En France, le mouvement contre la corruption est lancé

Des rassemblements contre la corruption des élus se sont tenus le 19 février, marqués par l’empreinte de Nuit debout.

Malika Butzbach  et  Hugo Boursier  • 20 février 2017 abonné·es
En France, le mouvement contre la corruption est lancé
© Photo : Michel STOUPAK / Citizenside et Malika Butzbach

Lancés sur les réseaux sociaux, des rassemblements en réaction aux récents scandales politico-financiers se sont tenus dans l’après-midi du 19 février à Paris et dans 41 autres villes de France. Même lieu, même mode de fonctionnement, mêmes messages, les similitudes avec le mouvement de 2016 font penser à une renaissance de Nuit debout, le mouvement du printemps 2016.

« Ça sent le printemps », s’exclame Ludo, youtubeur et membre du collectif Osons causer tandis que les bruits des casseroles retentissent sur la place de la République (Paris). Suite à un événement lancé sur Facebook par Vincent Galtier, qui se présente comme un _« citoyen encarté nul part », entre 2 000 à 3 000 personnes se sont rassemblées sur la place symbolique, ancien site de Nuit debout. Le collectif est d’ailleurs présent ce jour-là, ses organisateurs s’étant alliés à l’initiateur, apportant leur soutien en communication et organisation.

© Politis

La renaissance du mouvement ?

Bruno, un ancien du mouvement, prépare le stand de Nuit debout. « Ce rassemblement s’inscrit dans la continuité de nos revendications de départ. On constate bien aujourd’hui cette distorsion de la politique avec le scandale de François Fillon et l’affaire Théo : tout deux n’ont pas droit à la même justice. » Lui est là depuis le début : « J’ai pas trouvé de raisons pour arrêter », sourit-il. S’il espère que le rassemblement relancera le mouvement de Nuit debout, il souligne que « l’objectif principal c’est vraiment de réveiller les gens et de leur donner la parole ». C’est d’ailleurs ce vers quoi tend le rassemblement : au bout d’une heure, une assemblée générale se met en place.

© Politis

Les codes sont les mêmes qu’au printemps dernier : la prise de parole est libre, mais ne doit pas dépasser trois minutes « pour que tout le monde puisse s’exprimer ». De nombreux sujets liés à la politique et la corruption sont abordés, mais aussi des questions plus vastes comme l’écologie ou le statut des étudiants. Élus, responsables d’associations ou simples citoyens s’expriment. Sous couvert du masque Anonymous, un ancien CRS explique qu’il a voté FN pendant un temps. « On ne m’y reprendra pas ! », s’époumone-t-il dans le micro. Dans la foule assise, César, jeune actif, se remet à espérer. « Je suis souvent venu ici lors de Nuit debout, en tant que sympathisant. Ça fait chaud au cœur de revoir tout ça et peut être que, en 2017, avec les élections qui arrivent, le mouvement aura plus d’écho… »

Une volonté de transparence de la vie politique

Le terme « élections » est présent sur toutes les lèvres et on ne peut nier que l’affaire de François Fillon est l’un des principaux déclencheur du rassemblement. Initiateur de la pétition « Pour que les bons comptes fassent les bons élus », Christophe Grébert, élu à Puteaux, prend la parole. Il présente son projet de loi de transparence comme « une réponse précise à l’affaire Fillon ». « Les élus doivent, par leur comportement, leurs actions mais aussi leur mode de vie, se montrer humbles. Avec la transparence, la pression de l’opinion publique chassera ceux qui ont une gestion floue de leur budget. » Il souligne aussi que c’est un moment important :

Bizarrement, les politiques se soucient beaucoup du peuple avant les élections. C’est donc à nous d’agir, de leur répondre que s’ils veulent nos voix, alors ils doivent adopter des réformes démocratiques.

Le thème du rassemblement est aussi unificateur. Sarah et Quentin sont venus avec leurs trois enfants. « On veut leur montrer que le monde dans lequel on vit est plutôt sale, ce n’est pas ce que l’on veut pour eux, explique la mère en montrant sa pancarte #StopCorruption. C’est aussi pour leur montrer qu’on peut être citoyen actif et pacifiste. » Pour leur premier rassemblement, les enfants ont sorti les casseroles. Jean, dix ans, sait pourquoi il est ici. « Mes parents m’ont expliqué. Je suis content de voir qu’il y a beaucoup de monde ! » Anne aussi est venue en famille : l’étudiante de 19 ans a amené ses parents après leur avoir montré l’événement sur Facebook. C’est le premier rassemblement pour Charline, sa mère. « C’est peut-être bête mais j’avais vraiment confiance en notre système démocratique. Le scandale de Fillon m’a révoltée et je me suis dit que, oui, descendre dans la rue est la dernière chose qu’il nous reste à faire. »

Entre adoption et rejet

Un peu en retrait, Lin, étudiant chinois arrivé en France cette année, reste bouche bée devant l’assemblée populaire qui se tient devant ses yeux. Pour lui, la France est un « modèle » en termes de politique : « Je ne soupçonnais pas que ce genre de choses pouvait arriver. » Il se baladait avant de tomber par hasard sur le rassemblement et, après quelques conversations, il est déjà conquis. « C’est vraiment génial, comme le mouvement Nuit debout. Je ne pense pas que ça pourrait marcher en Chine, mais j’espère voir ça un jour. » Très vite, il adopte les codes de l’AG et se met à secouer les mains lorsqu’on propose la transparence en politique.

© Politis

Mais certains s’énervent de la présence du collectif, et n’hésitent par à critiquer une récupération. Amäa souffle : « Il y a un sentiment de déjà vu, c’est lassant. J’ai l’impression que l’on ne peut plus faire une action qui prenne une autre forme que celle de Nuit debout, c’est un peu triste. Je ne pense pas que les manifestations en Roumanie, pourtant sur le même sujet, aient été reprises de la sorte par un quelconque collectif. » Benjamin Ball, membre de la commission communication du mouvement, assure que « Nuit debout participe simplement à l’amplification de la manifestation, et ne propose que son mode opératoire, l’occupation de places, et une méthode de transmission, les prises de parole. » « La force de ce rassemblement contre la corruption, c’est qu’il propose des mesures concrètes », ajoute-t-il. Sur l’estrade pour la prise de parole, Vincent Galtier appelle à une continuité du mouvement et à la création d’un collectif. Lorsqu’il annonce la tenue d’un autre rassemblement la semaine prochaine à République, tout le monde acquiesce.