Le 15 janvier 2009, le vol US Airways 1549 se pose en urgence sur le fleuve Hudson, au large de Manhattan. Sains et saufs, les passagers sont évacués sur des canots. À bord d’un ferry, Janis Krums, un jeune entrepreneur américain, prend une photo de la scène et la partage sur Twitter via son smartphone. C’est la première image qui circule de ce sauvetage spectaculaire, avant même celles des télévisions ou des agences de presse. Reprise par tous les médias, elle est l’une des premières manifestations de la réactivité du réseau social.

Depuis trois ans, il a multiplié les démonstrations de sa rapidité à faire circuler des informations portant sur des crises majeures : manifestations en Iran en 2009, séisme en Haïti en 2010, « printemps arabe » en 2011, etc. Et il ne s’écoule pas une semaine sans qu’un tweet ne soit mis sous les projecteurs des médias. Le groupe de restauration rapide Quick a ainsi annoncé la semaine dernière son intention de poursuivre en justice l’un de ses salariés pour avoir dénoncé sur le compte @EquipierQuick les dysfonctionnements d’un fast-food d’Avignon.

Twitter, un réseau social vaste et réactif

Présenté comme une révolution de l’information, Twitter n’était pourtant à l’origine qu’un réseau social extrêmement dépouillé et simple d’utilisation. L’entreprise qui emploie aujourd’hui 900 personnes à travers le monde est née à San Francisco en 2006 de l’envie de deux ingénieurs informaticiens américains, Biz Stone et Jack Dorsey, de savoir en temps réel ce que font leurs amis.

Le principe est simple, mais l’utilisation peut paraître ésotérique au premier abord. Une fois inscrit, l’utilisateur poste sur son compte des messages ou tweets (gazouillis en anglais) n’excédant pas 140 caractères, soit un peu moins long qu’un SMS (160 signes). Chaque membre peut s’abonner à un réseau de contacts dont il souhaite suivre l’actualité.

Si l’accès au profil d’un utilisateur n’est pas restreint – ce qui est le plus souvent le cas –, tous les internautes, qu’ils soient inscrits ou pas, peuvent consulter les messages qui y sont publiés. Il n’est d’ailleurs pas obligatoire de « tweeter » pour rester sur le réseau. C’est ce que font 40 % des utilisateurs, selon Katie Stanton, directrice de la stratégie internationale de Twitter.

Décrié à ses débuts comme un gadget futile et nombriliste, Twitter a tout fait pour mettre en valeur sa richesse : cette masse de petites et grandes nouvelles, de témoignages, de liens Internet, d’humeurs, de photos, etc. « À l’origine, Twitter était un système de sociabilité destiné à des petits groupes, puis en s’élargissant, il a revu ses ambitions à la hausse », relate Dominique Cardon, sociologue au laboratoire des usages d’Orange Labs (1). Plus qu’un réseau social, le site se veut avant tout comme « un réseau d’informations en temps réel ».

D’où la forte présence de professionnels des médias. Même s’il n’est pas aisé de déterminer précisément le profil des membres de Twitter, ce dernier ne demandant aucune donnée précise lors de l’inscription (pas même la date de naissance), des études ont été réalisées en France. « En France, le réseau est dominé par les journalistes et les politiciens, avec un ancrage parisien fort. C’est une sphère publique qui a une affinité forte pour l’actualité la plus chaude mais aussi celle des nouvelles technologies et du Net », estime Bernhard Rieder, sociologue des médias et auteur d’une étude récente sur la question (2). La dernière campagne présidentielle, avec son lot de tweets vengeurs (dont celui de Valérie Trierweiler apportant son soutien au rival politique de Ségolène Royal), a montré l’intérêt porté par la classe politique pour ce médium naturellement friand de petites phrases…

Twitter, un réseau social vaste et réactif

Mais il faut se garder de la considérer comme une agence de presse, car il n’est pas toujours aisé de démêler le vrai du faux sur Twitter. Après le séisme en Haïti, les rares photos du désastre ont été postées sur Twitter. Parmi celles que les agences de photo ont récupérées, l’une d’elles représentait des maisons effondrées lors d’un tremblement de terre en Chine…

Les adolescents semblent aussi de plus en plus friands de ce réseau, délaissant Facebook, qu’ils estiment de plus en plus ringard depuis qu’y ont débarqué parents, cousins et grands-parents. Attirés par les stars de la musique comme Lady Gaga et Justin Bieber (près de 33 millions d’abonnés chacun !), ils retrouvent sur Twitter l’anonymat qu'ils apprécient sur les skyblogs. Ils goûtent également à l’excitation de gagner des « followers » (abonnés à leur profil), mesure étalon de la popularité sur le réseau.

Twitter, un réseau social vaste et réactif

« Les échanges y sont souvent ludiques, volontiers sarcastiques et parfois provocateurs », observe Bernhard Rieder. Ces usages passent souvent par l’utilisation du hashtag (#) qui permet de participer en direct à une conversation collective. La télévision surfe sur ce phénomène qui connaît aussi malheureusement des débordements haineux. Mais le site est aussi le lieu de conversations passionnantes qui donnent « des visions alternatives de l’actualité et des enjeux politiques qui lui sont liés, souligne Bernhard Rieder. Il faut seulement savoir les trouver. »