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La vision en « 3D » du monde par Engie

Dans le contexte du réchauffement climatique, Isabelle Kocher veut faire d’Engie le leader mondial de la transition énergétique, avec plus de production décarbonée et décentralisée, mais aussi plus de services, en particulier dans l’efficacité énergétique. Un monde dans lequel le digital devient central.

Isabelle Kocher, directrice générale d’Engie, ici lors du Solar Power Europe 2017. « L’énergie décarbonée et le numérique sont les deux poumons d’Engie pour le futur ».

Isabelle Kocher, directrice générale d’Engie, ici lors du Solar Power Europe 2017. « L’énergie décarbonée et le numérique sont les deux poumons d’Engie pour le futur ».

Centre de recherche Laborelec à Linkebeek, en pleine campagne bruxelloise. Tous les membres du comité exécutif d’Engie ont fait le déplacement. Au programme : un point global sur la stratégie. A la tête d’un groupe de 155 000 salariés, présent dans 70 pays, Isabelle Kocher, sa directrice générale depuis mai 2016, reconnaît d’emblée « vivre une époque dont on parlera dans les livres d’histoire ». « Nous voyons des choses qui touchent bien plus que nos métiers, estime la dirigeante. Aussi, dans ce monde en pleine transformation, nous voulons être les pionniers d’un monde en 3D, un monde où l’énergie sera décarbonée, décentralisée et digitalisée. Et, nous le faisons, car c’est la meilleure façon de créer de la valeur en s’alignant avec ce que le monde veut. »

 

La dirigeante rappelle les objectifs déjà affichés du groupe (détenu à 24,1 % par l’Etat français) : sortir du pétrole et du charbon pour se concentrer sur les énergies bas carbone, les services d’efficacité énergétique, les infrastructures (essentiellement gazières) et les activités à prix régulés ou garantis contractuellement. D’où un plan de cession de 15 milliards d’euros d’actifs, soit 20 % des activités, en cours sur la période 2016-2018. « Il est réalisé à 75 %, précise Judith Hartmann, directrice financière du groupe, et l’on investit dans nos moteurs de croissance. 80 % de nos investissements à trois ans sont déjà arrêtés. On peut s’adapter aux besoins de nos clients et la décentralisation est la notion-clé. Avant, c’était la course à la taille. Aujourd’hui, dans notre monde mouvant et volatile, c’est la vitesse qui est devenu clé. »

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« On pense qu’un monde plus durable, plus propre, plus heureux est possible, enchaîne Ana Busto, directrice générale adjointe en charge de la marque et de la communication. Mais le message ne passera que si l’on est une marque forte ». A la Uber, Airbnb ou Ikea, « on veut faire d’Engie une marque réflexe dans l’énergie. Le groupe souhaite d’abord parler des usages et des bénéfices qu’il apporte à ses clients, « comme Better Mobility Today » [sa réponse aux enjeux de mobilité, NDLR] ; et se faire entendre différemment. « Une grande marque ne communique pas sur ce qu’elle fait, mais sur ce qui l’anime, explique Ana Busto. Le digital nous permet d’aller vers les personnes au moment où elles ont besoin de nous ». Et d’ajouter : « Un Français passe seulement 8 minutes par an à gérer son énergie ». Il va falloir être efficace…

De fait, si le cap semble clair pour aller vers ce monde en 3D, « les règles pour y aller sont ambigües et pas encore fixées », analyse Isabelle Kocher, y compris en matière de calcul de la performance (encore très financière !).

Engie, entreprise contributive ?

