Emploi : une insertion plus chaotique pour des jeunes plus diplômés

Chômage élevé, pression sur les salaires, moins de perspectives de carrière... les chercheurs du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq) dressent un tableau sombre de l'insertion professionnelle des jeunes diplômés. Dans leur étude, ils expliquent notamment que les diplômés d'un bac +5 de la génération 2010 sont bien moins payés en moyenne (environ 300 euros de moins) que ceux de la génération 1998 et 2004 après sept ans de vie active.
Grégoire Normand

L'insertion professionnelle des nouveaux entrants sur le marché du travail français se complique sérieusement. Selon un bulletin de recherche du Cereq publié ce mardi 22 octobre, les diplômés de la génération 2010 ont connu une entrée sur le marché de l'emploi beaucoup plus chaotique que ceux des générations 2004 et 1998.

Lire aussi : Pour les jeunes, l'accès à l'emploi reste un calvaire

La grande crise de 2008 et le ralentissement brutal des économies dans la zone euro ont multiplié les obstacles pour les jeunes dans leur intégration professionnelle. En outre, les réformes structurelles du marché du travail menées par les différents gouvernements depuis une vingtaine d'années ont contribué à durcir les conditions d'accès des jeunes à l'emploi malgré des générations toujours plus diplômées. Les chercheurs dressent un constat amer pour les différentes catégories de diplômés.

"Contraints à vivre des débuts de vie active dans une conjoncture difficile, où le diplôme semble de plus en plus nécessaire mais de moins en moins valorisé, les jeunes sans diplôme et diplômé·es du secondaire de la génération 2010 se voient toujours plus exclu·es de l'emploi, et plus exposé·es au chômage et à la précarité. Dans le même temps, les jeunes diplômé·es de l'enseignement supérieur, de plus en plus nombreux·ses, voient baisser leurs chances d'accéder au statut de cadre et de bénéficier d'une rémunération que leur niveau d'étude semblait justifier pour les générations précédentes".

Les non-diplômés les plus touchés

L'examen des trajectoires des différentes générations met en évidence des disparités criantes. Au bout de 7 ans de vie professionnelle, le temps passé en moyenne en emploi a baissé de 65% à 46% pour la génération de non-diplômés de 1998 et celle de 2010. Pour les titulaires d'un CAP ou d'un BEP, la chute est également marquée passant de 78% à 67%.

En revanche, pour les titulaires d'un master 2, le taux est stable entre les deux cohortes, à 87%. Ces difficultés sont également visibles pour les jeunes occupant un emploi à durée indéterminée (EDI). Au bout de 7 ans, les non-diplômés de 1998 interrogés en 2005 étaient 72% à être dans une situation professionnelle relativement stable contre 56% pour la génération de 2010. Les auteurs de la note soulignent également une baisse de 6 points pour les diplômés d'un bac +5 entre les deux groupes interrogés.

"Ces constats traduisent des risques croissants de mise à l'écart de l'emploi des moins qualifié·es, et particulièrement de ceux·celles dépourvu·es de diplôme au sein d'une population de plus en plus diplômée. Mais dans le même temps, le marché du travail évolue et les conditions d'emploi offertes aux diplômé·es du supérieur se détériorent également à leur façon", explique le centre de recherches.

Une progression des salaires freinée

L'autre indicateur qui traduit les difficultés des plus jeunes générations est la progression des salaires. Pour la génération 1998, le salaire médian a progressé de 38% entre la première fiche de paie et celle du dernier emploi occupé. Il est passé de 1.090 euros à 1.500 euros sur les sept premières années de vie active. Évidemment, il existe des écarts entre les niveaux de diplômés. Ainsi, pour les titulaires d'un bac professionnel, la hausse est de 34%, passant de 1.045 euros à 1.405 euros. Pour les titulaires d'un master 2 de la génération de 98, l'augmentation est de 54% pour passer de 1.530 euros à 2.355 euros au bout de 7 ans.

