Fini les étoiles pour mettre en favori des contenus sur Twitter, place aux « J’aime ». Le réseau social a remplacé sa fonctionnalité par un cœur mardi 3 novembre, puis l’a étendu dans la foulée à ses applications, aux boucles vidéo de Vine, mais aussi à sa plateforme de gestion de comptes TweetDeck. Une mécanique du cœur qui existait déjà dans son appli de streaming vidéo Périscope.
Cette fonctionnalité renouvelée n’est pas sans rappeler les « J’aime » de Facebook, symbolisés par un pouce en l’air bleu. Ce qui est assez ironique, car, quelques semaines auparavant, le réseau social de Mark Zuckerberg annonçait qu’il allait tester six alternatives à cet unique bouton, vivement critiqué par les utilisateurs qui aimeraient introduire de la nuance dans leur façon de commenter.
« L’idée derrière ce changement est d’attirer de nouveaux utilisateurs et de rendre la fonction favori/like plus simple à l’approche et à l’usage », analyse Florian Maier, chercheur allemand de l’université de Regensburg et co-auteur d’une étude publiée en 2014 sur l’usage des favoris sur Twitter. Simplifier un usage là où chacun donnait un sens différent au fait de cocher la petite étoile jaune. « L’icône du cœur est moins ambiguë, précise-t-il, c’est un symbole universel dont la signification est la même dans beaucoup de pays et de cultures. Du coup, les nouveaux utilisateurs de Twitter pourront utiliser cette fonction pour marquer qu’ils aiment, ou apprécient un post ». Une « simplification » pour les « nouveaux utilisateurs », a confirmé Twitter dans une note de blog. « Vous pouvez aimer beaucoup de choses, mais toutes ne peuvent pas être vos favorites. Le cœur, en revanche, est un symbole universel », écrit le réseau social, en illustrant les signification du « J’aime ».
Panne de croissance
Pour retrouver un nouveau souffle, le réseau de microblogging, en panne de croissance et dont le nombre d’utilisateurs actifs stagne, tente de repenser ses fonctionnalités et surtout de simplifier son utilisation. Il a également rappelé à la barre du navire Jack Dorsey, son cofondateur évincé en 2008. On retrouve souvent l’inspiration de Facebook sur Twitter, à l’instar du nouveau design de la page de profil développée début 2014. Et pour cause : avec désormais 1,5 milliard d’inscrits, le premier réseau social du monde compte à l’heure actuelle quatre fois plus d’utilisateurs actifs que l’oiseau bleu.
Après avoir décidé d’expérimenter la mise en avant des favoris dans le flux des messages (la « timeline »), ce qui avait suscité une levée de boucliers des utilisateurs, et abandonné en partie la timeline chronologique en mettant en avant une sélection de tweets publiés « pendant votre absence », le réseau social a joué l’atout cœur. Un « petit changement dans l’interface des utilisateurs peut avoir un énorme impact sur le comportement des utilisateurs », relève Florian Maier, précisant que de nombreuses études ont été menées sur le sujet. « Par exemple, la taille d’un formulaire de recherche et le choix du texte qui l’accompagne peut modifier de façon sensible les termes recherchés par les utilisateurs », explique son collègue David Elsweiler.
Les utilisateurs écœurés
Testé au préalable par un échantillon d’utilisateurs pendant plusieurs semaines, le bouton cœur a cependant essuyé un accueil plutôt froid des internautes. Ces derniers, notamment des Français, ont partagé leur écœurement autour du hashtag #favgate. Trop mièvre, trop Facebook, pas une priorité… la transformation des favoris est devenue, avec plus de 15 000 tweets échangés, un sujet de discussion majeur sur le réseau social pendant deux jours. Même des salariés de Twitter France ou encore des comptes officiels du gouvernement français y sont allés de leur tweet.
Sondés par le Monde, plusieurs usagers de Twitter confient leur désarroi face à « une évolution un peu trop simpliste » ou ce qu’ils estiment être une « colonisation de Facebook, après les notifications en bas à droite de l’écran », déjà empruntées au réseau de Mark Zuckerberg. Mais que tous se rassurent, des tutoriels circulent déjà pour ramener à la vie l’étoile qui a filé.
De façon pratique, que l’on appuie sur un cœur ou sur une étoile, la fonction de base ne changera en rien. Le tweet coché sera épinglé et rangé dans un onglet accessible sur son compte. La personne qui a vu son tweet ainsi sélectionné recevra une notification. Et Twitter le confirme au Monde : « Les utilisateurs sont libres de continuer à utiliser ce bouton “J’aime” comme marque-page pour des tweets. Vous pouvez retrouver tous les tweets que vous avez aimé dans un onglet “J’aime” [Anciennement onglet Favori] sur votre compte Twitter. »
Cela ne devrait pas inquiéter les comptes-robots, dont certains servent un business du « Fav » très juteux. En revanche, ce nouveau bouton modifiera philosophiquement la façon de « faver » – pardon, d’aimer des contenus.
Vingt-cinq nuances de favoris
« Ajouter un tweet à ses favoris signifiait que ce tweet valait la peine d’être gardé », explique le chercheur britannique Max Wilson, de l’université de Nottingham, troisième co-auteur de l’étude, conjointement avec Florian Maier et David Elsweiler. « Mais nous avons montré que les gens s’en servaient de 25 différentes, car la fonction était neutre et flexible. » Neutres, les étoiles l’étaient au point de « faire du fav une réponse non-textuelle aux sens multiples », comme accuser réception d’un tweet, souligner un bon mot, ou remercier une personne.
En instaurant le « J’aime », Twitter a tranché et a mis fin aux 25 nuances en privilégiant un usage principal. C’est désormais « un bouton de réponse positive au lieu de la simple déclaration qu’un tweet méritait, pour une raison ou un autre, de figurer parmi nos favoris », développe Max Wilson. Mais le chercheur ne « serait pas surpris si Twitter mettait en place rapidement des marque-pages distincts, ou une fonction “lire plus tard” », car leur étude a montré qu’il s’agissait du deuxième usage du fav le plus employé. Une partie des utilisateurs se sert des favoris pour archiver des tweets à relire ensuite, même si la plupart d’entre eux n’y reviennent jamais. Ce qui occasionne parfois de mauvaises surprises, comme pour ce député conservateur britannique, mis à mal par un adversaire pour avoir « favé » (ajouté aux favoris) des tweets au caractère pornographique explicite.
Si certains usagers croient encore que l’on peut sauver les étoiles après la grande médiatisation de ce petit changement – un « bruit médiatique inoffensif » sur lequel misait Twitter, estime David Elsweiler –, il est peu probable que le réseau à l’oiseau bleu fasse machine arrière.
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