dispositifs risquent d’être rognés à partir du 1erjanvier. Julien Denormandie, le secrétaire d’Etat à la Cohésion des territoires, a annoncé ce mercredi que le PTZ qui concerne 120.000 ménages serait appliqué « de manière plus ciblée, c’est-à-dire pas de la même manière partout sur le territoire ». Une mauvaise nouvelle pour les promoteurs qui lient directement la reprise de la construction et des ventes de logement à ces avantages fiscaux. Un gage de bonne volonté au contraire, répondent les responsables politiques, puisque les deux dispositifs devaient de toute façon prendre fin au 31 décembre.
Aider là où sont les vrais besoins
Plutôt qu’une diminution du taux de défiscalisation du Pinel, (12%, 18% ou 21 % du montant de l’investissement en fonction de la durée de location) le gouvernement devrait également opter pour un resserrage géographique dans les villes où la demande de logements est réelle et la plus forte. La zone C, composée de villes de moins de 50.000 habitants situées hors des grandes agglomérations dont certaines disposaient d’un agrément dérogatoire - et discutable - accordé par un amendement de la loi de finance 2017, devrait d’abord sortir du dispositif. Suivra la zone B2 un peu moins rurale. Environ 10 % des ventes sont réalisées dans ces deux secteurs. La zone B1 (certaines grandes aggloérations et une partie de la seconde couronne parisienne) pourrait être ciblées ensuite… jusqu’à la suppression totale des aides y compris dans les grandes villes et les zones tendues (zone A et Abis: Paris et 76 communes de son agglomération, la côte d’Azur et le Pays de Gex à la frontière suisse), selon certaines sources. « Avant de les réintroduire, comme à chaque plan de relance », estiment d’autres observateurs.
« Traditionnellement, le coup de rabot donne un coup d’arrêt au marché. Cette mesure aurait sans doute un effet moins négatif. Après tout, le gouvernement donne un bon signal : des investissements plus vertueux pour le territoire et plus sûrs pour les acquéreurs », commente Franck Vignaud, directeur du Laboratoire immobilier, spécialiste de ces marchés. Et surtout à moindre coût pour l’Etat : la Cour des comptes dénonce régulièrement la charge de ces aides ; de l’ordre de 1 milliard d’euros par an, à laquelle s’ajoute le coût des systèmes précédents, 3 milliards au total. Chaque dispositif engage en effet le budget pour de 6 à 9 ans. Alors que le « Scellier » a pris fin en 2013, il pèse encore sur les finances publiques. « Le zonage du Pinel est trop large, l’assiette du PTZ aussi », pense Aurélien Taché, le président du Conseil national de l’habitat.
Comme les baisses annoncées des loyers - et donc des recettes - des HLM, cette diminution des aides à l’achat n’est pas de nature à booster la construction, ni le choc d’offre appelé de ses vœux par le gouvernement. Certains acteurs de la construction seraient pourtant prêts à suivre car même s’ils en profitent, ils estiment malsain ce soutien artificiel au marché qui dure depuis plus de trente ans. Mais pour que sa suppression soit équitable, ils conseillent de revoir de fond en comble la fiscalité de l’immobilier : elle pèse, et lourd, à toutes les étapes - construction, acquisition, détention et revente.
CATHERINE SABBAH