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L’arsenal déployé par Monsanto contre ses détracteurs, y compris des journalistes

Qualifiée d’« emmerdeuse » dans des échanges de mails internes, Carey Gillam raconte au « Guardian » comment la multinationale a tenté de détruire sa réputation.

Publié le 12 août 2019 à 15h24, modifié le 12 août 2019 à 21h15 Temps de Lecture 3 min.

Carey Gillam avec Dewayne Johnson, le jardinier américain qui a attaqué Monsanto en justice.

Pour ce qui est de cibler ses opposants, Monsanto n’en est pas à son premier fait d’armes. En mai dernier, Le Monde et France 2 avaient révélé des documents internes démontrant que la firme fichait des centaines de personnalités en fonction de leur position sur le glyphosate et de leur propension à être influencés. Dans la foulée et à la suite d’une plainte du Monde, le parquet de Paris avait ouvert une enquête préliminaire notamment pour « collecte de données personnelles par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite » et « enregistrement de données à caractère personnel sensible sans l’accord de l’intéressé et transfert illicite de données à caractère personnel ».

Notre analyse du « fichier Monsanto » : Article réservé à nos abonnés des dizaines de personnalités classées illégalement selon leur position sur le glyphosate

Le glyphosate, un herbicide classé « probablement cancérogène » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) depuis 2015, fait l’objet de nombreuses critiques. Mais le géant américain des phytosanitaires, racheté par le groupe allemand Bayer, nie ses impacts, tant sur l’environnement que sur la santé humaine.

Vendredi 9 août, Carey Gillam, ancienne journaliste de l’agence de presse américaine Reuters et aujourd’hui directrice de recherche pour l’association US Right to Know, affirme dans The Guardian avoir reçu « une cinquantaine de pages de documentation interne de Monsanto dans lesquelles la compagnie planifie des attaques envers [elle] et [sa] réputation ». Monsanto y prévoit notamment de payer pour faire remonter certains de ses contenus pro-glyphosate pour les associer à Mme Gillam quand on tape son nom sur les moteurs de recherche.

Campagne de critiques en ligne

Mais l’attaque la plus massive a été déployée à l’encontre de son livre Whitewash (« blanchiment »), dans lequel Carey Gillam épluche les correspondances entre l’Agence américaine de protection de l’environnement et Monsanto – des échanges qui donneront lieu au scandale des « Monsanto papers », du nom des quelque 250 pages de correspondance interne de la firme déclassifiées par la justice fédérale américaine en mars 2017. Dans cet ouvrage, sorti en octobre 2017 et qui a gagné le prix Rachel-Carson (remis à des femmes pour leur implication dans la protection de l’environnement), la journaliste accuse le glyphosate d’être dangereux et l’entreprise d’avoir tenté de dissimuler la vérité.

Premier volet de notre enquête sur les « Monsanto papers » : Article réservé à nos abonnés la guerre du géant des pesticides contre la science

Carey Gillam assure au Guardian que Monsanto a fait appel à une entreprise tierce, FTI Consulting, pour que des commentaires négatifs soient postés sous son livre sur Amazon. « Peu de temps après la publication du livre, des dizaines de lecteurs ont soudainement mis une seule étoile au livre, utilisant un langage étrangement similaire. Ces efforts n’ont pas été très fructueux car Amazon a supprimé de nombreuses critiques jugées fausses ou inappropriées. »

Le nom de code du plan d’action, « projet épicéa », est régulièrement utilisé par Monsanto quand il s’agit de protéger le glyphosate contre les critiques. Le géant américain des phytosanitaires a mis en place des « stratégies multicouches visant à former et à contrôler le public à propos des produits herbicides Roundup, les plus vendus de Monsanto », explique Mme Gillam.

« Nous continuons à faire fortement pression sur ses éditeurs »

La journaliste a aussi témoigné des pressions de la multinationale sur l’agence de presse américaine Reuters, où elle a travaillé pendant dix-sept ans. Carey Gillam témoigne :

« La société était pleinement satisfaite des histoires mettant en avant ses nouveaux produits, la démocratisation de sa technologie de semences ou de ses derniers efforts d’expansion. Mais si mon article citait une personne critique vis-à-vis de la société ou des recherches scientifiques que Monsanto ne considéraient pas comme valables, ils se plaignaient à plusieurs reprises auprès des rédacteurs en chef. »

En 2015, la journaliste a rédigé un article sur les travailleurs qui accusent l’herbicide phare de Monsanto d’être à l’origine de leur cancer. Dans un échange de mails internes, le responsable des relations avec les médias de l’entreprise écrit :

« Nous continuons à faire fortement pression sur ses éditeurs à chaque fois que nous en avons l’occasion et nous espérons qu’elle sera réaffectée. »

« Les affiliés de Monsanto ont harcelé à plusieurs reprises mes rédacteurs en chef pour empêcher la publication de mes récits, et des organisateurs de conférences (dont certaines en ligne) ont subi des pressions pour m’empêcher de participer », dénonce Carey Gillam. La journaliste d’investigation accuse même un employé de FTI Consulting de l’avoir « chahutée » lors d’un des procès contre Monsanto, visée par plus de 18 000 plaintes. Les échanges de mails évoquant son cas sont nombreux, et elle y est notamment qualifiée de « pain in the ass » (« emmerdeuse ») par les cadres de la firme.

Au-delà du sujet de Carey Gillam, The Guardian révèle aussi que l’entreprise a rédigé un rapport sur l’album The Monsanto Years, du chanteur Neil Young, qui critique la firme, a surveillé l’artiste et ses réseaux sociaux et envisagé un recours en justice. Alors que l’entreprise, rachetée par Bayer, cherche à redorer son image, ces nouvelles révélations confortent l’image d’une multinationale adepte d’un lobbying massif et agressif.

Après les révélations sur le « fichier Monsanto », Article réservé à nos abonnés Bayer veut changer d’image
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