Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 mai 2012 3 02 /05 /mai /2012 14:27

Outils-veille.jpg« Cet outil va répondre à vos problématiques d’e-réputation » apparait comme une approche étonnante de la veille : faire reposer le succès de sa stratégie d’information sur une technologie revient à définir sa performance en fonction de celle de son outil. Si les outils de veille sont nécessaires et pour certains très utiles, il semble intéressant d’en tracer aussi les limites. Et de questionner les possibles impacts à long termes d’approches parfois trop techniciennes.

 

Comme souvent sur le web, dès qu’une nouvelle technologie fait son apparition elle est généralement présentée comme une avancée certaine, comme la solution à des problèmes essentiels, qui souvent d’ailleurs ne se posaient même pas.


Les outils de veille ne dérogent pas à cette approche. Qui plus est lorsqu’ils sont associés à la thématique de l’e-réputation. A chaque nouvel outil son tour de magie, à chaque problème une réponse technologique.


Loin de moi l’idée de dire que tous les outils (ou un en particulier) ne sont pas performants ou inutiles. Mais seulement que, au-delà du discours des éditeurs ou agences vendant ces dits outils, il parait nécessaire de souligner certaines limites. Qui paraitront peut-être évidentes, mais si c’est le cas, alors il parait bizarre de ne pas le lire plus souvent (d’où mon étonnement donc, de voir ou entendre encore de tels discours).


 

L’outil de veille permet d’identifier des signaux faibles


Ou pas…


Le concept de signal faible, ou signe d’alerte précoce (selon Lesca), ou « surprise stratégique » (selon Ansoff, qui a développé ce concept) repose non-pas seulement sur la capacité à capter des signaux informationnels, mais bien à décider que ces signaux représentent un intérêt stratégique.


Le signal faible est donc une affaire de contexte et surtout d’interprétation : d’un individu à l’autre, d’une situation à l’autre, d’une problématique stratégique à une autre, chacun portera son attention différemment sur une information.


Si les outils de veille permettent de collecter de l’information, de la classer en fonction de sa fréquence d’apparition ou de sa rareté (par exemple) ce n’est pas pour autant qu’ils font « émerger des signaux faibles » (et encore moins qu’ils les qualifient)!


A la limite, définir des critères automatisables de ce que l’on suppose être un signal faible (information relayée par telle source, à tel niveau, etc.) peut permettre de s’appuyer sur un outil pour les détecter. Mais encore une fois, il s’agit bien d’une « surprise » dont l’anticipation est une construction (car si le signal est identifié, il ne devient plus « faible » aux yeux de l’entreprise).


 

L’outil de veille analyse l’information


Ou pas…


De mon point de vue (mais ça se discute) analyser des données (ce que fait l’outil) ne revient pas à la même chose qu’analyser l’information. La veille doit appuyer la prise de décision. L’outil lui, ne fait qu’appliquer encore une fois des critères, en fonction généralement d’un algorithme dont on ne connait rien ou très peu.


Fournir une analyse ne revient pas à produire des graphiques et des chiffres, à fournir une mise forme de données, mais à prendre en compte les attentes des commanditaires pour formuler une synthèse, une mise en avant, de ce qui pourrait répondre à leurs interrogations.


Si l’analyse sémantique ou les technologies dites d’intelligence artificielle s’affinent de jour en jour, si l’analyse qu’elles fournissent paraissent pertinentes avec un grand jeu de données (et encore), elles ne remplaceront jamais l’humain et sa capacité à mettre en relation des informations de prime abord incohérentes pour en retirer de la valeur.


 

L’outil de veille identifie les leaders d’opinion ou les influenceurs


Ou pas…


Il serait long ici de revenir sur le concept (contesté et contestable) de leader d’opinion, ou encore d’influenceur. Cependant, et n’en déplaise aux utilisateurs de Klout par exemple, ce type d’outils ne mesure que certains aspects, aspects ne répondant pas forcément aux attentes de l’entreprise.


S’il est intéressant de savoir qu’un tel à une capacité moyenne de diffusion de X pour Y (500 retweets pour 1000 followers par exemple), cela ne permet pas pour autant de l’identifier comme leader pour Votre problématique.

Et cela supposerait aussi que l’outil en question agrège l’ensemble des profils/sources potentiellement intéressants, et qu’il se repose sur des critères d’analyse les plus souples possibles (qui s’adaptent en fonction des situations, des informations, etc.).


Encore une fois, tout dépend de ce que l’on compte faire de ce « leader » (comment l’intégrer à telle action, pour faire quoi, atteindre quels objectifs stratégiques, quel public, etc.), plus que des chiffres qui lui sont attachés (dans l’absolu, il faut un juste équilibre des deux). Ce qu’un outil peut difficilement appréhender…


 

L’outil de veille comprend ce qu’a voulu exprimer un internaute


Ou pas…


La fameuse analyse des sentiments, graal absolu des éditeurs en e-réputation, dont on parle beaucoup mais pour laquelle on voit peu de résultats (automatisés j’entends) probants…

Je n’y reviendrais pas plus en détail ici, et vous invite à lire : E-réputation : pourquoi l'analyse des sentiments ne sert à rien ?

 


L’outil de veille me permet de connaitre tout ce qui se dit


Ou pas…


Le mythe de l’exhaustivité à la vie longue, qui plus est pour des outils se basant de plus en plus sur des panels de sources et non sur un crawling systématique.


Croire que l’outil va vous permettre d’être tenu au courant de l’ensemble des informations circulant sur un sujet (qui plus est en temps réel) peut vite devenir une faute stratégique : on prend une décision sans prendre en compte que certaines choses nous échappent.


