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En 2050, chaque salarié pourra s'auto-évaluer

SERIE D'ETE QUEL DRH EN 2050 ? 3/13. Confrontée à un exercice de prospective, Karima Silvent, DRH adjointe en charge de la transformation des métiers du groupe AXA, imagine que le DRH endossera un rôle de conseiller, tourné vers le développement du leadership, dont l’impact sera encore plus essentiel pour diriger l’activité et inspirer les talents, lesquels pourront s'auto-évaluer grâce aux nouvelles technologies.

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Karima Silvent, DRH adjointe en charge de la transformation des métiers du groupe AXA, imagine le futur périmètre du DRH. (DR)

Par Julie Le Bolzer

Publié le 17 juil. 2015 à 06:00

Comment imaginez-vous le métier de DRH en 2050 ? Quel sera, selon vous, son périmètre ?
Ma première conviction forte est que le métier de DRH existera encore, et bel et bien en 2050 ! Ses contours auront évolué car ils sont intimement liés aux évolutions de la société, de la technologie et de la vie en entreprise. A l'horizon 2050, cinq évolutions fondamentales vont transformer notre métier :
- la vie s'allongeant, l'entreprise verra cohabiter davantage de générations qu'aujourd'hui.
- la diversité sera amplifiée, avec davantage de générations, de mixité de genre, de cultures et d'origines.
- la notion de collaboration sera diversifiée, avec de plus en plus de formes de travail différentes : celles connues aujourd’hui (contrat de travail, intérim, consultants, prestataires...) ou embryonnaires qui auront pris une part croissante (collaborateurs occasionnels, pour une prestation intellectuelle ou matérielle à durée définie...).
- les technologies et l'intelligence artificielle auront bouleversé de nombreux métiers.
- et, enfin, compte tenu de tous ces facteurs, la culture des entreprises et les ingrédients de celle-ci seront modifiés.
En écho à tout cela, le métier de DRH devra se réinventer. L’action du DRH sera encore plus résolument tournée vers le développement du leadership et des leaders, dont l’impact sera encore plus essentiel pour diriger l’activité, innover, inspirer et attirer les talents. Le DRH sera aussi le gestionnaire d'une fabrique de talents et de compétences, aussi bien en interne qu'à l'extérieur de l'entreprise. Il aura également un rôle encore plus fondamental en matière d'engagement et de culture d’entreprise.
La relation sociale aura évolué, d’une part parce qu’organisations syndicales et patronales se seront adaptées à ces nouveaux paradigmes, mais aussi parce que les relations sociales et le DRH devront encore plus prendre en compte les communautés internes et externes à l’entreprise.
Enfin, le DRH devra, encore plus qu’aujourd’hui, gérer de nombreux prestataires et s’assurer de la qualité, puisqu'une grande partie de la fonction RH d’aujourd’hui aura été externalisée... Je crois donc en une fonction plus experte sur les sujets de leadership, d’attraction, d’engagement et de culture.

Exercera-t-il encore le rôle de support au service des opérationnels ?
Je n’aime pas le mot support qui suppose une séparation entre la RH et le business. Déjà aujourd'hui, dans de nombreuses entreprises, la notion de « support » est vécue comme une relation transactionnelle et client-fournisseur : aide à recruter, à développer la compétence des collaborateurs, à fournir un certain nombres de services... Une partie de ces services devraient être, à l'avenir, fournis par des prestataires que le DRH devra piloter. Je crois beaucoup à la notion de DRH-partenaire-conseil qui sera, encore plus qu'il ne l'est aujourd'hui, partie intégrante du business, en compréhension et en anticipation des enjeux business. Les DRH sont déjà en anticipation de cet impératif. Ils devront se déplacer sur la chaîne de valeur. En étant de plus en plus dans l'anticipation des phénomènes internes et externes à l’entreprise, le DRH va aider les managers à se projeter, à anticiper les besoins de transformation d’activité et de métiers de demain. Chez AXA, cette notion de DRH-business-partner est intégrée dans notre pratique et nous faisons grandir nos équipes RH pour les positionner dans ce rôle de conseil stratégique et de connaissance plus fine de l’activité, des métiers, des tendances lourdes d’évolution du business en interne et en externe.


