Vers une nouvelle bataille des navigateurs pour les ebooks et touchbooks ?

Comme annoncé dans mes prédictions (et par 99% des experts et éditorialistes), 2010 sera résolument l’année des terminaux à format disruptif : ebooks et touchbooks. Cette disruption ne concerne pas que la taille de l’écran mais également les technologies employées (encre électronique pour les premiers, large écran tactile pour les seconds) et les usages.

On annonce ainsi une authentique révolution pour la presse et l’édition qui verraient dans ces nouvelles machines l’opportunité de monétiser correctement leurs contenus. Le Kindle d’Amazon propose ainsi une expérience de lecture quasi-similaire à du papier pour des contenus de type news consommés sous forme d’abonnements. Les futurs touchbooks des grands constructeurs (Apple, HP, Dell…) proposeront également une expérience de lecture beaucoup plus riche pour des contenus de type magazine (cf. la démonstration de Time inc.).

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Pour le moment les scénarios d’usage sont assez limpides et ne semblent pas poser de problème.

Ebooks et touchbooks en concurrence sur les bases de données

Sauf que si l’on creuse un peu, on se rend compte que ces deux familles de terminaux,qui ne répondent en théorie pas réellement aux mêmes usages, pourraient bien entrer en concurrence directe sur un point bien précis : les bases de données. Tout l’intérêt des journaux électroniques comme ceux diffusés via le Kindle est de pouvoir facilement chercher et accéder à de l’information complémentaire (en passant ainsi d’un article à un dossier thématique à un autre article…).

kindle-dx

De même, tout l’intérêt des magazines numériques est de pouvoir consommer de l’information façon rich media (texte avec belle mise en page, photos, vidéos…) dans un contexte agréable et non limitatif (article sur le dernier match de foot > tableau des scores du championnat > statistiques d’une équipe > meilleurs buts…). Dans les deux cas de figure, plus la base de données est riche et facile à parcourir et plus l’offre est alléchante. L’offre ? Quelle offre ? L’abonnement premium enfin ! Car c’est bien de cela dont nous sommes en train de parler : un principe d’abonnement qui donne droit aux infos les plus fraîches et aux données les plus complètes. Auparavant ce type de produit était vendu sur CD / DVD mais la possibilité de s’affranchir du support physique est bénéfique à la fois pour l’éditeur (meilleure marge) et pour l’utilisateur (plus de confort).

Les éditeurs de presse traditionnelle proposaient déjà des formules payantes pour accéder à leurs archives, mais il est tout à fait possible d’étendre ce modèle (actus + base de données) à d’autres secteurs : le sport, la cuisine, les voyages, la documentation professionnelle (ex. Vidal, Dalloz, LefebvreLexisNexis et cie)… L’intérêt pour un éditeur sera donc de pouvoir proposer ce type d’abonnement sur le plus grand nombre de machines possibles (afin d’augmenter le nombre de clients potentiels). Problème : Les tailles / formats / technologies d’affichage varient d’une machine à l’autre. Le plus simple serait donc de pouvoir publier du contenu dans un format suffisamment souple pour pouvoir s’adapter aux contraintes / spécificités de ces différentes machines. Un format qui serait ensuite retravaillé au niveau de la machine par un… navigateur. Hé oui, car c’est bien de cela dont il s’agit : une nouvelle génération de navigateurs conçus pour manier un type bien particulier de contenu (actus + photos/vidéos + recherche dans une base de données) sur un type bien particulier de machines (cf. Quelles interfaces pour les touchbooks ?).

Une nouvelle génération de navigateurs

Outre la manipulation du contenu (lecture, recherche…) et des différents supports (livres, journaux…), ces fameux navigateurs de nouvelle génération pourraient également servir à deux fonctions bien précises :

  • Parcourir la marketplace de contenus (recommandations et achats de nouveaux contenus) ;
  • Gérer les transactions (vous ne donnez pas à chaque fois votre numéro de CB).

Kindle_store

Lire et gérer ces contenus, parcourir les rayons et acheter de nouveaux contenus, gérer les transactions… tout ceci ne vous rappelle rien ? iTunes peut-être ? Hé oui, car c’est bien de cela dont nous sommes en train de parler : un logiciel à mi-chemin entre Safari et iTunes. Et puisque l’on parle d’ iTunes, comment ne pas aborder le cas des applications. Prenons l’exemple du Cooq : il embarque des recettes, des fiches ingrédient mais également des applications de gestion de listes de course ou de planification des menus. Il pourrait en être de même pour les secteurs cités précédemment.

