Comment la Macif a dépoussiéré son organisation digitale

Comment la Macif a dépoussiéré son organisation digitale L'assureur a choisi de fusionner ses directions du digital et des systèmes d'information en octobre dernier. Plus de 500 salariés travaillent désormais ensemble sur des projets digitaux.

A première vue, c'est un open space comme les autres. Un grand espace ouvert avec plusieurs petits bureaux sur roulettes. Mais ce sont les locataires du bureau qui détonnent. Une chief digital officer (CDO), un directeur des systèmes d'information (DSI) et un directeur du digital et des systèmes d'information se partagent l'espace. Cet open space de directeurs est le symbole du changement opéré par la Macif ces derniers mois. A l'automne dernier, l'assureur a fusionné ses deux directions du digital et des systèmes d'information, ce qui concerne 500 salariés. Objectif : être plus rapide et plus efficace dans la réalisation des projets digitaux.

Ce chantier s'inspire d'une expérimentation menée en septembre 2015, quand la Macif s'est attelée à une refonte complète de son site web. Le groupe a mis en place un groupe composé des équipes digitales et IT, bien distinctes à l'époque. "Cela a très bien fonctionné opérationnellement parlant. Les développeurs IT comprenaient où on voulait aller, ils étaient impliqués à fond dans le projet alors qu'habituellement ils recevaient des cahiers des charges dans leur coin. Au-delà d'une bonne organisation, cela a aussi permis d'être plus performant au niveau du business. On a multiplié entre deux et cinq le tunnel de conversion et augmenté significativement le trafic", indique Juliette Bron, CDO de la Macif.

Juliette Bron, chief digital officer de la Macif. © Pascal Dolémieux

Quand le directeur général de l'assureur a demandé l'été dernier aux équipes digitales et informatiques de réfléchir à une nouvelle organisation pour accélérer la transformation digitale du groupe, la réponse était toute trouvée. Les dirigeants concernés ont créé une trentaine de "lignes" spécifiques composées chacune entre 10 et 30 salariés. Par exemple, on retrouve une ligne phygital, une ligne BtoC application, une ligne BtoB espace salariés... "A la tête de ces lignes, on a un ensemble de personnes qui décide comment organiser au mieux la vie de la ligne, sa gouvernance. Chaque ligne est très autonome et pluridisciplinaire. Pour assurer de la cohérence, chaque ligne produit une roadmap pour expliquer ce qu'elle va faire, sur quoi elle va investir… ", résume Pierre de Barochez, DSI de la Macif. Les 500 salariés ont d'ailleurs été formés au lean start-up et à l'expérience utilisateur à l'Ecole de l'image Gobelins à Paris. "Avant, on était organisé en filières d'expertise. Aujourd'hui, les équipes pluridisciplinaires sont en charge du produit de bout en bout. On n'est plus en mode projet avec un début et une fin mais en mode expérimental. On optimise en continu", explique Juliette Bron.

Le mille-feuille hiérarchique propre aux grands groupes a aussi été diminué. Il ne reste que deux niveaux : le manager et la direction du digital et des SI. "On a aplati l'organigramme pour avoir plus de proximité avec les équipes. Les responsables de lignes sont dans une logique d'intrapreneuriat puisqu'ils pilotent leurs produits comme une start-up", explique la CDO. Les comités internes tels que le comité d'architecture ou le comité d'engagement ont été supprimés. "On a conservé les comités projets. On fait le pari de l'intelligence collective. Nous voulons que les équipes fassent leurs propositions", souligne Pierre de Barochez.

En parallèle de la fusion, les deux dirigeants ont créé un lab pour accélérer le nombre d'expérimentations. "L'idée est de se mettre dans des modes de test & learn, de sélectionner et d'industrialiser ce qui marche. On a pu réaliser des applications basées sur l'intelligence artificielle et on va rapidement les industrialiser", avance le DSI, sans en dire plus sur le contenu des projets.  

Confusion entre autonomie et indépendance

Certains projets menés via cette nouvelle organisation ont déjà vu le jour. C'est le cas de la nouvelle déclaration de sinistre qui se fait en quelques clics sur le site de la Macif. "On avait depuis longtemps dans les cartons l'idée de le faire mais c'est un sujet qui avait du mal à accoucher car il était à la frontière de l'expérience utilisateur et du métier. On a donc mis en place une équipe pluridisciplinaire composée de personnes du digital, IT et métiers en leur donnant l'objectif de sortir quelque chose en 300 jours", se souvient Pierre de Barochez. L'outil a été livré en temps. Autre projet réalisé sur ce modèle : "Mon assistant Macif". Cette application aide les jeunes à bien organiser leur déménagement (les contrats à résilier, la liste des aides au logement, les réductions sur la location d'un camion…). "L'équipe a été excubée (elle avait gagné un challenge interne, ndlr) pendant trois mois. Elle a été aidée par des experts. Ensemble, ils ont travaillé de façon quasi autonome", raconte Juliette Bron. L'application est sortie le 2 juillet 2017. "Le projet continue de vivre car on va le faire évoluer. Nous comptons aussi nous attaquer à des projets encore plus gros. Notre objectif est de réduire ces gros monstres, les découper en plus petits projets pour être plus réactifs", ajoute la CDO.

Pierre de Barochez, directeur des systèmes d'information de la Macif. © Valérie Jacob

Ces premiers succès n'ont pas été menés sans écueils. "Il y a eu des craintes. Certains se sont demandés si le digital n'allait pas se faire manger par l'IT et inversement. Il y a encore quelques ajustements à faire car on a voulu cette organisation la plus agile possible. On apprend en marchant", relate Juliette Bron. "La plus grosse difficulté rencontrée est liée au côté "autonomie". Certains ont compris autonomie au sens d'indépendance. On est autonome au sein du collectif. Dans une entreprise, on ne peut pas faire n'importe quoi. On a dû réajuster assez rapidement", ajoute-t-elle. Dernière mise à niveau, la fin de la spécialisation. "Mettre en place des équipes pluridisciplinaires est un changement très fort car pendant des années, on a beaucoup spécialisé les équipes. Aujourd'hui, on remet en avant le fait de contribuer à un résultat avant de se spécialiser dans quelque chose", précise le DSI.

Les bénéfices de cette organisation seront doubles en 2018. Tout d'abord, le premier budget pour 2018 a été préparé en commun. "Tous les projets seront menés de cette manière d'ici mi-fin 2018, le temps d'épurer tous les projets en cours", explique Juliette Bron. "En ce moment, on fait un point d'étape sur ce qui fonctionne, ce qui peut être optimisé. On a fait un bilan, on a donné la parole aux 500 collaborateurs pour nous dire tout ce qu'ils ont sur le cœur", ajoute-t-elle. Le modèle pourrait se  répandre. Selon les deux dirigeants, d'autres grands groupes français seraient intéressés par reproduire leur organisation.