 Le « HR analytics » va-t-il devenir un levier de performance pour l’entreprise ? Le recrutement aux mains de robots capables de repérer les failles d’un parcours ou d’un CV, est-ce crédible ?
Oui, j'y crois fondamentalement : je pense que le « HR analytics » va devenir un levier de performance pour l'entreprise. C'est une tendance qui est déjà à l'œuvre dans les pays anglo-saxons et qui va s'accentuer, nous n'en sommes qu'au début. Le « fact checking » des CV en utilisant la technologie existe déjà, très vite la technologie permettra d’aller au-delà. Dans le recrutement, le « HR analytics »permettra par exemple de se focaliser davantage sur les compétences, l'agilité, l'habileté et la capacité à apprendre, de tester les ressorts de motivation et de performance. En étant davantage dans l’analytique, cela permet une aide à la décision, mais seulement une aide à la décision. L'analytics va être de plus en plus utilisé comme un appui au recrutement, au développement de carrière, un outil qu’utilisera l'entreprise, mais aussi le collaborateur. Chacun pourra s'auto-évaluer, passer des tests en ligne... Cette tendance nécessitera néanmoins des garde-fous souhaitables, pour s'assurer du consentement du salarié sur l'utilisation des données le concernant et aussi des processus de décision prenant en compte ces données. Sans éthique, le système s'effondrera. L'analytics ne peut pas remplacer l'humain. Le bon sens, le jugement et l'innovation, qui sont la part de l’humain, devront prévaloir.

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Les fiches de poste auront-elles encore un sens ?
A l'heure actuelle déjà, les fiches de poste ont de moins en moins de sens compte tenu des évolutions de certains métiers, où doivent être adaptés en permanence. Pour des tâches à réaliser dans une courte durée, cela peut avoir un sens, car les fiches précisent la mission. Mais, de plus en plus, les postes doivent être appréhendés dans une dimension métier plus globale, en se détachant de ce qui est requis à un moment donné, en précisant l’essence plus que le détail. S’agissant du recrutement, je pense que la sélection sera de moins en moins organisée autour de l’adéquation d’un profil à une fiche de poste et de plus en plus centrée sur la capacité à apprendre. Nous allons passer d’une forme de sélection en fonction du savoir et de l’expérience à une forme de sélection et d’évolution de carrière qui prendra en compte ces facteurs mais valorisera aussi bien plus les habiletés et capacités à apprendre...
Chez AXA US, nous collaborons avec une start-up, Knack, qui a lancé un outil qui va dans ce sens. Il s’agit de plusieurs jeux à télécharger dont chacun prend moins de dix minutes, et qui restitue in fine des indications sur vos appétences, sur les domaines où vous avez des capacités particulières. Il s’agit d’un dispositif expérimental qui contribue à construire la compréhension que chaque collaborateur a de ses propres habiletés, de ses compétences relationnelles et comportementales et de ses possibilités d'évolution. Les nouvelles technologies vont permettre un libre accès aux assessments et aux outils d'auto-évaluation...

La rémunération fera-t-elle toujours partie de ses prérogatives ?
Je pense que la rémunération demeurera une des prérogatives du DRH, encore plus qu'elle ne l'est aujourd'hui. Pour une raison simple : la stratégie de rémunération sera, comme la culture d'entreprise, le nerf de la guerre pour attirer et garder les meilleurs. Les entreprises devront construire des politiques salariales encore plus sophistiquées innovantes et dynamiques pour faire face à la chasse aux talents, à la globalisation, à la concurrence... Et la notion de rémunération globale va prévaloir, ne prenant pas seulement en compte le cash, mais aussi la reconnaissance, la qualité de vie et le bien-être au travail...

L’employabilité sera-t-elle toujours de sa responsabilité ? Ou celle-ci sera-t-elle aux mains du salarié ?
A mes yeux, l'employabilité, ce n'est pas qu'un sujet RH : c'est un sujet qui implique en premier lieu le collaborateur et toute l'entreprise. Ce sujet devra être partagé entre le collaborateur, les managers, le top management, les partenaires sociaux, le RH... c'est-à-dire l'entreprise au sens large. Ce qui va changer, c'est que la responsabilité du collaborateur sur sa propre employabilité ne va cesser de croître. Tout comme sa responsabilité sur ses évolutions de carrière. Les entreprises devront donc fournir aux collaborateurs plus d'outils pour se former tout au long de leur vie, pour apprendre aussi bien à l'intérieur de l'entreprise qu'à l'extérieur. Les perspectives d'emploi, pour les jeunes notamment, sont mouvantes et évolutives, ils doivent se préparer à vivre plusieurs carrières, ce qui suppose d'être dans une logique constante d'apprentissage, de formation, de développement des compétences...

