Liban : reconstruire une vie digne

  • Lina et ses trois enfants dans leur logement provisoire. Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    Lina et ses trois enfants dans leur logement provisoire. Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    « Pendant trois ans, j’ai connu l’angoisse de ne pas savoir quoi répondre à mes enfants quand ils me demandaient “Maman, qu’est-ce qu’on mange aujourd’hui ?”. Je me réveillais chaque matin en me demandant si nous aurions de quoi acheter de la nourriture », raconte Lina, une Libanaise de retour dans son pays d’origine. Devenue mère à l’âge de 18 ans, elle a été contrainte au déplacement à 19 ans et a perdu son mari à 20 ans. Lina vit actuellement avec sa famille dans un logement provisoire sur les terres arides de Ras Baalbek. Elle a très vite joué un rôle essentiel dans la petite ferme que la famille a récemment mise sur pied. « Lorsque le programme de soutien aux moyens de subsistance a commencé, nous avons eu du mal à nous adapter. Nous étions tellement habitués à vivre dans la misère qu’il nous a fallu du temps pour nous ressaisir. Ensuite, j’ai organisé les tâches au sein de la famille et nous nous sommes tous mis au travail. »
    CC BY-NC-ND / CICR / H. Baydoun
  • Oum Mohammad chez elle. Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    Oum Mohammad chez elle. Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    « C’était l’hiver quand nous avons fui la Syrie. Nous sommes partis à pied de chez nous et nous avons marché jusqu’à la ville libanaise de Mashari El Qaa, se souvient la mère de Lina en frissonnant. Il n’y avait que 20 kilomètres à parcourir, mais avec toute cette neige j’ai cru que nous n’y arriverions jamais. Malgré le temps épouvantable, nous avons eu de la chance ; nous avons pu emporter nos papiers et quelques biens, alors que beaucoup d’autres ont fui en pyjama, sans rien prendre avec eux. »
    CC BY-NC-ND / CICR / H. Baydoun
  • Oum Mohammad prépare le kishk avec ses deux filles. Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    Oum Mohammad prépare le kishk avec ses deux filles. Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    « Le jour où nous avons vendu nos premiers produits laitiers, notre vie a totalement changé, raconte Lina. Sur le plan financier, bien sûr, mais surtout psychologique. Cela faisait presque quatre ans que nous ne nous étions pas sentis aussi soulagés, l’esprit en paix. Le lendemain de la vente, nous avons travaillé comme de vraies fourmis ; nous avions retrouvé la volonté de prendre nos vies en main », conclut-elle en s’asseyant près de sa mère et de sa sœur pour les aider à faire le kishk, une préparation libanaise traditionnelle à base de farine fermentée avec du yaourt au lait de chèvre, qu’elle et sa famille vendent au marché.
    CC BY-NC-ND / CICR / H. Baydoun
  • Lina et sa sœur traient les chèvres. Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    Lina et sa sœur traient les chèvres. Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    L’élevage de chèvres est devenu une activité familiale à laquelle tout le monde participe, selon une répartition équitable des tâches : Lina et sa sœur vendent les produits de la ferme au marché local (fromages, kishk et tout ce qu’elles peuvent vendre) tandis que leur mère s’occupe de la fabrication.
    CC BY-NC-ND / CICR / H. Baydoun
  • Abou Khaled et sa famille dans leur tente, à la périphérie de Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    Abou Khaled et sa famille dans leur tente, à la périphérie de Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    « Pendant trois ans, nous avons beaucoup souffert, raconte Abou Khaled. Nous avions faim, tellement faim, et nous n’avions pas de travail pour nous permettre de nourrir nos enfants. J’étais totalement désespéré. À un moment, nous en avons été réduits à faire brûler de l’huile de moteur pour nous réchauffer. » Son regard trahit toute la souffrance passée. « Nous dépendions totalement de la générosité de nos voisins et du peu que Dieu nous accordait. Je ne souhaite à personne de vivre ce que j’ai enduré. » « Ce programme a totalement changé nos vies. Aujourd’hui, j’ai mon propre logement. Ce n’est peut-être qu’une tente, mais elle est à moi et je suis en mesure de subvenir aux besoins de ma famille. »