Et puisque l’on parle d’iTunes, pourquoi ne pas aborder le cas des jeux ? Il y a bien évidemment l’exemple des jeux « papier » facilement transposables comme les grilles de sudoku ou les mots croisés / fléchés, mais il serait tout à fait envisageable d’avoir des jeux d’échec ou de dames sur un ebook : la machine ne gère que l’affichage du damier, les calculs sont effectués sur le serveur (c’est donc une forme de cloud-gaming).

Alors bien sûr vous pourriez me dire que les tablets PC actuels embarquent Windows et disposent de toute l’artillerie nécessaire pour faire cela, mais je me permettrait de vous rappeler que nous ne parlons pas tout à fait de la même chose. La toute récente HP Slate présentée au CES 2010 est propulsée par Windows 7, mais ne répond pas du tout aux critères d’autonomie ou de confort de lecture que je me fait des touchbooks : il s’agit plus d’un ordinateur diminué (sans clavier ni souris) que d’un support de lecture viable (en tout cas ce n’est pas elle qui va sauver les métiers de la presse et de l’édition).

HPslate

Sans rentrer dans le débat je suis persuadé que la surenchère technologique est vaine et je rejoins tout à fait l’avis de Paul Carr : Hey! Look behind you! It’s the tablet of the future!. Bref, il va bien falloir un socle technologique pour afficher du contenu dans de bonnes conditions (livre ou magazine électronique), gérer les abonnements et les transactions, faire tourner les applications… et gérer la publicité également. Hé oui, car c’est là un autre critère très important à prendre en compte : qui contrôle le navigateur contrôle également les publicités affichées dedans ? Ce n’est ainsi pas un hasard si Apple vient de mettre la main sur Quattro Wireless (une régie publicitaire mobile), c’est pour augmenter les revenus sur iPhone mais également pour préparer ceux de sa future iSlate : Apple to Acquire Mobile Ad Platform Quattro Wireless.

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J’anticipe déjà des contenus distribués gratuitement via iTunes car financés par de la publicité (mais disponibles également sans pub en version payante). Ceci est valable à la fois pour les journaux, les magazines et revues pro, les livres…

Dans ce scénario peut-être que le mieux placé finalement ça sera Google. Google qui dispose du software (Android et Google Chrome OS), du hardware (il existe déjà un Nexus One, pourquoi pas un Nexus Two ?) et des contenus au travers de Google News, Goole Fast Flip et Google Books. Quand on y réfléchit bien Google sera peut-être le dernier à tirer mais semble cependant le mieux placé (cf. Say Hello to the Google Tablet et Google and HTC Working On a Chrome OS Tablet.

MàJ (08/10/2010) : Nintendo pourrait être l’invité de dernière minute : Nintendo 1er sur le livre électronique en France en 2010 ?

Amazon, Apple et Google… qui pouvait rêver de meilleurs compétiteurs pour un marché où celui qui proposera l’expérience d’utilisation la plus fluide remportera la mise. Et aussi les choix technologiques les plus pertinents. Et le modèle économique le plus viable. Et le navigateur le plus polyvalent (d’où le titre de l’article).

20 commentaires sur “Vers une nouvelle bataille des navigateurs pour les ebooks et touchbooks ?

  1. Pardon, mais pourquoi développer des navigateurs dédiés à ce type d’usages? Je trouve cela assez contraignant. Aujourd’hui, je lis mon journal sur un Kindle, demain sur une table interactive dans mon salon ou dehors sur un terminal mobile… Il faudrait donc avoir un navigateur adapté à chaque usage.
    L’affichage du contenu, de l’information, il me semble, ne doit pas être envisagé en fonction du terminal ciblé.
    Je trouve assez aberrante la situation actuelle, qui oblige à développer du contenu en fonction du terminal (ordinateur personnel, smartphone…) ou de la plateforme.
    Demain, l’accès à l’information se fera de manière beaucoup plus variée et diverse, avec des usages très différents, en situation de mobilité ou non. Devrions-nous alors développer autant d’applications que de moyens d’accès à une information unique?
    Je pense qu’il serait préférable d’avoir des navigateurs ‘intelligents’ capables d’adapter des contenus variés à des terminaux protéiformes, sans contrainte d’usages.

  2. Bonjour,

    Très intéressant article, mais plutôt que de se poser la question du navigateur, pourquoi ne pas se poser la question de la technologie ?
    Il me semble que deux approchent peuvent s’envisager pour eviter de développer spécifiquement sur chaque plate-forme :
    – une approche basée sur les standards actuels : html 5, javascript, css, … et futurs (multi-touch, accéléromètre, GPS, …)
    – l’approche Adobe avec son lecteur universel flash, disponible tel quel sur le nexus one et sur tous les pc, mac, netbook, …

    Quel est votre point de vue ?

