Metropolitan Opera de New York : Renée Fleming dit adieu au Chevalier à la rose de Strauss

- Publié le 19 avril 2017 à 17:18
Renée Fleming chante sa dernière Maréchale, dans un spectacle très réussi de Robert Carsen et entourée d'excellents partenaires. Clou de la saison new-yorkaise, cette production sera retransmise en direct dans les cinémas le 13 mai.

Robert Carsen avait une revanche à prendre avec Le Chevalier à la rose : sa production salzbourgeoise de 2004 était loin de faire l’unanimité. Alors il a revu sa copie, sans se renier. L’action est toujours transposée à l’époque de la création, juste avant la Grande Guerre : sous les ors des palais viennois, on entend les bruits de bottes. Ochs et sa clique sont des militaires, Faninal sans doute un marchand d’armes, puisque deux splendides canons trônent dans son salon, orné d’une frise néo-grecque représentant des combattants.

L’acte III se passe dans un lupanar de luxe où la soldatesque vient se défouler, et où un tenancier trans-genre joue les mères maquerelles. A la fin, le décor s’ouvre pour laisser paraître la troupe en marche, qui tombe sous la mitraille. Aux renoncements de la Maréchale, fait écho un adieu au monde d’avant, dont le Rosenkavalier est un des ultimes emblèmes. Le coup de maître, c’est que cette donnée belliqueuse n’empêche nullement le vaudeville d’être prestement troussé, avec force détails spirituels et un sens esthétique indéniable qui passe autant par les décors de Paul Steinberg que par les costumes de Brigitte Reiffenstuel.

Il est un autre adieu au cœur de ce spectacle, celui qu’adresse Renée Fleming à la Maréchale, peut-être le rôle d’une vie. La voix a certes perdu un rien d’ampleur et d’onction, mais le timbre est toujours aussi délectable, comme ce naturel sophistiqué qui a partout rendu l’incarnation irremplaçable – et à ce jour irremplacée. Elina Garanca, qu’on n’a jamais entendue aussi libre et épanouie, offre à la diva américaine la réplique d’un Octavian grand luxe, lové dans un mezzo au moelleux prodigieux, accomplissant avec d’impeccables grâces androgynes les travestissements du personnage.

Comme à Salzbourg il y a deux étés, Günther Groissböck met la salle à ses pieds, Ochs éclatant de saine jeunesse et confirmant un don comique aussi hénaurme que ses graves attributs vocaux. La Sophie d’Erin Morley est un peu fluette, mais tout à fait charmante, avec un éclat de cristal sur la voix. Et le Faninal de Markus Brück allie présence et prestance à un baryton percutant.

Un soupçon de poésie par-ci, de sensualité par-là, rendrait la direction de Sebastian Weigle absolument parfaite. Gagné par l’ivresse de la valse, le geste est cependant d’une efficacité redoutable, ne laissant pas un instant retomber la tension, faisant pétiller toute une comédie de timbres et de textures. Au final, voilà donc une somme de qualités assez inespérée, de nos jours, pour le plus populaire des opéras de Strauss.

Le Chevalier à la rose de Strauss. New York, Metropolitan Opera, le 17 avril.

En direct dans les cinémas le 13 mai, réservations et liste des salles sur www.pathelive.com

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