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Gribouiller au boulot, c’est tout un art

Le « bureautisme », cet art clandestin qui consiste à griffonner un support en papier durant votre réunion hebdomadaire, n’a pas vocation à connaître de publicité. Dommage.

Publié le 24 mai 2016 à 13h17, modifié le 31 mai 2016 à 10h27 Temps de Lecture 2 min.

Dire que les gens s’ennuient en réunion relève presque du truisme, tant ces deux termes ont fini par devenir synonyme. Une récente étude TNS Sofres confirme que 74 % des salariés ont le sentiment de perdre leur temps lors de ces regroupements hebdomadaires placés sous le signe du monologue, du bâillement et – parfois – de la viennoiserie bon marché. Si le smartphone est l’instrument privilégié pour s’évader mentalement de cet enfer, il a l’inconvénient de vous maintenir dans une dynamique professionnelle de gestion de mails (ou d’addiction à Candy Crush, au choix) et de vous faire passer pour un type moyennement bien élevé aux yeux de l’assistance.

En la matière, l’usage détourné du stylo et du carnet de notes constitue l’alternative la plus crédible à la téléphonie mobile. Vu de l’extérieur, le calepin à spirales et le Bic six couleurs vous confèrent des airs d’employé modèle de la filière nucléaire. Un petit coup d’œil furtif de votre chef sur cet appareillage suffira à vous classer dans la frange des auditeurs studieux, investis dans la marche en avant de l’entreprise. Faisant mine de noter les points importants du briefing en cours, vous êtes en réalité investi dans une intense activité artistique.

Les œuvres du courant « bureautiste »

A côté de quelques mots-clés que vous avez tout de même eu la conscience professionnelle de griffonner, des fresques oniriques prennent forme, conglomérat de visions étranges tout droit sorties de votre inconscient. Parce que vous dessinez sans y penser, sans songer à vous raccrocher à un quelconque courant pictural, vous expérimentez une forme d’immédiateté graphique devenue une denrée rare aujourd’hui. Héritier malgré vous de l’art brut tel que le pratiquait le facteur Cheval, vos œuvres se trouvent aux avant-postes d’un nouveau courant que l’on pourrait nommer le « bureautisme ».

Du surréalisme, il rappelle la libération des énergies enfouies dans leurs expressions les plus iconoclastes. De l’arte povera, il possède le dénuement matériel, réussissant à suggérer l’intensité et l’urgence avec un simple entrelacs de traits monocolores. Par cette inclination parfois maniaque à détourner les petits carrés du calepin, il peut également faire songer à du cubisme sous influence Office Dépôt. Mais le « bureautisme » est avant tout déterminé par la situation particulière dans laquelle il est produit.

Appel aux DRH

C’est un art clandestin, qui vous relie à votre réelle dimension créative dans un environnement qui tend à la nier. C’est donc, en théorie, une discipline qui n’a pas vocation à connaître la publicité. Et c’est bien là le plus triste. Car les œuvres produites par le courant « bureautiste » sont bien souvent d’une force étonnante. Nous profitons donc de cette chronique pour lancer un appel à tous les directeurs de ressources humaines de France. Pour que ce patrimoine artistique considérable ne termine pas dans l’anonymat d’une corbeille à papier, un travail de recension et de curation doit être effectué. Abandonnez immédiatement la préparation de vos plans sociaux pour vous transformer en commissaires d’expositions. Vous ne vous en sentirez que plus légers et, peut-être, grâce à vous, du magma du tertiaire émergera un authentique Picasso de réunion.

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