    CC BY-NC-ND / CICR / H. Baydoun
  • Oum et Abou Khaled devant leur étable, à Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    Oum et Abou Khaled devant leur étable, à Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    « Maintenant que nous avons un toit, nous aimerions agrandir la ferme. Nous voulons investir dans notre activité et la faire prospérer. Grâce à elle, nous gagnons de quoi faire vivre notre famille aujourd’hui », explique Oum Khaled. Comme Lina et les siens, les Khaled se répartissent équitablement les tâches. Oum prend soin des chèvres et s’occupe de la traite tandis qu’Abou les mène au pâturage tous les jours.
    CC BY-NC-ND / CICR / H. Baydoun
  • Abou Khaled nettoie la mangeoire dans l’étable. Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    Abou Khaled nettoie la mangeoire dans l’étable. Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    « En tant que vétérinaire, je suis heureux de voir que les étables sont propres. Nous insistons beaucoup sur les règles d’hygiène et nous sommes admiratifs de la rigueur dont font preuve les familles à cet égard », déclare Imad Sawwan, vétérinaire de l’ONG Jihad al-Binaa qui travaille en coopération avec le CICR dans le cadre du programme.
    CC BY-NC-ND / CICR / H. Baydoun
  • Des employées du CICR discutent avec Oum Khaled, une ressortissante libanaise ayant fui la Syrie. Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    Des employées du CICR discutent avec Oum Khaled, une ressortissante libanaise ayant fui la Syrie. Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    « La vente de lait procurera aux familles un revenu de base, mais si elles vendent aussi des produits dérivés comme le kishk ou des fromages et font du fumier avec les déjections animales, elles réaliseront un bénéfice nettement plus élevé, explique Jihad Nabhan, spécialiste du CICR responsable du programme. Selon nos estimations, elles pourraient gagner au moins 200 dollars par mois. D’ici deux ans, certaines pourraient même avoir une trentaine de chèvres et gagner au moins 1 500 dollars par mois. »
    CC BY-NC-ND / CICR / H. Baydoun
  • Rahaf, la petite-fille de deux ans d’Oum Khaled dans la tente familiale à Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    Rahaf, la petite-fille de deux ans d’Oum Khaled dans la tente familiale à Ras Baalbek, Liban, juillet 2015.
    « Nos maisons ne sont peut-être plus que des ruines à l’heure qu’il est, mais nous comptons rentrer chez nous quand les combats auront cessé, déclare Oum Khaled. Avant de tout perdre, nous avions une vie paisible en Syrie, dont nous gardons de très bons souvenirs. Ici, au Liban, nous avons eu la vie dure pendant des années, mais aujourd’hui nous recommençons petit à petit à espérer grâce à notre dignité retrouvée. »
    CC BY-NC-ND / CICR / H. Baydoun
02 novembre 2015

Installés en Syrie depuis plusieurs générations, de nombreux Libanais ont dû retourner dans le pays de leurs ancêtres lorsque le conflit syrien a éclaté en 2011, abandonnant derrière eux leur maison, leurs biens – tout ce qui faisait leur vie. En tant que ressortissants libanais, ils n'ont pas droit à l'aide prévue pour les réfugiés. Pourtant, nombre d'entre eux sont tout aussi démunis et ont désespérément besoin d'assistance.

Fin 2014, le CICR a commencé à leur fournir une aide financière en espèces pour une période de six mois. Il aide aussi, en collaboration avec une ONG locale, Jihad al-Binaa, une vingtaine de familles particulièrement vulnérables en leur fournissant des chèvres et en les formant à la production de lait et de produits laitiers dérivés qu'elles pourront vendre et ainsi gagner de quoi vivre. Il coordonne également son action avec la Haute Commission des secours (un organisme gouvernemental libanais), l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en vue de porter secours aux Libanais vulnérables qui ne reçoivent aucune autre assistance depuis leur retour au Liban.

Le CICR espère les aider à regagner un minimum d'indépendance financière pour leur redonner confiance en eux et leur permettre de retrouver leur dignité.