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VIDEO - LREM tente-t-elle de faire revoter des amendements... jusqu'à obtenir le résultat escompté ?
Stéphane Mazars (à droite) a fait recompter plusieurs fois les votes de la commission des lois.
Jacques Witt/SIPA

VIDEO - LREM tente-t-elle de faire revoter des amendements... jusqu'à obtenir le résultat escompté ?

Magouille

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Le député PS Olivier Dussopt a reproché au groupe LREM d'intimider ses députés en demandant des recomptes de voix sur le projet de loi de moralisation de la vie publique. Penaud, le président de la commission de lois a mis en avant son statut de "novice".

Coup de vice ou gaucherie de débutant ? Lors des débats sur le projet de loi de moralisation de la vie publique, ce mercredi 19 juillet, le vice-président macroniste de la commission des lois, Stéphane Mazars, a fait revoter plusieurs fois certains amendements très sensibles pour le groupe LREM, au point d'être accusé par le PS de tenter d'intimider certains députés.

A chaque fois, la position de la majorité menaçait d'être contredite par l'ensemble de la commission. A sa première tentative, le député obtient satisfaction : après trois votes, le "verrou de Bercy", qui interdit au ministre du Budget de porter plainte pour fraude fiscale sans avis d'une commission indépendante, est rétabli, à une voix près, à l'issue d'une procédure inédite d'"assis-debout". Dans la soirée, le groupe est en revanche désavoué sur un amendement portant sur le casier judiciaire vierge des ministres : le MoDem veut l'imposer quand les macronistes estiment que cela n'est pas nécessaire. La mesure est finalement intégrée au projet de loi... après trois votes à main levée houleux.

Ces tergiversations agacent le député PS Olivier Dussopt. Cet élu de l'Ardèche recadre fermement Stéphane Mazars, qui présidait exceptionnellement les débats car la présidente en titre, Yaël Braun-Pivet, est également rapporteure du projet de loi. Cet ex-proche de Martine Aubry rappelle d'abord que le président de la réunion est censé compter précisément les voix à partir de leur premier vote à main levée : "Après trois votes, cet amendement a été adopté alors que je pense que dès le premier, il l'était. (...) Lorsque vous appelez les votes, si les députés de la majorité ne lèvent pas la main lorsque vous appelez les votes contre, l'amendement est adopté. Il n'y a pas lieu de recompter." Puis le député laisse entendre qu'il soupçonne Stéphane Mazars de demander systématiquement des recomptes afin de mettre la pression sur les députés LREM qui rechignent à respecter la discipline de groupe : "Nous ne sommes pas là pour rappeler les uns et les autres à sa (sic) volonté ou à son obligation de participer ou de ne pas participer à un vote (...) Il n'y a pas de possibilité de faire voter autant de fois que nécessaire pour atteindre un objectif qui conviendrait à tel ou tel".

"Je fais au mieux"

Face à cette sévère mise au point, Stéphane Mazars fait profil bas : "Je fais au mieux, nous sommes nombreux et il est parfois très difficile, concédez-le moi, de voir, de là où je suis, si le bras est vraiment levé ou pas".

Les images des votes en question laissent le doute entier sur les intentions du député. Sur le "verrou de Bercy", Stéphane Mazars demande un premier vote... tout en s'abstenant de compter les voix. Au deuxième décompte, le président tient un premier résultat. "21-21", s'exclame-t-il à haute voix. Ce qui, selon le règlement de l'Assemblée nationale, devrait provoquer... le rejet de l'amendement, contre l'avis du gouvernement et du groupe LREM. A ce moment, la rapporteure du texte, Yaël Braun-Pivet, glisse un mot à l'oreille de son collègue. Plutôt que d'annoncer l'amendement rejeté, le député décide alors de faire procéder à un "assis-debout" : pour exprimer leur vote, les députés se lèvent. "Toi aussi", intime la rapporteure à Stéphane Mazars. Ce dernier se lève, compte pendant de longues secondes et annonce que l'amendement est... adopté à 25 voix contre 24.

Quant à l'amendement sur le casier judiciaire des ministres, il a été adopté contre l'avis du groupe LREM... malgré la tentation du président de la réunion de le faire rejeter. Après avoir demandé un premier décompte, puis un deuxième, il murmure au micro : "Il est rejeté, hein ?". Rumeur dans la salle. Un troisième vote est finalement demandé, aboutissant... à l'adoption de l'amendement, par 16 voix contre 12. Face à des propos inaudibles du député LR Philippe Gosselin, Stéphane Mazars sourit : "Vous admettrez que je suis encore un peu novice en la matière".

En réalité, Stéphane Mazars a déjà une certaine expérience du Parlement. Entre 2012 et 2014, il a été sénateur de l'Aveyron.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne