C’est une révolution pour les viagers : « L’acquéreur n’a plus intérêt à la mort de son vendeur. » Amaury de Calonne, fondateur de Monetivia, explique que son offre, lancée le 11 octobre en collaboration avec Allianz, permet aux seniors de vivre chez eux en récupérant un capital pour leurs vieux jours sans que l’acheteur du logement trépigne, comme dans le film Le Viager… La technique consiste à vendre la nue-propriété à un acquéreur (à prix décoté), et à laisser l’usufruit au vendeur. Si l’occupant meurt prématurément, l’acquéreur paie une surprime à ses héritiers. S’il vit très longtemps, l’assureur Allianz indemnise le nupropriétaire. Une formule qui permet d’en finir avec « l’effet Jeanne Calment ». L’ancienne doyenne des Français a touché une rente jusqu’à 122 ans. Son logement a été payé deux fois son prix.
Avec quelque 5 000 transactions par an, le viager pèse moins d’1 % des ventes immobilières dans l’ancien. Et pourtant, ce marché microscopique suscite de plus en plus d’intérêt. « Il est en croissance de 6 % par an », affirme Stanley Nahon, directeur général de Renée Costes Viager. A tel point que plusieurs family offices, chargés de gérer le patrimoine des grandes familles, ont commencé à investir. Et qu’un fonds spécialisé, créé il y a deux ans sous l’impulsion de la Caisse des dépôts, a déjà réuni une dizaine d’institutionnels : Groupama, Crédit mutuel, CNP, Maif, Ircantec… Il a collecté 150 millions d’euros, et l’assiduité au comité d’investissement est de 100 % ! « Il y a un côté expérimental, commente Marc Bertrand, responsable du fonds géré par La Française REM. Ils sont aussi attirés par la rentabilité espérée, autour de 4 % par an. » Bien supérieure au 0,18 % offert actuellement par les emprunts d’Etat…
Mais si le viager et ses dérivés (comme le démembrement entre nue-propriété et usufruit) progressent, c’est surtout parce qu’ils répondent, pour les vendeurs, à une réelle nécessité. Les premiers babyboomeurs ont 70 ans cette année, les retraités sont de plus en plus nombreux. Avec des pensions qui stagnent et des soins médicaux de moins en moins remboursés, leurs fins de mois sont parfois difficiles, et le risque de dépendance les effraie. Ceux qui détiennent un bien immobilier (c’est-à-dire 70 % des 60- 74 ans) peuvent dégager un capital ou une rente qui soulage leur budget. Car le financement de la dépendance, qui devait être le « cinquième pilier » de la Sécurité sociale promis par Nicolas Sarkozy, est encore essentiellement privé. Heureusement, pour combler le manque, il y a la France des propriétaires et l’ingénierie financière.