Concernant la génération 2010, les chiffres sont beaucoup moins flatteurs. En moyenne, le salaire médian a progressé de 19% entre le premier salaire et le dernier salaire déclaré. Pour les titulaires d'un CAP ou d'un BEP, la hausse n'est que de 19% contre 23% pour les bac +5. L'étude montre également une forte dévalorisation des diplômés du supérieur au niveau salarial. Les salaires des BAC +5 de la génération 2010 sont bien inférieurs à ceux de la génération 1998 après six ans d'expérience cumulée.

Une double crise

Parmi les facteurs avancés par les chercheurs figurent la récession de 2008 et la crise des dettes souveraines en zone euro en 2012. L'embellie qui a suivi "n'a pas permis un rattrapage des niveaux d'avant la crise financière de 2008 et n'a pas redynamisé l'emploi". Ce marasme économique "a pesé sur les possibilités et le rythme d'accès à l'emploi des jeunes de la génération 2010, ralentissant leur intégration professionnelle et les exposant davantage au chômage en début de vie active que leurs aîné·es des génération 2004 et, plus encore, 1998", soulignent les auteurs du document.

Résultat, le chômage des jeunes a explosé dans les années post-crise. En 2018, le taux de chômage au sens du bureau international du travail était de 20,8% pour les 15-24 ans, soit un niveau toujours supérieur à celui de 2008 selon de récents chiffres de l'Insee. Il est surtout bien supérieur à celui des 25-49 ans (8,5%) et celui des plus de 50 ans (6,4%).

Lire aussi : Chômage des jeunes : une situation toujours préoccupante

"Le niveau du taux de chômage des jeunes, beaucoup plus élevé que celui de leurs aînés, traduit en partie la spécificité des moins de 25 ans sur le marché du travail : un grand nombre d'entre eux poursuivent des études sans travailler à côté et ne sont sont pas comptés dans la population active", précisent les économistes de l'Insee. "Ainsi, la part des chômeurs dans la population totale des 15-24 ans est bien inférieure au taux de chômage des jeunes : elle s'établit à 7,8% en 2018".

Des réformes structurelles pointées par les chercheurs

Si la majorité (88%) de population active française occupée est en contrat à durée indéterminée (CDI), une grande part des embauches se fait sur des contrats à durée limitée. Selon de récents chiffres du ministère du Travail, la part des CDD dans les flux d'embauches est passée de 76 % en 1993 à 87 % en 2017.

Cette évolution s'est accompagnée d'une montée en puissance des contrats de très courte durée. Pour le Cereq, "cette nouvelle 'norme' de recrutement n'est pas sans effets sur les possibilités effectives de stabilisation à moyen terme des jeunes dans l'emploi. Elle peut constituer pour certain·es un tremplin vers une carrière, mais pour d'autres une trappe à précarité". L'une des conséquence de telles pratiques est que les évolutions professionnelles sur le plan des salaires ou celui des carrières sont beaucoup moins favorables qu'auparavant.

Grégoire Normand
Commentaires 20
à écrit le 27/10/2019 à 11:05
Signaler
Nous arrivons à un stade où, avec les mouvements sociaux qui se mettent en place partout à la fois, nous aurons 2 possibilités pour l'avenir, une fenêtre s'ouvre et les solutions sont simples : - quitter pour de bon le système capitaliste pour une é...

à écrit le 24/10/2019 à 15:27
Signaler
Je suis intéressé.

à écrit le 24/10/2019 à 9:24
Signaler
Le néolibéralisme tire tout le monde vers le bas avec ses tarifs de plus en plus élevés pour des prestations de plus en plus chères ils veulent des gens de plus en plus diplômes payés de moins en moins chers. Mais bon sang ils font quoi de tout c...

le 24/10/2019 à 19:32
Signaler
Ils assèchent pour soumettre. Si sur le haut de la pyramide il y a tant d'argent, c'est aussi le pouvoir économique qui prend le pouvoir sur le politique, donc le citoyen. Actuellement ce qui est intéressant dans le média télévisuel, c'est l'infor...

le 25/10/2019 à 14:10
Signaler
Ce que vous dites est faux, les jeunes diplômés BAC +5 sont au contraire de mieux en mieux payés car il n'y a pas de chômage dans l'encadrement. Ceux qui souffrent sont les moins diplômés au contraire. Mais c'est vrai que ça ne va pas dans le sens ...

