jeudi 5 novembre 2015

DETROIT VOIT LE BOUT DU TUNNEL

Après avoir été l’emblème du rêve américain, cet ancien fief de l’industrie automobile était devenu une cité fantôme. Plus grande ville américaine à demander sa mise en faillite, Detroit entame un nouveau départ grâce à quelques investisseurs opportunistes. Si la majeure partie de la population continue de souffrir, l’espoir, la fierté, la solidarité et l’inventivité reviennent et gagnent du terrain.

Une mélodie pop résonne à l’angle d’un bâtiment flambant neuf dans une rue aux trottoirs étincelants. Non loin, des parasols bleu azur ornent une fontaine jaillissante. Bienvenue au cœur de Detroit où se dressent, le long du fleuve, les ­mythiques gratte-ciel de General ­Motors. Detroit, la plus grande ville américaine à être déclarée insolvable. C’était il y a bientôt deux ans. Un décor qui relève du miracle pour l’ancien bastion de l’automobile. « Il y a encore trois ans, c’est bien simple, Downtown était vide ! On rasait les murs ! » se souviennent les habitants. Aujourd’hui, c’est une vitrine. Tout juste sortie de la procédure de faillite municipale, le 10 décembre 2014, « Motor City » n’a pourtant pas les moyens de se métamorphoser si vite. Délestée d’une partie de sa faramineuse dette, ramenée de 18,5 à 11 milliards de dollars, la ville demeure sous surveillance budgétaire. Elle s’est même réendettée de 1,3 milliard de dollars sur le marché obligataire pour rembourser certains créanciers et autres assureurs privilégiés. Quant au 1,7 milliard de dollars que les juges lui ont sommé d’injecter de toute urgence dans les services publics, le budget s’étale sur les dix années à venir. Malgré l’aide de l’Etat du Michigan et de ­diverses organisations, ses leviers sont donc limités.


Son salut, Detroit le doit en réalité au soutien des ­investisseurs privés et surtout à un homme, Dan Gilbert. A première vue, ce quinquagénaire raide et introverti n’a pas l’envergure de l’homme providentiel. Il est pourtant la 126e fortune des Etats-Unis et celui qui porte à bout de bras le cœur du nouveau Detroit. Une efficacité redoutable. Flegme et puissance contenue, Gilbert avance pas à pas, imperturbable, toujours avec un coup d’avance. Originaire de la ville, ce fils de patron de bar a bâti sa fortune dès 1985 en fondant Quicken Loans, l’un des leaders américains des prêts hypothécaires. Lorsqu’il assiste à l’effondrement des prix de l’immobilier, précipité par l’exode massif des entreprises après la crise financière, Gilbert ne se pose pas de questions. Il anticipe la mise sous tutelle de Detroit et s’empresse d’acquérir pas moins de 75 immeubles professionnels vacants dans un centre-ville alors à l’agonie. Son projet : les rénover et les louer à des sociétés, allant des banques d’affaires aux start-up spécialisées dans les nouvelles technologies, dont il finance de nombreux projets ; 130 entreprises au total sont revenues dans le secteur, reconstituant une base d’impôts solide et vivifiant le marché de l’emploi.

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