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Le succès de l'intérim, souplesse par défaut

Par Jean-Marc Vittori

Publié le 10 déc. 2015 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Quel symbole ! Dans cet emblème de l'industrie française qu'est l'usine automobile, plus d'un opérateur sur deux est désormais payé par une agence d'intérim. Certains y verront la confirmation d'une inexorable précarisation de l'emploi. La réalité est assez différente. Cette montée de l'emploi intérimaire s'explique d'abord par une raison conjoncturelle. Les constructeurs français lancent plusieurs nouveaux modèles et ils doivent en produire beaucoup pour remplir trains et camions qui approvisionneront les concessionnaires. Mais il n'y a pas que ça. Les salariés des constructeurs automobile bénéficient d'une myriade d'avantages devenus au fil du temps très coûteux pour leurs employeurs, qui n'ont pas les mêmes contraintes à l'étranger. Et qui ont trouvé avec l'intérim le moyen de contourner ces avantages acquis. Les agences de travail temporaire ont d'ailleurs embauché des ouvriers en contrat à durée indéterminée pour travailler dans leurs usines !

Cette souplesse que donne l'intérim déborde largement l'automobile. Depuis un an, 51.000 postes d'intérimaires ont été créés, tandis que l'emploi stable, lui, a continué de reculer. Là aussi, il y a une raison conjoncturelle. L'économie accélère un peu - elle passe d'une croissance inférieure à 0,5 % à un rythme voisin de 1 % - et les entreprises commencent comme toujours par créer des emplois temporaires avant de voir si l'embellie se confirme. L'incertitude sur la reprise est plus grande que par le passé, et les massacres du 13 novembre comme les résultats des élections régionales l'accroissent encore. Mais il n'y a pas que ça. Pour des raisons légales et aussi culturelles, les entreprises françaises ont du mal à licencier leurs salariés. On l'a bien vu au plus fort de la profonde récession de 2009, quand les filiales d'entreprises étrangères taillaient sans ménagement dans leurs effectifs tandis que les firmes françaises s'efforçaient de limiter la casse. La France détient le record européen de l'ancienneté - près de 60 % des salariés sont dans la même entreprise depuis plus de dix ans. La contrepartie de ce record méconnu est une forte proportion d'emplois précaires. Les nouvelles formes d'emploi engendrées par la numérisation de l'économie risquent de creuser encore le fossé entre les « insiders » et les « outsiders », ceux qui ont un emploi protégé à l'ancienne et ceux qui rament dans les eaux saumâtres du chômage, du CDD et du travail à la tâche. Pour aller vers un marché du travail moins inégalitaire, moins injuste, il faudra rapprocher d'une manière ou d'une autre les statuts de l'emploi et basculer la protection sociale du salarié à l'individu. Ici, tout reste à inventer.

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