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Tribune

La fin du présentéisme au travail, c'est pour quand ?

LE CERCLE - Rester de longues journées au bureau pour se faire bien voir est source de stress et la cause de nombreux « burn-out ». Heureusement, l'essor du télétravail et une prise de conscience naissante chez les managers font reculer, petit à petit, cette culture du présentéisme en France. C'est l'opinion de Laetitia Vitaud, spécialiste du futur de l'emploi chez Welcome to the Jungle.

Le présentéisme est souvent dénoncé pour ses ravages sur la santé mentale et sur l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle.
Le présentéisme est souvent dénoncé pour ses ravages sur la santé mentale et sur l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle. (Photo Ben Stansall/AFP)

Par Laetitia Vitaud (spécialiste du futur de l'emploi chez Welcome to the Jungle)

Publié le 25 juil. 2019 à 07:00

Les horaires à rallonge, les réunions qui n'en finissent pas et les trajets pendulaires aux heures de pointe : tout cela fait encore partie du quotidien des salariés dans les grandes villes. Les cadres, en particulier, sont nombreux à tenter de prouver leur motivation à leur manager en arrivant tôt au bureau, et surtout en partant tard.

En la matière, les Français partent avec un sérieux handicap : la culture managériale française valorise le présentéisme beaucoup plus que celle d'autres pays européens, comme le Danemark ou l'Allemagne. Mais les choses changent. Pour la première fois depuis près de trente ans, on peut espérer qu'il ne sera bientôt plus nécessaire de rester tard au bureau pour se faire bien voir. Et si la fin du présentéisme, c'était pour bientôt - même en France ?

Cercle vicieux

Le terme « présentéisme » est à l'origine le pendant de l'absentéisme. A partir des années 1990, on a commencé à l'utiliser couramment pour désigner le phénomène des employés qui restent longtemps sur leur lieu de travail alors qu'ils ne peuvent plus être pleinement productifs. Depuis, on dénonce régulièrement la culture du présentéisme, ses ravages sur la santé mentale et sur l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

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Cette culture est l'une des causes de « burn-out », avec un cercle vicieux bien connu : plus on est présent au bureau, plus on est fatigué, moins on est productif, et donc plus on doit rester longtemps au bureau. Les mères sont généralement les premières victimes : supportant une plus grande charge domestique et familiale, elles ont plus de mal à prouver leur motivation par de longues heures au bureau. C'est généralement après l'arrivée d'un enfant que les carrières des femmes connaissent moins de promotions que celles de leurs homologues masculins.

Déploiement du télétravail

Il y a aujourd'hui au moins trois raisons d'être optimiste sur le déclin imminent du présentéisme. Premièrement, le déploiement du télétravail en France au cours des trois dernières années a été spectaculaire. Selon une étude Ifop, le télétravail est désormais pratiqué par 29 % des salariés du secteur privé. La hausse des prix de l'immobilier (et du coût des bureaux), les nouveaux outils collaboratifs et les nouvelles attentes des salariés en matière de flexibilité ont finalement eu raison des réticences de certains managers.

Deuxièmement, avec la montée du télétravail, on a appris à manager des équipes éclatées géographiquement. Le travail asynchrone s'est banalisé. Faute de pouvoir utiliser la présence comme indicateur exclusif de la motivation des employés, on a appris à les évaluer davantage sur leurs résultats, sur le travail accompli. On comprend peu à peu que, même lorsqu'on ne les a pas sous les yeux, les salariés travaillent néanmoins et l'entreprise continue de tourner, souvent même mieux.

Abandon du salariat

Troisièmement, le présentéisme est de moins en moins un signe de réussite sociale. Il est même l'une des raisons qui expliquent le choix de nombreux ingénieurs et consultants d'abandonner le salariat pour le travail en free-lance. Les difficultés de recrutement croissantes des entreprises de services du numérique (ESN), des cabinets de conseil et de nombreuses grandes entreprises les poussent à accorder davantage de flexibilité aux salariés pour espérer rester attractifs.

Avoir des horaires contraints, c'est un peu comme être obligé de porter la cravate.

Le présentéisme semble d'ailleurs de plus en plus absurde aux générations de salariés habitués à l'ubiquité des moyens de communication et au travail collaboratif. Aujourd'hui, avoir des horaires contraints, c'est un peu comme être obligé de porter la cravate, c'est la marque d'un lien de subordination et le signe qu'on a moins de pouvoir. Ca n'est plus, tant s'en faut, un symbole de réussite !

Montrer l'exemple

Bien sûr, la fin du présentéisme ne marque pas la fin des charges de travail trop lourdes. Constamment connectés, où que nous soyons, nous avons plus de mal à séparer travail et loisir. Nous dormons moins qu'il y a vingt ans, nous sommes plus stressés et nous mettons souvent en péril notre santé. Mais c'est néanmoins un bon début : en apprenant à manager autrement, on va dans la bonne direction.

On peut espérer que de plus en plus de managers oseront montrer l'exemple en quittant le bureau plus tôt, comme les Danois, pour lesquels le présentéisme est une infamie. Rester au bureau jusqu'à 22 heures apparaîtra de plus en plus comme un signe d'inefficacité et d'incompétence.

Laetitia Vitaud

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