à écrit le 23/10/2019 à 22:59
Signaler
Pourquoi, ce n'était pas dans le sens de l'économie depuis l'an 2000? a partir du moment ou toutes les technologies qui auraient du être ici, mais dont l'idéologie de l'entreprise sans usine a mis en place des gestionnaires au moment de mettre des vi...

à écrit le 23/10/2019 à 22:35
Signaler
Au final : Il faut cravacher ceux qui bossent ! - `Total des heures travaillées par habitant en 2017: Corée du Sud: 1048, États-Unis 830, Union Européenne 751, Allemagne 728, France...634!!

le 24/10/2019 à 6:35
Signaler
Dire que les Coréens bossent beaucoup, c'est une chose, disons qu'ils sont très présents sur leur lieu de travail. Je ne suis pas certain que leur productivité horaire soit extraordinaire.

à écrit le 23/10/2019 à 17:12
Signaler
j'ai eu la meme info y a 15 jours concernant les sup de co cela dit, on parle de diplome, ok mais parmi les diplomés, y a ceux qui valent quelque chose, et ceux qui ont une foret de platanes dans la main ( curieusement c'est souvent la premiere ca...

le 23/10/2019 à 18:11
Signaler
Depuis plus de 30 ans le discours consiste à dire "les diplomes sont un passeport pour l'emploi" en se gardant de préciser qu'ils sont nécessaires , voir indispensables … mais pas suffisants … reste le plus difficile , convaincre les recruteurs et là...

à écrit le 23/10/2019 à 17:09
Signaler
Consternant, du premier au dernier mot pas une seule note d'optimiste !!!

à écrit le 23/10/2019 à 15:22
Signaler
"Ces difficultés sont également visibles pour les jeunes occupant un emploi à durée indéterminée (EDI)". EDI , c'est nouveau ?

à écrit le 23/10/2019 à 15:14
Signaler
Vous vous rendez compte que le premier plan Barre pour l'emploi des jeunes c'etait en 1977, il y a 42 ans. Depuis a part le rallongement les etudes, pas grand choses ont changées.

à écrit le 23/10/2019 à 15:04
Signaler
Normal depuis 30 à 40 ( ou plus , le temps qu’on se réveille ...) les Élites ont rempli «  les classes scientifiques et informatiques ( recherche et sciences «  qui donnent naissance au start upiens. ( enfants des Élus et autres gratins du pays )D’au...

le 24/10/2019 à 1:51
Signaler
Amusant. Ou consternant... Le principe du start-upien, c'est qu'ils ne sont héritiers de rien justement... Reprocher aux doués leur douance n'amène rien de bon... Il ne faut pas confondre créateur et gestionnaire, ces derniers ne sont et ne seront ...

le 25/10/2019 à 4:11
Signaler
Votre commentaire est un pavé de bêtises. La génération d'avant est celle qui a fait naître les grandes entreprises du numérique : Apple, Google, Microsoft, Amazon, Netflix, ... De plus, vous indiquez que les gestionnaires ne créent pas d'emplois...

le 25/10/2019 à 4:15
Signaler
D'ailleurs, vous dites que nombre de start uppers ne sont pas héritiers... Ce qui est faut, bon nombre sont des gosses de riches. Et au passage, la start-up n'est pas née avec le numérique. Une startup est une entreprise petite mais innovante. Ç...

à écrit le 23/10/2019 à 14:51
Signaler
Et oui, voilà qui devrait interroger les partisans de la décroissance. Une seule année de grosse décroissance (-3% en 2009 pour rappel, et aussi -4,2% UK et -5,6% Allemagne), et c'est toute une génération qui morfle. On pourra le tourner dans tous le...

à écrit le 23/10/2019 à 14:09
Signaler
penible cette ecriture inclusive … on se doute bien que les diplomés sont aussi les femmes, pas que les hommes

le 23/10/2019 à 18:04
Signaler
Tout à fait de votre avis. C'est d'un stupide à pleurer. Il y en a qui sont vraiment complexés.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.