Pour y parvenir, le groupe choisit de revoir entièrement son fonctionnement interne : « Il faut passer d’un mode industriel traditionnel et pyramidal, à des systèmes organisationnels différents. Nous avons besoin de mettre en place des organisations décentralisées, autonomes et capables d’initiatives très fortes », explique Isabelle Kocher. Un mouvement aujourd’hui très engagé…

« Tout ceci se fait de manière globale et de façon transverse sur l’ensemble des thèmes », précise Pierre Deheunynck, directeur des Ressources humaines. Les femmes et les hommes de notre groupe vont avoir à changer, bouger, évoluer, à commencer par les 30 000 managers d’Engie. Tous ont suivi une formation courant 2017, avec pour objectif de partager notre vision auprès de tous. »

De même, tous les collaborateurs ont reçu il y a peu un questionnaire d’une centaine de questions, en vue de mesurer leur degré de satisfaction de la politique menée. Une première dans le groupe ! Enfin, une analyse des compétences (situation actuelle et prospective) est en cours en vue d’accompagner les changements pour les 250 métiers voués à disparaître. « Nous l’avons fait sur les fonctions de techniciens, les autres métiers vont suivre », détaille Pierre Deheunynck, comme pour les agents en charge de la relation client (au nombre de 1 200 chez Engie). « Les plateaux téléphoniques disparaissent en raison du développement des contacts en ligne, reconnaît-il. Les clients veulent des informations aujourd’hui 7 jours sur 7… Le support client évolue et nécessite plus d’experts. » 

En fait, ici comme ailleurs, le numérique chamboule tout. Isabelle Kocher le reconnaît : « Chez Engie, on veut être les architectes de ce monde des 3D. On maîtrise toutes les briques technologiques, mais la glue qui permet de les assembler, c’est le digital. 4 000 personnes en interne travaillent sur les softwares, en plus des 4 000 à 6 000 externes. »

Son bras droit sur le sujet, Yves Le Gélard, directeur général adjoint, en charge du digital et des systèmes d’information, va même plus loin : « Le digital, c’est notre oxygène de croissance », rappelant la définition qu’ils en font au sein du groupe : « Chez Engie, le digital, c’est l’impact de la mobilité, du big data et de l’IoT sur le monde de l’énergie ».

Trois révolutions qui se sont enchaînées ces dernières années, selon lui. La première date de 2007, avec l’annonce de l’Iphone qui a réellement inventé la mobilité ; la seconde de 2011, avec l’invention de la première base de données où l’on mélange des données structurées et non structurées (« Cela s’appelle Hadoop et c’est le cœur de Facebook ! »), c’est l’invention du big data ; et la dernière date de 2014, avec l’arrivée en butée du système d’adressage IPv4 (« les pères fondateurs de l’internet avaient imaginé la butée à 8 milliards d’adresses possibles dans leur système »). La limite suivante dispose d’une capacité d’adressage de plusieurs milliards d’éléments… et la réelle irruption de l’internet des objets (IoT).

La clé : le consommateur final

Pour illustrer ses propos et montrer l’importance de ces technologies en matière d’énergie, Yves Le Gélard poursuit avec trois exemples d’accompagnement de leurs clients BtoB en vue de réduire leur consommation énergétique. Aux Etats-Unis, tous les Starbucks américains sont monitorés depuis la plateforme software d’Ecova (filiale du groupe). Ils peuvent ainsi comparer les consommations énergétiques des différentes boutiques de l’enseigne dans une même ville et agir en conséquence (IoT et big data).

Le deuxième exemple concerne les très grandes entreprises, souvent américaines (notamment les Gafa), dont les CEO ont pris des engagements citoyens de verdissement de leurs approvisionnements énergétiques. Engie devient alors « leur associé d’affaires » pour les accompagner graduellement, soit en construisant des parcs solaires ou des champs éoliens de façon à ce que les datacenters qu’ils installent soient réellement verts. « Nous sommes en discussion intelligente et profonde avec eux sur la problématique de leurs datacenters. On apprend pour l’instant à se connaître », précise-t-il.

