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Diaspora - Parution

Un ouvrage fondateur : « L’Album de la colonie syro-libanaise au Brésil »

La couverture de l’ouvrage. Photo fournie par Naji Farah

Un livre de 580 pages, publié en 1948 en portugais à São Paulo par Salomão Jorge et réédité récemment, est une source foisonnante de petites histoires sur la communauté arabe arrivée à la fin du XIXe siècle au Brésil.Quel regard portaient à l'époque les premiers immigrants libanais et arabes sur eux-mêmes et sur le nouveau pays qui les accueillait? Quelles étaient leurs préoccupations? L'Album de la colonie syro-libanaise au Brésil permet de découvrir quelques aspects mettant en évidence la forte volonté de ces nouveaux immigrants, qui se sont tellement bien positionnés dans leur nouvelle société qu'ils comptent parmi les responsables politiques de leur pays d'adoption, à l'instar de l'actuel président du Brésil, Michel Temer, d'origine
libanaise.
Il serait aussi intéressant de pénétrer dans l'univers de ce livre passionnant alors même que São Paulo s'apprête à recevoir, les 27 et 28 novembre prochain, des congressistes de toute l'Amérique latine d'ascendance libanaise, se réunissant pour dynamiser les relations au sein de leur propre continent en vue d'un soutien plus efficace au pays du Cèdre.

« Et si un douloureux désastre... »
« L'œuvre fondatrice de Nami Jafet ne disparut pas avec sa mort. Cet écrivain libanais, connu dans son pays d'adoption, légua à ses fils la fibre inébranlable qui a caractérisé son œuvre, son amour pour le travail, son tempérament face aux vicissitudes et, surtout, sa grande confiance dans les possibilités qu'offre la terre. Le père leur a donné, avec le sang d'une ascendance privilégiée, le bonheur d'une nouvelle patrie, opulente de richesses spirituelles et matérielles. Et la réalisation de ces jeunes Brésiliens constitue un orgueil pour le peuple d'où ils tirent leur origine... »Dans ce chapitre, l'auteur Salomão Jorge critique vivement les grandes puissances pour leur intervention en Syrie et au Liban. Il rappelle le «mémorable discours» d'Alphonse de Lamartine, prononcé le 16 juin 1846 devant la Chambre française des députés, soit 14 ans avant l'entrée des troupes de Napoléon III à Beyrouth en août 1860 pour mettre fin à la guerre civile qui y avait éclaté en 1845. « La veille, le sénateur Malfil, lors de la réunion de la Chambre française, accusait déjà, en termes sévères, la France de ne pas avoir rendu à ce pays du Levant son indépendance», écrit-il.
Lamartine, s'adressant aux députés français, «a combattu la politique brisée des puissances étrangères en Syrie, a combattu la propre politique française qui, selon lui, a induit le chef libanais à commettre une grande erreur, celle de se prononcer en faveur du responsable militaire (ottoman) Ibrahim Pacha». Lamartine reconnaissait déjà que, en ce temps, «les druzes et les maronites formaient une splendide unité, une alliance magnifique, perturbée ensuite par l'anarchie systématique des gouvernements impérialistes» dont la conséquence fut la guerre civile durant laquelle les «populations furent massacrées».
Lamartine, «le merveilleux poète et tribun», poursuivit: « Et si un douloureux désastre venait à se dérouler en Syrie, à cause de notre faiblesse, si cette nation chrétienne, qui est pour nous comme une autre nationalité, comme une autre religion, comme une autre patrie en Orient, se perdait dans l'anarchie qui y a été provoquée, que la responsabilité tombe sur les ayants droit, que le cri de sang de ce peuple disparu ne tombe pas sur la France, mais qu'il tombe tout entier sur son gouvernement!»

L'influence arabe
Dans ce texte très documenté, l'auteur Gilberto Freyre cite le livre de Nicolas J. Debbané publié au Caire en 1911 sous le titre L'influence arabe dans la formation historique, la littérature et la civilisation du peuple brésilien. «Pour le Brésil, il est probable que vinrent, parmi les premiers qui l'ont peuplé, de nombreux individus d'origine maure et mozarabe, aux côtés des nouveaux chrétiens et des anciens Portugais», selon lui. Debbané suppose que «ce sont eux les principaux colonisateurs du Brésil: de l'an 1550 à l'an 1600, les premiers colons appartiennent à l'Espagne et au Portugal méridional, c'est-à-dire à la partie fortement orientalisée et arabisée de l'Espagne et du Portugal... Ce n'étaient pas en effet les Espagnols ni les Portugais du Nord descendant des Visigoths qui émigraient en Amérique; ceux-ci étaient les triomphateurs, les vainqueurs des guerres livrées contre des populations arabisées du sud de la péninsule Ibérique».

Un livre de 580 pages, publié en 1948 en portugais à São Paulo par Salomão Jorge et réédité récemment, est une source foisonnante de petites histoires sur la communauté arabe arrivée à la fin du XIXe siècle au Brésil.Quel regard portaient à l'époque les premiers immigrants libanais et arabes sur eux-mêmes et sur le nouveau pays qui les accueillait? Quelles étaient leurs...