Anticiper l’avenir à travers les plans de succession aura-t-il encore un sens à l’heure de la mondialisation du recrutement ?
Encore plus de sens, et avec encore plus d’exigence et d’ouverture vers l’extérieur de l’entreprise. Nous construirons des plans de succession différents. Ils seront encore plus clé car il y aura davantage de volatilité : on ne rentre plus dans une entreprise pour la vie. La recherche des talents et leaders va aller en s'accentuant ; et aussi la question de ce qui les relie à une entreprise plus qu’à une autre. D'un point de vue stratégique, les entreprises devront trouver les moyens de construire des plans de succession dynamiques. Et d'attirer les meilleurs en se différenciant grâce à leur culture, à la manière dont les sujets d’engagement sont pris en compte et sont au cœur de la stratégie. Le DRH devra aider l'organisation à faire des plans de succession, en regardant à la fois l'interne et l'externe. Il fera plus d’'intelligence compétitive. Il devra plus que jamais fabriquer des leviers d'engagement pour les collaborateurs, à la fois en interne et à l'extérieur de l'entreprise. L'anticipation sur les fonctions clés prendra encore plus de sens qu'aujourd'hui.

Va-t-on vers une judiciarisation de la fonction RH ?
Je pense qu'il y aura la même intensité de judiciarisation, mais pas sur les mêmes sujets. Aujourd'hui, lorsqu’on regarde les statistiques globales, il s'agit du temps de travail, des sujets liés à la rupture du contrat de travail, aux relations hiérarchiques, au harcèlement, au stress au travail... A l'avenir, il me semble que les objets juridiques se déplaceront vers des sujets comme l'utilisation des données, la cyber sécurité, l'hyper-connexion... L'intensité de la judiciarisation sera la même mais les sujets seront différents. Car le travail lui-même sera différent, avec davantage de flexibilité, d'agilité. La gestion de cette collaboration virtuelle créera sans doute une forme de judiciarisation différente de celle que nous connaissons aujourd'hui.

La notion de temps de travail peut-elle perdurer face aux nouvelles formes de collaboration (télétravail, portage, intérim, management de transition, etc.) ?
La notion de temps de travail pourrait potentiellement voler en éclat d'ici à 2050. Cette réglementation date des XIXème et XXème siècles, elle n'est plus adaptée aux modes de travail d'aujourd'hui et de demain. Même si l'existence de normes protectrices reste et restera indispensable, il faudra les repenser au regard des réalités de demain. Je ne suis pas certaine que les notions d'heures et de semaines de travail normés subsisteront à l'horizon 2050. Nombre de collaborateurs peuvent désormais contribuer à l'entreprise en suivant des horaires compatibles et générateurs de bien-être, ils n'ont pas à rentrer dans un cadre, ils peuvent travailler quand ils veulent, où ils veulent... Ce qui ne veut pas dire qu'il faille s'affranchir de protections. La loi devra inventer une forme de protection compatible avec ces nouvelles modalités de travail et l’impact des technologies.

Quels sont les métiers que vous pensez voir disparaître dans votre environnement proche ?
Chez AXA, nous sommes en train d'analyser les impacts, à cinq ou dix ans, de la transformation digitale et des nouvelles technologies, sur nos métiers. Nous effectuons ce travail sur plusieurs pays au niveau mondial. Aujourd'hui, je ne peux pas vous dire combien de métiers pourraient disparaître à l'horizon 2050. Par contre, ce que nous savons c'est que certains de nos métiers cœur vont être profondément transformés et sont déjà en profonde mutation. C'est par exemple le cas de la gestion des sinistres, de la souscription, de la relation client... Sous l'impulsion des nouvelles technologies et des nouveaux outils, les habitudes des consommateurs évoluent. La configuration de certains de nos métiers va changer elle aussi. Nous sommes en train d'approfondir notre compréhension de ces impacts. Nous avons lancé cette démarche car notre volonté est d'anticiper et d’accompagner tous nos collaborateurs dans cette transformation profonde ainsi que d’anticiper le recrutement de talents sur des expertises nouvelles dont nous aurons besoin demain.

Julie Le Bolzer

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