Si, bien entendu, l’on pense que ce qui nous échappe est un signal faible et que l’outil les détectent, alors tout va bien . Si, au-delà, l’on prend conscience de ce « manque » inhérent, alors il parait encore une fois intéressant de mettre l’outil de côté et de s’interroger sur ce la manière de gérer cette potentielle absence d’informations ou de données.

 

Ces remarques ne sont ici aussi, bien entendu, pas exhaustives, et les commentaires vous sont ouverts pour en ajouter (ou les contester/discuter).

 

 

Pour en finir avec une veille purement technicienne ?

 

 

J’aimerai conclure ce billet par quelques réflexions plus larges sur la confiance qui est parfois donnée trop grandement aux outils.


La veille devient un métier qui se développe de plus en plus, et dont de nombreux acteurs de l’entreprise ont besoin (community manager, RH, etc.). Parallèlement, ou paradoxalement, la veille est l’une des activités que l’on sabre en premier dans les entreprises ayant des difficultés économiques.


Il me semble, mais ce n’est bien entendu pas la seule cause, que cette focalisation sur l’outil (présenté parfois comme magique donc) en est l’une des causes. Cela pour plusieurs raisons.

La première, est que les veilleurs eux-mêmes valorisent parfois leur travail par l’acquisition d’un outil (souvent coûteux) justifiant ainsi en partie l’intérêt de leur mission. Dans une économie encore beaucoup basée sur le modèle industriel (et une certaine culture de l’ingénieur, donc de l’outil), bien travailler c’est avoir de bons outils. Oubliant ainsi que l’objet technique a peu d’intérêt sans méthodologies pour l’utiliser. Et quand l’investissement dans l’outil devient aussi coûteux (voire parfois même plus) que l’investissement dans l’humain qui va l’utiliser, le rapport de force s’inverse, au risque que le veilleur ne soit là que pour valoriser l’outil (le faire marcher en somme) et non l’inverse.


La deuxième raison, de mon point de vue, est que le prisme de l’outil réduit fortement le champ d’action du veilleur ou du spécialiste de l’information en général. Ses compétences deviennent purement techniques aux yeux de certains, les cantonnant à un rôle d’exécutant, là où la gestion de l’information suppose une vision plus large et managérial. Ce qui explique peut-être en partie, certaines offres d’emplois précisant « formé à l’utilisation de tel outil » ou « devra utiliser l’outil maison » et les faibles rémunérations qui les accompagnent : définir son métier de veilleur par le prisme de l’outil amène le risque de ne devenir plus qu’un « presse bouton » là où il semble nécessaire de définir soi-même les boutons, et l’impact que l’appui sur ceux-ci aura.

Et, surtout, d’être en quelque sorte interchangeable…

 

 

Enfin, et comme le montre le dernier billet de Frédéric, la veille et l’intelligence économique en générale ne sont pour l’instant pas à la fête au niveau de l’emploi. Et pourtant, chaque année, de nombreux étudiants sont formés à ces métiers. Ne se reposer que sur une vision technique de la veille ne permet alors pas de se différencier, de démontrer ses compétences au-delà de l’outil que l’on utilise.

 

Sortir de l’approche technicienne signifie donc pour moi ne plus définir son métier ou ses compétences en fonction des outils que l’on utilise, ne plus proposer systématiquement une solution logicielle à une problématique informationnelle, mais valoriser au contraire la capacité du veilleur à « prendre soin » des sources qu’il surveille, à développer ses propres réseaux (numériques ou non), ou encore à développer des méthodologies (voire des outils d’ailleurs) répondant à une demande précise. Bref, faire du sur mesure plutôt quedu prêt à porter, mettre de côté la technique pour valoriser le rôle de l’humain.


 

Et vous, comment abordez-vous cette présentation des outils de veille comme magiques ? Pensez-vous que la veille ne se valorise que par les outils sur lesquelles elle s’appuie ?!

Partager cet article
Repost0

commentaires

M
Très bel article et diffuser largement !<br /> <br /> Je vais partis des consultants qui militent pour faire savoir que l'outil ne répond pas à toutes les problématiques, loin de la !<br /> Faire de la veille ne se limite pas à programmer un outil mais cela répond à tout une démarche.<br /> Pour plus de détails sur mon approche, voir mon billet "Mise en œuvre d’une démarche de Market Intelligence" publié sur mon blog à l'adresse suivante :<br /> http://max-hubert.belescot.over-blog.com/article-mise-en-oeuvre-d-une-demarche-de-market-intelligence-101833777.html
P
Top analyse ! (comme toujours) qui va au fond des choses et ne se limite pas à une vision binaire et premier degrè réduite à 140 caratères. Merci Cammille !
C
Ah oui c'est vrai il était très bon celui-là!<br /> Allez zou je le remets dans le circuit des Internets :)
C
Merci Camille pour ton article qui comme tous les autres a le mérite de mettre les pieds dans les internets!<br /> Mais je suis déçue d'une chose... tu aurais pu en faire un encore plus large et titrer les outils ne sont pas magiques!<br /> Bref... Merci :)
C
<br /> <br /> Merci Catherine!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Oui, je n'ai mis qu'un pied dans les internets pour le coup <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Sur les outils plus largement j'ai déjà dit deux-trois trucs par ici ... Et je me réserve pour la suite <br /> <br /> <br /> <br />
T
Un petit peu d'auto-promo ne fait pas de mal de temps en temps :) --> Mettre en place un système de veille avec des outils gratuits:<br /> http://intelligences-connectees.fr/2012/03/20/mettre-en-place-un-systeme-de-veille-avec-des-outils-gratuits/
C
<br /> <br /> Spammer va <br /> <br /> <br /> <br />

Le nouveau blog!

Le nouveau blog : cadderep.hypotheses.org

 

Rechercher

Gazouillis