En quoi le droit à la déconnexion est-il un sujet important en ce moment ?

Muriel Besnard : Avec le télétravail, on a une utilisation massive des outils numériques et la frontière entre la vie personnelle et la vie professionnelle devient un peu plus floue, si bien que cela crée plus facilement des dérives sur le temps de travail, qui peut s'étendre. Et ces dérives on les constate notamment avec le nombre d'heures supplémentaires qui avec la crise sanitaire a bien augmenté au niveau mondial, ainsi qu'en France.

C'est-à-dire ?

Les salariés sont passés d'une moyenne de 4,39 heures supplémentaires non rémunérées avant la crise à 6,65 heures. Et au niveau mondial, les salariés qui sont en télétravail estiment justement qu'ils font plus d'heures supplémentaires non rémunérées que ceux qui sont sur leur lieu de travail, selon une enquête que nous venons de publier. Les dérives existent donc et encore plus quand le salarié est en télétravail. Le droit à la déconnexion, c'est réaffirmer le bon usage des outils informatiques pour garantir justement le respect des temps de repos et de congés, de la vie familiale et personnelle du collaborateur et plus largement de protéger la santé des collaborateurs.

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Comment exercer son droit à la déconnexion en télétravail ? Les réponses de Muriel Besnard, d'ADP, dans cet épisode du Journal du Télétravail, le podcast de Management :

Ces dérives sont-elles le fait des salariés qui auraient du mal à organiser leur temps de travail ou est-ce une demande des employeurs de travailler plus ?

D'abord, rappelons que la durée du travail est identique pour le salariés qu'il soit sur site ou en télétravail. Il doit vraiment gérer l'organisation de son temps dans le cadre de la législation, des conventions collectives et des règles applicables au sein de l'entreprise, qu'il soit sur site ou en télétravail. Sur l'origine des dérives, il y a un peu des deux. Il y a des collaborateurs qui n'étant pas sur site vont être tentés d'en faire plus pour montrer qu'ils sont bien là, qu'ils travaillent réellement...

En clair, on transpose les mauvaises habitudes du présentéisme... en ligne ?

Oui, c'est tout à fait ça. Et puis d'un autre côté, on a des employeurs qui peuvent avoir une mauvaise estimation de la charge de travail car, à distance, certains managers ont dû mal à quantifier ce que font leurs collaborateurs. Il faut donc apprendre une nouvelle façon de manager pour prendre cette charge de travail qu'on ne peut plus voir directement. Il faut, notamment, plus de dialogue et que la question de la charge de travail soit un sujet clairement abordé entre le manager et son collaborateur.

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Quelles sont les mauvaises habitudes qui nuisent à la déconnexion ? Et les bonnes pratiques ?

La principale, c'est de passer sa journée connecté, sans prendre de pause. Une bonne pratique c'est de s'imposer des pauses régulières, comme on peut le faire au bureau en allant prendre un café ou discuter avec un collègue de façon informelle. Et côté manager, il faut être clair sur les missions qui lui sont confiées : laisser une certaine autonomie au collaborateur, mais en étant très précis sur ce qui lui est demandé pour qu'il puisse s'organiser très clairement.

Le problème principal du droit à la déconnexion, ça ne serait donc pas d'être dérangé par des mails ou sms le soir, mais plutôt de ne pas réussir à faire tenir tout ce qu'on a à faire dans une journée ?

Il y a sans doute un peu des deux. Quand on est sur site, on est plus contraint par une certaine organisation : on arrive et on part à une certaine heure et à un moment donné il faut bien rentrer chez soi. Quand on est chez soi, c'est plus flou. Cela permet une certaine souplesse, c'est vrai, mais avec les outils numériques on peut aussi se retrouver débordé. Il faut donc bien se demander ce qu'on peut réaliser dans le temps de travail imparti d'une journée et donc on en revient aux questions de charge de travail, aussi bien celle qui est prescrite - ce que l'entreprise demande - que celle qui est ressentie par le collaborateur. Toutes ces questions qu'on se posait surtout dans les entreprises quand il y avait des problèmes de burn out, avec le développement du télétravail ce sont des questions qui deviennent essentielles. On le voit bien d'ailleurs avec nos 12 000 clients : ce sont des sujets qui reviennent beaucoup.

Plus de conseils d’experts et de témoignages sur le télétravail, dans le podcast de Management :