Enfin, le groupe travaille également avec les collectivités en ce sens. Vertuoz by Engie a ainsi équipé 1 400 écoles de la capitale d’une solution de contrôle de chauffage des classes, dans le cadre de son Plan Climat Energie (PCE) qui vise à réduire de 30 % la consommation énergétique et d’émission de CO² à travers des actions de rénovation énergétique, mais aussi de meilleur contrôle des besoins (big data et IoT).

Mais là n’est pas son principal enjeu. « Le plus important, c’est le business du consommateur final », explique Yves Le Gélard. On en revient de nouveau à la marque forte… et à la place de l’appli Engie sur l’écran du smartphone. « Aujourd’hui, notre chance d’arriver sur l’écran d’accueil de votre smartphone est très faible, admet-il. Mais si demain nous arrivons à régler des problématiques de mobilité électrique pour connaitre par exemple la consommation de votre voiture, on remontera peu à peu sur cette page où chaque centimètre carré vaut des milliards. Notre ambition est d’y parvenir ! A condition d’arriver à assembler l’ensemble des composants – mobilité, big data, IoT -, on peut amener le BtoB vers le BtoC ».

Chiffres-clés du groupe

  • Engie est présent dans près de 70 pays, dont la Chine et le Japon.
  • Effectif : 150 000 collaborateurs dans le monde (50 000 sur l’énergie et 100 000 sur les services).
  • Chiffre d’affaires : 66,6 milliards d’euros en 2016
  • Recrutements : 12 000 en CDI réalisés en 2016, dont 4 000 en France (idem pour 2017)
  • Organisation en 24 business units, couvrant les territoires (contre cinq branches d’activité auparavant).

 

Engie Digital, un hub pour le numérique

Yves Le Gélard (photo), directeur général adjoint, en charge du digital et des systèmes d’information, supervise entre 8 000 et 10 000 personnes, dont 4 000 internes.

Yves Le Gélard (photo), directeur général adjoint, en charge du digital et des systèmes d’information, supervise entre 8 000 et 10 000 personnes, dont 4000 internes.

Chez Engie, le digital se divise en trois domaines :

  • Le parcours client, avec les conseils d’Accenture
  • Les usines, avec les conseils d’Altran
  • et les collaborateurs (équipes internes).

En transversal, on trouve la cybersécurité, traitée avec Thales et les API avec Axway.

Depuis juin 2016, le groupe dispose d’une Digital Factory (environ 100 experts), un centre d’outils et de compétences mis à disposition de ses entités opérationnelles pour les accompagner dans leur transformation. Dans ce cadre, deux partenariats mondiaux ont été signés avec les américains C3 IoT (big data et analyse de données) et Kony (applications mobiles pour smartphones et tablettes).

Il y a deux ans, le groupe a basculé Cloud First pour l’agilité, hors les sujets sensibles (finance, nucléaire…). « Le cloud est le vecteur de l’ambition mondiale du groupe, explique Yves Le Gélard. Nous venons, par exemple, de déployer 150 000 users Yammer. Cela aurait été impossible sans le cloud ».

1,5 milliard d’euros sera consacré à la transformation numérique de l’entreprise sur la période 2016-2019.

 

A l’écoute de ses clients

Engie revoit en profondeur son approche du marketing digital pour développer une politique relationnelle personnalisée avec ses clients et futurs clients et ce, sur tous les canaux de contacts. L’énergéticien utilisera pour cela les deux principales solutions de la suite Oracle Marketing Cloud : Oracle Bluekai pour la Data Management Platform (DMP) et Oracle Eloqua pour l’orchestrateur de campagne marketing, afin d’automatiser en quasi temps réel des campagnes marketing sur la plupart des medias sortants : sociaux, digitaux et traditionnels CRM, et ce, à partir d’une seule interface. « Engie sera en mesure de créer des parcours clients personnalisés reposant sur trois dimensions : le persona marketing, le moment de vie et l’interaction des individus avec notre groupe », précise David Legendre, responsable Data sur le marché des particuliers d’Engie en France.

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