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«Principe de précaution» : deux maisons corses évacuées pour un risque d’éboulement… dans 100 ans

INCOMPREHENSION. Deux maisons de Bonifacio, en bord de falaise, sont interdites d’habitation en raison d’un risque géologique, alors même que les lieux restent ouverts aux milliers de visiteurs qui s’y pressent chaque jour.

Kristina Luzi , Mis à jour le
La ville haute de Bonifacio (photographie d'illustration).
La ville haute de Bonifacio (photographie d'illustration). AFP / © Pascal Pochard-Casabianca

Il est parfois des décisions qui illustrent beaucoup plus que le dossier qu’elles sanctionnent. À Bonifacio, c’est le principe de précaution qui laisse des habitants dans l’incompréhension totale. « Je n’ai plus accès à ma maison, elle se dégrade et je continue à payer les charges… ! », décrit Marie-Pierre Portafax, à qui l’accès à sa maison familiale – depuis 250 ans ! – vient d’être interdit. Même chose pour le fils de la comédienne Marie-José Nat, Aurélien Drach, qui regrette d’être privé de tous ses souvenirs d’enfance. « C’est comme si on tuait ma mère une deuxième fois », s’étouffe-t-il.

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Leur incompréhension a débuté par un arrêté préfectoral pris à l’automne 2022, sur la base d’un rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Ce document, en effet, évoque un risque d’éboulement… dans un horizon d’un siècle ! Une date qui fait dire aux propriétaires que la menace est encore hypothétique, bien loin de justifier une évacuation immédiate. Le tribunal administratif de Bastia leur avait d’ailleurs donné raison début 2024, avant que cette décision soit annulée en appel : la cour administrative d’appel de Marseille vient finalement de valider l’arrêté, estimant qu’il relève d’un principe de précaution légitime.

« Si ma maison est à ce point en danger, pourquoi laisse-t-on deux millions de touristes passer chaque année sur les deux places adjacentes ? », questionne Aurélien Drach, dont la maison est en effet située sur la très touristique place de la Manichella. Dans le quartier, l’incompréhension est partagée : « Il n’y a aucune logique. Soit le site est dangereux pour tout le monde, soit il ne l’est pas », résume un commerçant. D’autant que la décision est scrutée : des études supplémentaires pourraient concerner une trentaine d’autres maisons alentour. De son côté, la préfecture assume une décision « douloureuse mais nécessaire » : « Les falaises sont soumises à une érosion naturelle, qui peut provoquer un décrochage soudain et important. Pour deux maisons en particulier, le risque est bien réel », insiste le sous-préfet de Sartène, Anthony Barroco. « Le préfet n’a pas pris cette décision de gaieté de cœur. Nous savons ce que représente une maison de famille. Mais la sécurité des personnes passe avant tout. »

Un argumentaire contesté par l’avocat d’Aurélien Drach, Me Benjamin Huglo : « Le juge autorise l’État à expulser sans indemnité, donc à spolier. Et par voie de conséquence, de s’abstenir de faire tous travaux de confortement de la falaise. C’est un signal inquiétant pour tous ceux qui vivent dans des zones classées à risque », alerte-t-il. Pour l’heure, aucune expropriation ni indemnisation n’est prévue, mais les deux familles ont déjà prévu de porter l’affaire devant le Conseil d'État.

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