  3. @ Matthieu Lépine > C’est effectivement abhérant de développer spécifique à chaque plateforme, sauf si tu le commercialise : Un format propriétaire est impossible à exploiter sans le bon navigateur et justifie le prix (une mise en page plus travaillée qu’une simple page HTML ou Kindle).

    @ Max > Je ne savais pas qu’il existait un standard pour le multi-touch ;-) Plus sérieusement Flash n’est « que » le format des fichiers dans l’optique lecteur universel. Ce n’est pas tout d’avoir un format universel, ce qu’il faut c’est proposer une expérience de lecture suffisamment riche et différenciante pour pouvoir facturer un abonnement.

    /Fred

  4. Excellent article!
    J’ai des leçons à prendre!
    En ce qui concerne notre sujet je ne suis pas contre les formats numérisés pour la presse et les livres mais alors que va devenir notre vie sociale?
    Des êtres humains plongés dans leur écrans qui n’ont même plus besoin d’aller chez leur marchant de journaux ou chez leur libraire préféré…
    Quel dommage dans notre société que le progrès signifie trop souvent individualisation à mort…

  5. disruptif, vous employez ce terme semble t-il sans en connaître la définition. Cela n’a aucun sens dans la phrase usitée.

  6. La vidéo de « l’appli » Sports Illustrated sur tablette est vraiment sympa. Si on se dirige vers ce type de lecture j’avoue que c’est plutot classe. On attent de voir un peu plus de Kindle en France :)

  7. Vous dîtes :

    La toute récente HP Slate présentée au CES 2010 est propulsée par Windows 7, mais ne répond pas du tout aux critères d’autonomie ou de confort de lecture que je me fait des touchbooks

    _______________________________________

    De mon point de vue, les tablettes sous Windows 7 ont l’intérêt de disposer de l’écriture cursive (avec, si nécessaire, transcription automatique en caractères d’imprimerie). Des tablettes comme celle de HP seront parmi les rares à offrir multitouch et travail au stylet (écriture, dessin, retouche photo…).

    Une mixité d’interaction avec la tablette trop souvent éludée par l’effet Perlinpimpin du multitouch « sur-célébré » par les médias à toutes les sauces.

    Annoter des PDF avec PDF Annotator, prendre des notes avec Journal, idem qvec associations de liens web plus autres éléments d’illustration avec InkSeine…. Dessiner avec Artrage et consorts… A mon avis, cela compte autant que tripoter l’écran avec les doigts…

    Pour arriver à un résultat qui rivalise avec les Ebooks en terme de confort, il suffirait que l’écran de la tablette HP (ou concurrent à sortir) soit de type Pixel QI pour qu’on ait le meilleur des deux mondes : les jeux, la vidéo, le Web ou la presse électronique avec du LCD rétroéclairé; ou du noir et blanc en mode passif pour la lecture prolongée, affichage qui divise alors par 5 la consommation batterie de l’écran…Un simple bouton sur l’appareil permet de basculer d’un mode dans l’autre…

    exemple

    ou rechercher Pixel Qi sur Youtube…

    Nous vivons dans un monde en couleurs, pourquoi s’en priver… Et d’ailleurs la double cible presse et livres des tablettes en vision eBook étendue rend cette approche technologique plus pragmatique…

    Et si HP a loupé le coche, espérons que d’autres constructeurs adoptent rapidement cette technologie peu coûteuse.

  8. Je compare le livre électronique à la voiture électrique en gros on nous prépare plein de trucs mais aucun qui correpond vraiment à ce que l’on souhaite ou aimerait avoir, pourtant le cahier des charges est simple :
    – un bon confort de lecture;
    – un système de droit inaltérable dans le temps (je veux dire non dépendant d’un fabricant ou d’une entreprise en gros comme le livre une fois que je l’ai acheté il est chez moi et sauf catastrophe majeure dans ma maison il est là sur étagère) bref ne pas nous faire le coup des mp3 j’ai acheté le vynile puis j’ai acheté le cd et maintenant je repaie pour le mp3, et aussi des films…
    – une autonomie géante (recharge par photo-voltaïque par exemple);
    – pouvoir faire des annotations;
    – pouvoir faire son propre classement;
    – l’alimenter facilement et pourquoi pas envisager même un système de prêt (comme le système de presse actuel qui autorise de passer un copie sur clef usb d’un magazine à un copain http://tinyurl.com/yar3pa2)

    Bref il est urgent d’attendre non ?

  9. @ fran6t > Tout à fait, ils nous bombardent d’annonces de produits avec écrans couleurs et processeurs sur-puissants qui n’ont rien à vois avec les besoins réels relatifs aux livres électronique. Finalement le Kindle ne va pas se sentir menacer de sitôt.

    /Fred

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